PROTHÈSE
Docteur en Chirurgie Dentaire
Ancien attaché du service de parodontologie des HCL
AEU implantologie
DU de parodontologie et d’implantologie orale
À travers cet article sera expliqué l’intérêt d’obturer de manière étanche et cohésive le puits d’accès à la vis implantaire pour une couronne unitaire. Un protocole reproductible et fiable sera proposé.
Transvisser une couronne implanto-portée est une solution fiable pour assurer la rétention. Cette conception prothétique a de nombreux avantages établis (pas de ciment de scellement, maintenance facilitée, meilleure intégration biologique). Néanmoins, cette prothèse est plus exigeante et la présence d’un puits occlusal a comme conséquence notoire une fragilité relative de la structure en céramique [1, 3], et ce que le puits occlusal soit bordé par du métal ou de la céramique. L’intérêt d’un pourtour en céramique réside dans la possibilité, d’une part, de réaliser un collage pour obturer le puits, ce qui est impossible avec un bandeau métallique, et, d’autre part, d’améliorer le rendu esthétique.
Il est d’usage d’utiliser des couronnes céramo-métalliques en implantologie. Transvisser ces couronnes aura comme conséquence la présence d’un puits pour accéder à la vis du pilier implantaire. Ce puits est généralement situé sur la face occlusale de la prothèse en ce qui concerne les secteurs postérieurs et sur la face palatine ou linguale en ce qui concerne les secteurs antérieurs. Ce trou au sein des prothèses aura un impact visuel : un aspect grisé du matériau de comblement (fig. 1).
Un nombre croissant d’auteurs proposent l’utilisation de couronnes en disilicate de lithium (en particulier monolithiques), ce qui permet de s’affranchir de la présence de métal tout en assurant leur pérennité mécanique pour remplir leur fonction masticatoire.
L’obturation est nécessairement à deux étages : d’une part, il est nécessaire de préserver la tête de la vis implantaire notamment afin de pouvoir la dévisser si cela s’avère nécessaire et, d’autre part, la face occlusale doit être suffisamment résistante pour supporter les forces masticatoires et les agressions biochimiques. Il faut utiliser :
• à l’étage occlusal :
– un matériau transitoire (Cavit®, silicone, gutta-percha),
– un matériau de longue durée (amalgame, ciment verre ionomère, résine composite, céramique) ;
• à l’étage cervical ;
– du coton. Son côté pratique est contrebalancé par la forte colonisation bactérienne et par les odeurs désagréables que l’on constate en cas de dépose,
– du polytétrafluoroéthylène (PTFE) (fig. 2). Son utilisation tend à se développer et est conseillée par certains auteurs [4, 5]. Il a comme atouts :
– une inertie chimique,
– une absence de toxicité (à cette température),
– un coefficient de frottement extrêmement faible,
– une résistance mécanique,
– en outre, il est économique,
– il est facilement manipulable (foulable, on peut le couper avec une paire de ciseaux sans aucune difficulté, il se retire avec une sonde et il n’accroche pas aux fraises rotatives…),
– il ne sent pas mauvais lorsqu’on le retire, contrairement au coton (une mise au point néanmoins, l’absence d’odeur n’est en rien un signe d’absence de percolation bactérienne),
– il est stérilisable dans les autoclaves (il ne devient toxique qu’au-delà de 250 °C).
L’intérêt d’un scellement esthétique du puits occlusal est d’autant plus important que la face occlusale est visible. Il n’y a pas de standard en la matière : l’accès visuel des faces occlusales de molaires dépend d’un grand nombre de paramètres, ne serait-ce que du différentiel de taille entre le patient et l’observateur, d’une part, ou de l’importance de l’ouverture buccale avec l’amplitude labiale, d’autre part. De manière générale, les faces occlusales des molaires supérieures sont réputées être peu visibles, mais encore faut-il s’en assurer au cas par cas. Pourquoi faire le choix d’une reconstitution visible lorsque celle-ci peut être discrète ?
Lorsque le pourtour du puits est en métal, il est impossible de réellement le masquer : au mieux cela donne à la restauration un aspect grisâtre, au pire le bord métallique est clairement visible. Le résultat esthétique à moyen terme est médiocre (fig. 3).
Les reconstitutions à base de produits temporaires ne résistent pas aux contraintes de mastication et finissent par se dissoudre ou se fragmenter. Ces produits ne sont pas indiqués pour des couronnes implanto-portées. Leur usage est plus intéressant pour les reconstructions complètes qui nécessitent plus de dépose que les autres dans le cadre de la maintenance (bridge sur pilotis par exemple).
