Alexandre Sage, chirurgien-dentiste à Grenoble, a ouvert au mois de novembre 2016 un cabinet dentaire pour soigner les personnes sans papiers. Des chirurgiens-dentistes bénévoles se relaient 2 demi-journées par semaine pour y recevoir les patients adressés par des associations d’aide grenobloises.
C’est l’activité du bus social dentaire parisien qui a donné à Alexandre Sage l’idée de concevoir cette unité de soins pour les personnes sans papiers. « J’avais envie de faire une action humanitaire. Je ne pouvais pas partir très loin car mes enfants sont encore jeunes. Je me suis aperçu qu’il n’y avait rien à Grenoble pour les personnes en galère. » Or, le nombre de personnes précaires ayant besoin de soins dentaires est estimé entre 1 200 et 1 500.
Le mode associatif apparaît rapidement comme la meilleure solution pour obtenir des subventions et créer rapidement une structure. C’est un centre de santé en cours de création, rassemblant des médecins libéraux déjà « engagés socialement », qui accueille finalement le cabinet.
Des fonds en provenance de l’Agence régionale de santé (ARS) pour l’essentiel mais aussi de la réserve parlementaire d’un député et de mécénats permettent de boucler le budget. Au mois de novembre 2016, le cabinet reçoit ses premiers patients. « La force de notre projet, c’est que nous fonctionnons par prescription. Médecins du Monde, la PASS* médicale ou toute association qui s’occupe de personnes en grande précarité prennent rendez-vous. Cela nous permet d’être certains que ces patients n’ont pas de couverture sociale. Et puis nous pouvons mieux les prendre en charge car nous sommes en lien direct avec un travailleur social ou un médiateur sanitaire qui nous met au courant de l’histoire de la personne. Un Syrien en France depuis 3 ans n’est pas pris en charge de la même façon qu’un Guinéen qui vient d’arriver et ne parle pas un mot de français ou qu’un mineur isolé venant de Calais, ou encore qu’un marginal qui a des problèmes de désocialisation ou qu’un ancien détenu qui a perdu ses papiers », explique Alexandre Sage.
Solident trouve rapidement sa place dans l’organisation de l’aide. D’autant mieux que cette structure apporte une réponse aux travailleurs sociaux qui n’avaient jusqu’alors pas d’autres solutions pour les personnes sans papiers que l’antalgique ou l’antibiotique délivrés par un médecin.
Au début de chaque rendez-vous, le patient est reçu par un médiateur sanitaire salarié du cabinet qui lui explique les soins dentaires. Il peut aussi l’accompagner dans d’autres démarches comme l’obtention de la CMU-C ou la recherche d’un chirurgien-dentiste pour le recevoir s’il obtient la CMU-C. Il fait aussi le lien auprès du prescripteur de l’association. « Ce médiateur sanitaire permet le cas par cas », se félicite Alexandre Sage. Puis le chirurgien-dentiste bénévole prend en charge le patient aidé par une assistante dentaire salariée du cabinet.
L’objectif premier est de « faire des soins, soulager les douleurs et faire un peu d’esthétique pour les personnes qui ont les dents de devant abîmées. », explique le fondateur de Solident. Les besoins en prothèses, pourtant importants, ne sont pas réalisés. Il faudrait plus de temps, plus de moyens… Avec un budget de fonctionnement de 80 000 € par an, financé en grande partie par l’ARS, qui se partage en salaires (50 000 €), en location du local (20 000 €) et en consommables et matériel (20 000 €), Solident se concentre sur l’urgence. Le carnet de rendez-vous est déjà rempli 3 semaines à l’avance.
Des praticiens bénévoles se relaient 2 demi-journées par semaine. Une volonté d’Alexandre Lesage. « Je tenais au bénévolat. Être rémunéré 100 ou 200 € la vacation de 4 heures n’a pas beaucoup de sens ; je pense que mettre gratuitement sa compétence au service de personnes défavorisées a du sens. » Une dizaine de chirurgiens-dentistes grenoblois ont déjà tenté l’aventure et sont prêts à la renouveler. Mais Alexandre Lesage a besoin d’étoffer son équipe.
Quatre mois après l’ouverture du cabinet, il se réjouit : « c’est jouissif et enrichissant de pouvoir offrir sa compétence à des gens qui en ont besoin hors concept financier. Nous avons notre propre cabinet à faire tourner, il faut tout le temps expliquer au patient le coût des actes. Pouvoir être dans sa compétence médicale sans rapport à l’argent est très enrichissant et permet une approche différente. »
* Permanence d’accès aux droits de santé.