Bio, jusqu’où ?

Autre exemple de l’ambiance actuelle du marché des matériaux dentaires, un nouveau produit arrive chez l’un des principaux acteurs et personne n’en parle. J’ai dû attendre deux bonnes semaines avant de l’obtenir via l’un des plus grands vépécistes français, alors que l’importateur m’avait assuré en avoir en stock. Il est vrai que le GuttaFlow, sorti il y a quelques années, n’est certainement pas le ciment d’obturation canalaire en tête des ventes dans notre pays. Mélange de silicone et de poudre de gutta, il a fait parler de lui à ses débuts, et puis nous l’avons oublié.

De nombreux avantages

Pourtant, il semble que ce produit ait quelques avantages : une bonne tolérance tissulaire et une légère expansion de prise, assurant une meilleure étanchéité que nombre de ses concurrents.

Il reste relativement souple après la prise, ce qui assure, même en l’absence de cône de gutta, une désobturation possible du canal avec un minimum d’efforts. Une particularité rare, comparée à la dureté des ciments minéraux qui ont actuellement le vent en poupe. Aujourd’hui, la formule du GuttaFlow a été légèrement améliorée. Sa prise est un peu plus rapide qu’avant mais, surtout, il s’est vu incorporer de la poudre de biocéramique, le matériau miracle du moment, capable de cicatriser les lésions et de favoriser l’ostéogenèse. Combien y en a-t-il à l’intérieur, la quantité est-elle suffisante pour un effet biologique certain ? Nul ne le sait. Un article serait en cours de publication : wait and see car, pour le moment, nous n’avons que la plaquette publicitaire du fabricant pour nous tenir informés, et deux études in vitro. Le GuttaFlow Bioseal se présente en seringue bicorps de 5 mL.

Des embouts d’automélange assez longs, munis d’une buse intracanalaire, permettent de délivrer le produit d’une simple pression sur le piston.

Mise en œuvre perfectible

Certes, mais cela ne résout pas tous les problèmes : si l’on veut introduire effectivement la pâte, coulante et collante, jusqu’à l’extrémité du canal, comment s’y prendre ? Le lentulo génère des bulles d’air et des risques de dépassement. Un cône de gutta poussé dans le canal, avec un mouvement de va-et-vient pour étaler le ciment sur les parois ? Je n’y crois pas beaucoup pour obtenir une obturation tridimensionnelle sans vacuité.

La condensation thermomécanique ? Oui, c’est la méthode la plus rapide, la plus simple et la plus économique. Mais dans ce cas, il ne faut surtout pas introduire l’embout de la seringue dans le canal car le produit, qui coule facilement, a tôt fait de remplir la chambre pulpaire et l’on n’y voit plus rien. Son pouvoir lubrifiant est tel qu’une microgoutte suffit, sinon on passe un temps fou à essayer de ramollir la gutta avec le compacteur tournant à toute vitesse. Et dans ce cas, la quantité de ciment introduite sur les parois est si faible que l’on ne voit plus du tout l’intérêt de ce produit par rapport à un autre. Attention ! La notice précise qu’il faut éliminer toute trace d’hypochlorite dans le canal sous peine d’interférer avec la prise du silicone. Il faut le rincer à l’eau distillée ou à l’alcool, puis le sécher avant l’obturation. Une contrainte supplémentaire certes pas trop gênante, mais une contrainte tout de même. Avec un prix de vente légèrement supérieur à celui ses concurrents et une manipulation encore perfectible, on peut comprendre que le GuttaFlow Bioseal nécessite quelques arguments scientifiques de poids pour s’imposer comme matériau de choix.