RESTAURATION
Élise PILAVYAN* Xavier VAN BELLINGHEN** Frédéric HEICHELBECH*** Olivier ÉTIENNE**** Ali SALEHI*****
*AHU, faculté de chirurgie dentaire
**AHU, faculté de chirurgie dentaire
***AHU, faculté de chirurgie dentaire
****MCU-PH, faculté de chirurgie dentaire
*****AHU, faculté de chirurgie dentaire
Strasbourg
Un nombre croissant de patients se présente aujourd’hui en consultation avec le souhait d’une prise en charge esthétique de taches blanches disgracieuses au niveau de l’émail. La prévalence de ces lésions au sein de la population varie de 24 à 32 % selon l’étiologie et selon les auteurs [1]. Cette importante prévalence justifie la recherche d’une thérapeutique répondant aux doléances de ces patients. L’arrivée sur le marché de matériaux comme l’Icon® (DMG) offre la possibilité de traiter ces lésions blanches de manière simple, protocolaire et avec un coût tissulaire réduit.
L’érosion-infiltration permet de compléter avantageusement les deux réponses jusqu’alors convenues : l’abstention thérapeutique à des fins de non-mutilation ou la réalisation d’un composite profond, voire de facettes, pour des raisons esthétiques. Cet article a pour objectif de détailler cette solution thérapeutique, appelée infiltration-érosion, plus satisfaisante en tout point que les autres pour les patients.
L’érosion-infiltration est un procédé initialement conçu pour les caries débutantes situées dans le tiers externe de l’émail des faces proximales des dents du secteur postérieur [2, 3]. Dans son stade initial, le processus carieux entraîne tout d’abord une porosité dans le tissu amélaire, avec une extension plus ou moins profonde, sans cavitation. Cette progression au sein de la phase cristalline de l’émail, sans altération volumique, provoque une déviation et une diffusion aléatoire de la lumière, laissant ainsi apparaître une lésion opaque qui se traduit visuellement par une tache blanche, ou white spot. Un exemple fréquent se retrouve avec les taches blanches se développant autour des brackets orthodontiques lorsque l’hygiène est déficiente et qui sont révélées lors de la dépose des dispositifs. Ainsi, la « tache blanche » d’origine carieuse n’est pas liée à un problème de coloration ou de pigmentation mais tout simplement à un effet optique résultant du principe de diffraction de la lumière. Les nombreuses porosités au sein de cet émail déminéralisé sont responsables de cette opacité par la déviation du rayon lumineux incident.
Le principe du traitement par érosion-infiltration consiste à combler ces porosités de l’émail avec un matériau dont l’indice de réfraction est similaire à celui d’un émail sain, afin que la lumière transite sans déviation dans la zone de déminéralisation [4]. Pour cela, il conviendra, dans un premier temps, d’ouvrir les porosités de l’émail en surface. Dans un second temps, une résine hydrophobe, très fluide et faiblement chargée, sera infiltrée dans cette zone préparée. La diffusion de la lumière se fera alors plus favorablement et la zone traitée retrouvera le même aspect translucide que l’émail sain environnant.
Cette approche de traitement des taches blanches de l’émail n’est pas réduite à l’indication des déminéralisations carieuses initiales, elle concerne aussi, aujourd’hui, la grande majorité des hypoplasies de l’émail.
Ce procédé associant érosion et infiltration a donc été étendu aux fluoroses, aux perturbations de l’amélogenèse ainsi qu’aux hypominéralisations superficielles d’origine traumatique notamment.
Dans les cas d’hypominéralisations plus sévères, ou d’hypominéralisation molaires incisives (MIH, molar incisor hypomineralisation) [5], la technique doit être adaptée. Elle doit être le plus souvent complétée par une abrasion de surface préalable afin d’atteindre la zone hypominéralisée située plus en profondeur. Certaines de ces atteintes peuvent effectivement se développer jusqu’à la jonction amélo-dentinaire, tenant en échec la technique classique. Cette abrasion est obtenue par un sablage ou un fraisage léger afin de garantir la conservation maximale de tissus amélaire. La mise en place d’alcool sur la lésion sablée et déminéralisée renseigne sur l’atteinte du plafond de celle-ci. En cas de persistance de la lésion après application d’alcool, les procédures abrasives sont à réitérer. Pour ces lésions profondes, les techniques d’érosion-infiltration sont alors systématiquement finalisées par l’ajout d’une fine couche de composite stratifiée, le plus souvent une masse émail uniquement, afin de combler la légère perte de substance [6, 7] (fig. 1 à 24).
Le principe de « non-mutilation » ou d’économie tissulaire est aujourd’hui devenu incontournable. L’évolution récente des matériaux et de leurs techniques d’application contribue à son application en favorisant la préservation tissulaire et l’esthétique des restaurations. La mise sur le marché de l’Icon® (DMG) et son exploitation clinique, astucieusement détournée de son indication initiale, en sont l’illustration parfaite.
S’ajoutant aux moyens thérapeutiques existants, l’érosion-infiltration constitue un moyen supplémentaire permettant, par la maîtrise des matériaux et sous réserve du diagnostic étiologique de ces taches, de répondre aux objectifs esthétiques et aux impératifs de préservation tissulaire avec un taux de réussite important. Elle peut être complétée, en cas de nécessité et selon les atteintes de l’émail, par des techniques d’éclaircissement préalable, voire de composite stratifié comme décrit dans cet article.
Cette procédure séduit aujourd’hui aussi bien par sa rapidité d’exécution que par la simplicité de son protocole. Son intérêt principal est de préserver l’émail. En effet, la perte tissulaire résultant de l’abrasion n’est que de quelques dixièmes de millimètres au niveau amélaire, contrairement aux techniques conventionnelles dont le champ d’action concerne également la dentine.
La technique d’érosion-infiltration apparaît aujourd’hui comme un procédé optimisant le traitement des taches blanches grâce à un protocole applicable quels que soient l’étiologie et le degré de l’atteinte.