Clinic n° 04 du 01/04/2017

 

RÈGLEMENT ARBITRAL

ACTU

ACD  

La ministre de la Santé a approuvé le projet de règlement arbitral proposé par Bertrand Fragonard, provoquant la colère des syndicats. Mais le bras de fer continue. La FSDL*, la CNSD* et l’UD* sont déterminées à actionner d’autres leviers pour empêcher son application.

Ni les arguments de la profession, ni les 8 semaines de grève des étudiants, ni la manifestation du 3 mars n’ont arrêté la ministre de la Santé dans sa volonté de mettre en application son plan pour la santé bucco-dentaire. Au soir du 9 janvier, Marisol Touraine approuvait le projet d’arbitrage adressé deux jours plus tôt par Bertrand Fragonard, président de chambre honoraire à la Cour des comptes. Pour la ministre, ce plan doit permettre « de développer la prévention et réduire le reste à charge des patients ».

Que dit le règlement arbitral ?

Le règlement prévoit un plafonnement des tarifs des prothèses en 4 ans (par exemple, 510 € sur les céramo-métalliques à l’horizon 2020). En parallèle, la base de remboursement des actes prothétiques les plus courants passe de 107,50 € à 120 € en 2019. De nouveaux actes sont intégrés dans le panier CMU-C et des plafonds sont relevés (la couronne métallique passera de 230 à 250 €). Un arrêté étendra les conditions de prise en charge des bénéficiaires de la CMU-C* à ceux qui bénéficient de l’ACS*, ce qui porte le nombre de bénéficiaires à 6,6 millions de personnes (contre 5,4 actuellement).

Les soins conservateurs sont par ailleurs revalorisés à hauteur de 658 millions d’euros en 4 ans. Les consultations longues pour les patients atteints de handicap sont revalorisées à 60 € (90 € en cas de sédation). Pour les patients diabétiques, le règlement arbitral crée une séance « bilan parodontal » (35 €) et prévoit une prise en charge des traitements (jusqu’à 390 €). Un arrêté sera pris afin d’étendre l’examen bucco-dentaire pris en charge à 100 % aux jeunes de 21 et 24 ans. Le gain moyen pour un chirurgien-dentiste libéral sera de 7 600 € d’ici à 2021, estime le ministère de la Santé.

Réactions syndicales

La FSDL demande d’appliquer le « principe de précaution face à un gouvernement qui entend imposer à notre profession de réaliser des soins dentaires qui ne pourront plus être en adéquation avec les données actuelles de la science ». Pour elle, « alors que la profession était en train de prendre le chemin d’une modernisation des pratiques pour sortir la santé bucco-dentaire du tout thérapeutique et prothétique, Madame la ministre impose avec mépris et cynisme son modele destructeur qui constitue un recul de 30 années ».

La CNSD réagit avec « inquiétude et colère » car les tarifs seront « intenables économiquement ». Les cabinets à proportion importante de bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS seront mis « en difficulté ». Avec ce règlement, « les chirurgiens-dentistes sont punis pour avoir osé dire non, refusé de compromettre l’avenir de leurs entreprises et exigé que soit pris en compte le vrai coût de leurs actes, permettant de soigner plus précocement en évitant à leurs patients la prothèse ».

Pour l’UD, il s’agit d’« une nouvelle démonstration du mépris et de l’absence de considération de la ministre de la Santé ». L’UD s’en prend aux « plafonnements revus à la baisse et à aucune revalorisation conséquente des actes conservateurs et de prévention ».

Empêcher l’application du règlement ?

Chacun des syndicats a décidé d’actionner des moyens juridiques pour empêcher l’application du règlement arbitral. La FSDL a déposé une requête auprès du tribunal administratif de Paris contre l’arbitre et son mode de désignation. « Nous verrons si les instances considèrent que désigner un arbitre qui a été président de la CNAM* et du HCAAM* est à même d’être objectif pour instaurer une politique de santé bucco-dentaire » justifie le président de la FSDL, Patrick Solera. Autre action prévue par chacun des trois syndicats, dès la promulgation du texte : poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). « Nous avons beaucoup de motifs qui nous donnent un réel espoir d’avoir gain de cause au Conseil d’État », affirme Catherine Mojaïsky. La procédure est « longue et incertaine devant des juridictions très politisées », note toutefois Philippe Denoyelle.

En cas d’échec de la procédure, la règle des stabilisateurs économiques impose un délai de 6 mois avant l’application du règlement arbitral. Et une fois celui-ci en vigueur, des négociations conventionnelles doivent s’ouvrir dans les 2 ans qui suivent. Mais entre-temps, les syndicats comptent sur cette période électorale pour inciter les candidats à la présidentielle à se déterminer sur le dossier dentaire.

  • * CNSD : Confédération nationale des syndicats dentaires. FSDL : Fédération des syndicats dentaires libéraux. UD : Union dentaire. CMU-C : Couverture maladie universelle complémentaire. ACS : Aide pour une complémentaire santé. CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie. HCAAM : Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

Sur les réseaux sociaux…

Dès l’annonce de la ministre, on s’interrogeait sur la façon de réagir : un déconventionnement massif ? Le non-respect des plafonds imposés ? Le retour aux feuilles de soins papier ? « Ce n’est que le début d’une lutte qui s’annonce longue et difficile », remarquait un internaute.

L’UNECD RECONDUIT SON MOUVEMENT DE GRÈVE

Après l’annonce de la validation du règlement arbitral par la ministre de la Santé, les administrateurs de l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) ont reconduit leur mouvement de grève entamé le 13 janvier pour témoigner de leur « volonté de dénoncer une politique de santé accablante ».

L’Union étudiante prévient que la portée de son combat « ira bien au-delà du simple arbitrage ».

Les étudiants ont multiplié les opérations coup de poing dans de nombreuses villes : caisses primaires d’Assurance Maladie envahies, voire murées par des parpaings dressés devant l’entrée, opérations escargot, sit-in devant des monuments, blocages de rocades, de ronds-points et même de périphériques, déploiement de banderoles, y compris sur la cathédrale de Strasbourg, mais aussi opérations de prévention, et forte présence sur les réseaux sociaux. Ils étaient plus de 2 500 à la manifestation du 3 mars.

345 000

C’est le nombre de chirurgiens-dentistes exerçant en Europe en 2014. La Grèce détient le record du nombre de chirurgiens-dentistes par habitant : 126 pour 100 000 habitants. Au contraire en Slovaquie, à Malte et en Pologne, ils sont moins de 50 pour 100 000, selon Eurostat qui fournit les statistiques officielles de l’Union européenne.

ORDRE

Ordre ou syndicat : il faut choisir

Une ordonnance parue au Journal officiel du 17 février 2017 modifie les règles de fonctionnement des ordres professionnels. Elle instaure des règles d’incompatibilité entre les mandats ordinaux et les fonctions syndicales. Ainsi, il y a incompatibilité entre les fonctions de président, de vice-président, de secrétaire général ou de trésorier d’un conseil de l’Ordre et l’une quelconque des fonctions correspondantes d’un syndicat professionnel.