Clinic n° 01 du 01/01/2017

 

RESTAURATION

Didier DIETSCHI  

DMD, PhD, Privat Docent
Chargé d’enseignement
Division de cariologie et endodontie
Université de Genève (Suisse)Professeur adjoint
Université Case Western
Cleveland, Ohio (États-Unis)
Cabinet privé The Geneva Smile Center, Genève (Suisse)

Un résultat esthétique optimal, une approche ultra-conservatrice « sans préparation » et une technique directe sont autant de défis pour le traitement des déficiences esthétiques chez le jeune patient que l’on peut simplifier et intégrer dans une pratique quotidienne en s’aidant d’une planification digitale et de l’application d’une technique de stratification performante mais tout à la fois simple et fiable.

Traitement des déficiences « complexes » du sourire

Le succès de toute restauration dans la zone esthétique dépend de critères bien connus aujourd’hui et le recours à une technique directe n’échappe pas à ces règles ; au contraire, on y ajoute, peut-être en apparence, un soupçon de complexité supplémentaire par une approche généralement sans préparation ou, du moins, ultra-conservatrice (remodelage amélaire ou préparation d’un biseau sur les bords cavitaires, au besoin). Les paramètres les plus importants à respecter sont :

• l’intégration de la forme (des dents au sein du sourire et du visage) et, impli?citement, son impact sur la fonction ;

• la teinte dans son sens global (par rapport aux tissus et dents voisins) ; elle comprend principalement la couleur, la luminosité/transparence, la saturation, l’opalescence et la fluorescence ;

• la micromorphologie de surface et le lustre du matériau de restauration ;

• la pérennité biologique, fonctionnelle et esthétique des restaurations. Lorsque l’on envisage une restauration chez de jeunes patients, souvent demandeurs de soins dès leur adolescence, la technique directe s’impose le plus souvent compte tenu de l’immaturité fonctionnelle et anatomique des arcades [1]. On doit en effet prévoir l’utilisation d’un matériau et/ou d’une technique qui permettront les ajustements et modifications rendus nécessaires par l’évolution bio-fonctionnelle dentaire du patient. Parmi les nombreux critères à considérer pour le choix du système composite, on pensera à privilégier, d’une part, la solidité du matériau et, d’autre part, sa facilité de mise en œuvre pour un résultat esthétique optimal. La méthode de stratification se doit donc d’être à la fois performante et simple ; en d’autres termes, il sera illusoire de recourir à des techniques multicouches complexes dans la pratique quotidienne et l’emploi de produits fondés sur le concept de stratification naturelle présentera un avantage certain (par exemple Inspiro, Edelweiss-DR Acteon ; Miris® 2, Coltene Whaledent ; Essentia™, GC ; Enamel HRi, Micerium SpA) [2]. Ce compte-rendu mettra en exergue l’avantage de cette technique qui permet, comme son nom l’indique, d’utiliser les références anatomiques de la dent naturelle (contours, volume et épaisseur de la dentine et de l’émail), ce qui simplifie considérablement le travail du praticien, en association bien sûr avec des aides à la planification fonctionnelle et esthétique du cas (décrits ci-dessous). Une fois l’approche thérapeutique et le choix du système de restauration effectués, une planification esthétique et fonctionnelle détaillée sera nécessaire, celle-ci revêtant une très grande importance tant pour communiquer avec le patient que pour guider le praticien dans l’élaboration de sa technique de restauration et, le cas échéant, de stratification. Il existe aujourd’hui des approches simplifiées par rapport au classique wax-up et les maquettes en résine acrylique fabriquées manuellement ; en effet, l’imagerie digitale et même les outils de programmation de beaucoup de systèmes de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) (par exemple CEREC™, Sirona) offrent des solutions innovantes qui sont aussi présentées dans cet article [3, 4].

Discussion

Le succès de tout traitement, esthétique en particulier, repose sur l’application d’une démarche thérapeutique et d’un protocole clinique standardisés, intégrant de préférence tout progrès qui les fiabilisera et les simplifiera. La planification esthétique à l’aide d’outils informatiques (programme grand public consacré au dentaire ou système CFAO) est revenue sur le devant de la scène et son utilisation commence à se généraliser, probablement de manière durable cette fois-ci [3, 4]. L’idée maîtresse de cette approche revisitée est, outre un souci légitime de simplification et de rentabilité, de contextualiser et de prévisualiser le projet de traitement en cours, et ce avant que le praticien ait fait le moindre geste en bouche. Le bénéfice sera double, tant sur le plan de la communication que de l’acceptation préalable du résultat par le patient. On évitera ainsi des situations délicates et des réactions négatives de patients qui avaient conceptualisé un résultat par trop différent de celui rendu possible par les moyens thérapeutiques engagés.

Quant au choix du matériau de restauration et tout en essayant de satisfaire aux multiples impératifs liés à la biomécanique dentaire, à la fonction et à l’esthétique, les paramètres décisionnels doivent être redéfinis à la lumière des avancées récentes en matière de composites et de leur longévité [5, 6]. Une perspective globale prenant en compte le devenir à long terme de la dent et sa restauration doit être présentée au patient pour le guider vers le choix le plus approprié. Très souvent, la meilleure solution est celle qui implique le sacrifice de tissu le plus faible ; une approche raisonnable d’un traitement esthétique devrait donc inclure aujourd’hui, outre les blanchiments et la micro-abrasion, les résines composites en application directe comme approche de base pour les jeunes patients « esthétiques », comme cet article l’illustre [1]. Dans ce domaine, un concept à la fois de teinte et de stratification a fait petit à petit son chemin et s’est imposé comme la solution la plus performante parmi les nombreux concepts de stratification proposés par l’industrie dentaire au cours des deux dernières décennies, en particulier pour des cas de restaurations multiples et de restauration globale du sourire comme cela est présenté ici [2]. Cette approche implique aussi un système de prise de teinte simple et fiable grâce à l’utilisation d’un teintier bilaminaire ; celui-ci illustre bien le concept global qui consiste à dupliquer la structure interne de la dent, permettant au praticien de construire sa restauration en se fondant sur sa connaissance et sur la visualisation extemporanée de l’anatomie naturelle.

Conclusion

L’évolution clinique et les progrès les plus notoires dans le domaine des techniques directes s’illustrent par une prévisualisation digitale du résultat esthétique final et le recours à une technique de stratification et de prise de teinte simplifiée et à la fois plus performante qu’avant.

  • [1] Dietschi D. Gérer les déficiences esthétiques. Dentoscope 2014;126:34-42.
  • [2] Dietschi D. Layering concepts in anterior composite restorations. J Adhesive Dent 2001;3:71-80.
  • [3] Paolucci B, Calamita M, Coachman C, Gürel G, Shayder A. Visagism: the art of dental composition. In : Duarte S (ed). Quintessence of dental technology. Chicago: Quintessence Publishing, 2012:1-14.
  • [4] Coachman C, Paravina R. Digitally enhanced esthetic dentistry. From treatment planning to quality control. J Esthet Restor Dent 2016 (suppl. 1):S3-S4.
  • [5] Demarco F, Collaresa K, Coelho-de-Souza F, Correaa M, Cencia MS, Moraesa R et al. Anterior composite restorations: a systematic review on long-term survival and reasons for failure. Dent Mater 2015;31:1214-1224.
  • [6] Heintze S, Valentin R, Hickel R. Clinical effectiveness of direct anterior restorations. A meta-analysis. Dent Mater 2015;31:48-495.

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