Les reconstitutions à base de produits de longue durée sont a priori pérennes mais force est de constater qu’il y a peu d’études scientifiques sur ce thème. Les ciments verre ionomère ainsi que les composites (sans collage) se maintiennent par rétention pure (le parallélisme des parois créant une cavité très favorable à la rétention). Si l’on souhaite coller les composites, il est nécessaire de silaniser les parois quand elles sont en céramique, après mordançage. Néanmoins, le facteur de configuration cavitaire (ou facteur C) étant très important, il est fréquent de constater des décollements périphériques si les composites ne sont pas montés en respectant les hauteurs recommandées. Même s’il n’y a pas de risque biologique immédiat, il est ainsi nécessaire de réaliser des apports incrémentiels de la résine.
Un collage de bonne qualité apportera une pérennité esthétique du scellement du puits alors que la pose d’un composite sans collage créera, à la suite des percolations, une coloration du joint (fig. 4 et 5).
Le cas clinique présenté propose un protocole de comblement du puits occlusal d’une seconde prémolaire supérieure restaurée par une couronne unitaire implanto-portée (fig. 6). Le matériel nécessaire à cette restauration est détaillé à la figure 7.
Après le contrôle de l’ostéo-intégration, et vu le bon positionnement tridimensionnel de l’implant, il est proposé au prothésiste de réaliser une couronne transvissée en disilicate de lithium qui sera collée au laboratoire sur un pilier ou une embase en titane. Le prothésiste vérifie que les épaisseurs de la céramique sont suffisantes afin de répondre aux préconisations du fabricant (fig. 8).
Le laboratoire de prothèses colle la coiffe en céramique, élimine les excès et peut réaliser un polissage aussi parfait que possible sur toute la jonction entre le pilier et la couronne, ce qui élimine le risque de péri-implantite lié à la présence d’excès de ciment (fig. 9).
La restauration est mise en place avec un vissage manuel. Une radiographie est prise afin d’évaluer si la couronne est correctement positionnée (fig. 10). Les points de contact et l’occlusion sont vérifiés. Un dernier vissage est effectué à la clé dynamométrique selon les recommandations du fabricant de l’implant et du pilier. On peut remarquer que la compression de la gencive est visible par un léger blanchiment (fig. 11).
Un collage optimal sur de la céramique nécessite une isolation (optimisation du collage, utilisation d’acide fluorhydrique). La mise en place d’une digue dentaire est suffisante. Le crampon ne doit pas être placé sur l’implant car cela risque de blesser les tissus gingivaux, par nature fragiles autour d’un implant. De plus, la forme anatomique des crampons est adaptée au profil d’émergence de dents naturelles et non des prothèses implanto-portées (fig. 12).
La céramique est alors mordancée avec de l’acide fluorhydrique à 9 % pendant 30 secondes selon les recommandations du fabricant. Si la digue n’est pas utilisée ou qu’elle n’est pas étanche, il est indispensable de réaliser cette étape hors du milieu buccal : l’acide fluorhydrique peut être responsable de brûlures chimiques des muqueuses. Le rinçage à l’eau doit durer 30 secondes. Un séchage soigneux est effectué.
Le puits d’accès peut être rempli par du PTFE [4]. Ce matériau est foulable, stérilisable et peut facilement être déposé en cas de réintervention (fig. 13 et 14).
La céramique est enduite de silane (fig. 15). Un adhésif est mis en place et les excès sont « soufflés ». On procède à la polymérisation à l’instar d’un composite classique (fig. 16).
De nombreux auteurs affirment que l’odeur dégagée par les puits implantaires lors des réinterventions est très différente et moins désagréable, qu’on soit en présence de coton ou de PTFE. Cela pourrait laisser supposer que la composition bactérienne est différente, bien qu’aucune étude ne le prouve et que cela reste très subjectif. Le composite est alors poli, le praticien vérifie que la gencive a retrouvé sa couleur naturelle et le patient est libéré (fig. 17 et 18).
Cette approche peut être utilisée pour masquer les sorties des puits lorsque ces derniers sont situés sur la face vestibulaire des dents antérieures [5].
Laboratoire de prothèses : Julien Hanss, laboratoire Dentitek, Écully (69).
Système implantaire : Easy Implant System, Chavanod (74).