Clinic n° 01 du 01/01/2017

 

ENDODONTIE

Dr Guillaume Jouanny  

Assistant Hospitalo-Universitaire Paris 5
Certificat en Endodontie Université de Pennsylvanie
Master en Microbiologie Université de Pennsylvanie
Exercice privé limité à l’endodontie

La chirurgie endodontique a bénéficié, depuis 25 ans, de l’arrivée sur le marché de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux. C’est désormais une procédure qui donne des résultats fiables et reproductibles. Cette discipline se situe au carrefour de la parodontie, de la chirurgie et de l’endodontie. Quelles sont les différences fondamentales entre cette nouvelle technique et son ancêtre, la chirurgie apicale ?

Dans les années 1990, la « chirurgie apicale » (l’ancêtre de la microchirurgie endodontique moderne) a mauvaise presse. Elle n’est indiquée « qu’en dernier ressort », uniquement « quand on n’a plus rien à perdre ». Et en ce qui concerne les taux de succès, la sensation générale est que « quelquefois, ça marche »…

Malheureusement, au cours de cette décennie, tout cela est vrai. Une étude récente [1] confirme un taux de succès inférieur à 60 %. Aujourd’hui, la vérité est tout autre et il est temps d’enterrer la chirurgie apicale et, avec elle, tous les préjugés tenaces dont a hérité la microchirurgie endodontique moderne.

Voici sept différences majeures entre ces deux techniques.

Radiographie versus CBCT

La chirurgie apicale était réalisée avec une simple radiographie rétroalvéolaire, parfois avec deux incidences, mais qui ne permettait une préparation optimale de l’acte chirurgical.

Le cone beam (CBCT, cone beam computed tomography), dont l’usage en endodontie et en chirurgie endodontique s’est largement démocratisé depuis son apparition dans les cabinets dentaires en 2006, permet de préparer l’intervention chirurgicale de manière précise. Il est possible d’identifier la forme de la racine ainsi que le nombre de canaux à traiter de façon rétrograde et de réaliser une chirurgie sans surprise peropératoire (fig. 1 à 5).

Lambeau

Les lambeaux étaient réalisés avec des lames épaisses et peu précises. Les ?incisions étaient souvent placées dans la muqueuse alvéolaire de façon arciforme et engendraient des cicatrices disgracieuses.

La microchirurgie endodontique moderne a bénéficié des avancées de la parodontie dans la connaissance de l’abord chirurgical des tissus mous.

Les incisions sont désormais réalisées avec des lames fines (15 C) ou des microlames (MB69). Les incisions verticales de décharge, systématiques, offrent un confort d’accès optimal et les incisions horizontales sont placées dans le sulcus ou dans la gencive attachée en fonction du biotype gingival, de la position de la ligne du sourire, de la hauteur de gencive attachée, de la taille de la lésion et de la hauteur radiculaire (fig. 6 et 7).

Fraise boule et pièce à main versus turbine et microfraises

L’ostéotomie était réalisée au mieux avec un contre-angle à microtête et avec des fraises boules à os. Bien souvent, une pièce à main chirurgicale à basse vitesse était utilisée. Il était difficile de travailler en vision directe et les ostéotomies étaient significativement plus étendues qu’aujourd’hui.

Il existe actuellement des turbines angulées à 45° qui permettent de dégager le champ visuel. L’utilisation de fraises Zekrya chirurgicales autorise une ostéotomie plus précise et plus conservatrice qu’avant (fig. 8 et 9).

La fraise peut être utilisée pour l’ostéotomie et pour la résection apicale.

Résection apicale

La fraise boule était utilisée pour l’ostéotomie et pour la résection apicale. Il était très difficile d’effectuer une résection plane et propre. Quand une fraise flamme était utilisée, il était recommandé d’effectuer un biseau de manière à exposer le canal pour augmenter la visibilité (fig. 10).

Grâce à l’utilisation d’aides optiques, ce biseau n’est plus nécessaire. Il n’est pas non plus souhaitable car il peut être à l’origine d’erreurs opératoires comme un canal manqué.

Œil versus microscope

Les chirurgies étaient réalisées à l’œil nu avant la démocratisation du microscope opératoire dans les cabinets dentaires depuis les années 2000.

Une étude menée récemment confirme que les chirurgies réalisées sous microscope présentent un taux de succès supérieur à celles réalisées à l’œil nu ou avec de simples loupes [2]. Cela s’explique par la complexité de l’anatomie dans la zone apicale. Il existe très souvent des isthmes qu’il est nécessaire de préparer a retro et d’obturer si l’on souhaite obtenir une guérison optimale. Ces isthmes sont présents le plus souvent entre les canaux MV et MV2 des racines mésio-vestibulaires des premières molaires maxillaires et entre les canaux mésiaux des racines mésiales des molaires mandibulaires [3] (fig. 11 et 12).

Fraise boule versus inserts ultrasonores

Lorsqu’ils étaient instrumentés, les canaux radiculaires étaient préparés à l’aide d’une petite fraise boule montée sur contre-angle. Cette préparation était rarement centrée sur le canal et la profondeur de préparation était insuffisante. Depuis le début des années 1990 et l’introduction des inserts diamantés pour la préparation a retro des canaux, il était possible de préparer les canaux sur 3 mm [4].

Il est depuis peu possible de les préparer sur 6 ou 9 mm en fonction de l’anatomie de la dent traitée. Ces obturations longues renforcent l’idée que la microchirurgie endodontique est un traitement endodontique réalisé par la voie chirurgicale [5] (fig. 13 à 16).

Amalgame versus matériaux étanches

Avant l’introduction de matériaux à l’étanchéité renforcée, le matériau de choix était l’amalgame mais il n’était pas étanche ni biocompatible et provoquait des tatouages gingivaux (fig. 17). L’IRM® et le super EBA™ ont été les matériaux de deuxième génération qui ont permis une obturation plus étanche et plus profonde qu’avant des canaux après préparation apicale à l’aide d’ultrasons. Ce sont des matériaux de la famille des ciments oxyde de zinc-eugénol renforcés. La dernière génération de matériaux possède une meilleure biocompatibilité. Ce sont les ciments biocéramiques avec, en tête de file, le MTA®. La Biodentine™ et le TotalFill™ sont les deux derniers arrivés sur le marché. Leur manipulation est plus aisée que celle du MTA® mais la Biodentine™ n’est pas assez radio-opaque pour permettre une utilisation en microchirurgie endodontique.

Le gros avantage de ces matériaux est qu’ils permettent une réparation physiologique avec la possibilité d’une prolifération de cément à la surface du matériau d’obturation apicale [6] (fig. 18 à 22).

Conclusion

La microchirurgie endodontique est donc une technique récente qui a bénéficié de l’avancée des nouvelles technologies comme le microscope et les ultrasons. Elle a également profité de la mise au point de nouveaux matériaux de la famille des biocéramiques qui sont plus étanches et plus biocompatibles que les précédents.

Grâce à toutes ces caractéristiques, la microchirurgie endodontique ne doit plus être considérée comme la solution de la dernière chance mais bien comme une technique fiable et qui doit être indiquée plus souvent. Avec un taux de succès de plus de 90 %, c’est une option dont les patients doivent bénéficier.

  • [1] Setzer FC, Shah SB, Kohli MR, Karabucak B, Kim S. Outcome of endodontic surgery : a meta-analysis of the literature. Part 1 : Comparison of traditional root-end surgery and endodontic microsurgery. J Endod 2010;36:175-165.
  • [2] Setzer FC, Kohli MR, Shah SB, Karabucak B, Kim S. Outcome of endodontic surgery : a meta-analysis of the literature. Part 2 : Comparison of endodontic microsurgical techniques with and without the use of higher magnification. J Endod 2012;38:1-10.
  • [3] Estrela C, Rabelo LE, de Souza JB, Alencar AH, Estrela CR, Sousa Neto MD et al. Frequency of root canal isthmi in human permanent teeth determined by cone-beam. J Endod 2015;41:1535-1539.
  • [4] Carr GB. Ultrasonic root end preparation. Dent Clin North Am 1997;41:541-554.
  • [5] Khayat B, Michonneau JC. Chirurgie endodontique ou endodontie chirurgicale ? Inf Dent 2006;88:1523-1528.
  • [6] Chen I, Karabucak B, Wang C, Wang HG, Koyama E, Kohli MR et al. Healing after root-end microsurgery by using mineral trioxide aggregate and a new calcium silicate-based bioceramic material as root-end filling materials in dogs. J Endod 2015;41:389-399.