Clinic n° 12 du 01/12/2016

 

ORTHODONTIE

Claire PERNIER*   Lise DAVIET**   Romain DUVERT***   Stéphane VIENNOT****  


*MCU-PH
Spécialiste qualifiée en orthopédie
dento-faciale
Faculté d’odontologie de Lyon
**Interne DES d’ODF
Lyon
***Interne DES d’ODF
Lyon
****MCU-PH
Département de prothèses
Faculté d’odontologie de Lyon

Utilisées à large échelle depuis une dizaine d’années maintenant, les minivis se révèlent être un ancrage temporaire (absence d’ostéo-intégration), peu invasif, peu coûteux et très fiable si leur site d’insertion, leurs caractéristiques (diamètre, longueur…) et la mécanique qui leur est appliquée sont judicieusement choisis, en tenant compte à la fois du mouvement souhaité et du cadre anatomique. Leur utilisation, comme ancrage direct ou comme renfort d’ancrage, permet de soulager les dents. Cela est particulièrement pertinent si ces dernières sont délabrées, parodontalement fragiles, voire absentes, comme c’est souvent le cas chez les patients nécessitant un traitement orthodontique préprothétique.

Lors d’une restauration prothétique, le praticien peut être confronté à des malpositions dentaires qui vont réduire l’espace nécessaire pour réaliser la prothèse ou contrarier la fonction occlusale et/ou l’esthétique après la restauration. Il peut s’agir d’une égression de dents antagonistes ou d’une version ou migration de dents adjacentes, en cas d’absence (s) dentaire (s) non compensée (s), de rotations dentaires, d’articulés croisés ou de collets non alignés…

Face à ces situations, trois options s’offrent généralement aux praticiens :

• la solution prothétique isolée. Rapide mais invasive, elle peut compromettre la vitalité des dents concernées, voire leur conservation ;

• le traitement orthodontique conventionnel, c’est-à-dire intéressant la totalité des deux arcades et visant à corriger l’ensemble des malpositions présentées par le patient. Idéal, il nécessite un temps de traitement long et peut être parfois disproportionné au regard de la demande du patient ;

 le traitement orthodontique local, prenant en charge uniquement les malpositions dentaires qui s’opposent à une restauration prothétique optimale. Il présente le double avantage d’éviter les compromis de la première option et d’être moins lourd et moins long que la deuxième. Le recours à cette solution s’est, de plus, intensifié ces dernières années avec l’essor et la démocratisation des ancrages osseux, telles les minivis. Celles-ci sont des dispositifs métalliques transgingivaux (le plus souvent), à usage orthodontique ou orthopédique, fixés dans l’os alvéolaire ou basal mais non ostéo-intégrés. Les auteurs parlent d’un mécanisme d’ostéo-conduction, caractérisé par la formation d’un tissu cicatriciel non minéral. Ce sont des dispositifs médicaux implantables temporaires, déposés dès qu’ils ne sont plus utiles. Ils permettent un ancrage osseux intrabuccal, donc esthétique (par opposition aux forces extra-orales), extra-dentaire, direct (la force motrice, développée par un ressort, une chaînette ou un élastique, s’exerce directement sur la minivis) ou indirect (la force motrice s’exerce sur une dent dont la valeur d’ancrage est renforcée par sa solidarisation à la minivis) [1].

C’est cette troisième solution qui va être présentée dans cet article, en insistant tout d’abord sur l’intérêt de cette prise en charge originale puis en rappelant les caractéristiques essentielles de l’ancrage sur minivis et, enfin, en décrivant les principales indications retenues à l’heure actuelle qui seront illustrées par deux cas cliniques.

Intérêt des traitements orthodontiques locaux à l’aide de minivis

Un ancrage efficace qui ménage les autres dents

Langlade a défini l’ancrage comme étant « la résistance d’un corps à son déplacement ». Pour provoquer un déplacement dentaire, il est nécessaire d’appliquer des forces sur la ou les dents à déplacer en prenant le plus souvent appui sur d’autres dents. Or, selon la troisième loi de Newton, toute action induit une réaction d’intensité égale et de sens opposé. Les dents servant d’ancrage en orthodontie conventionnelle sont donc susceptibles de présenter des déplacements non souhaités (effets parasites, perte d’ancrage…) lorsque la force utilisée dépasse la valeur d’ancrage de ces dents [2].

Pour éviter cet effet indésirable, la minivis, en tant qu’ancrage squelettique, va soit venir se substituer aux dents d’ancrage (ancrage direct), soit renforcer leur capacité de résistance (ancrage indirect). Cet ancrage osseux est d’autant plus indispensable que les dents sont fragiles ou absentes et il est donc particulièrement indiqué chez les adultes nécessitant une restauration prothétique.

Dans une méta-analyse de 2011 sur l’efficacité clinique des minivis, Papadopoulos conclut que les minivis contrent ou diminuent significativement la perte d’ancrage et que leur taux de succès est de 87,7 % [3].

Un traitement sectoriel, donc esthétique et peu invasif

Quand l’occlusion globale du patient est acceptable, l’ancrage osseux permet d’appareiller un minimum de dents et de prendre en charge uniquement les malpositions dentaires qui s’opposent à la restauration prothétique. Cela répond à une demande des patients qui, souvent, ne comprennent pas qu’il faille porter un appareil inesthétique et inconfortable sur toutes les dents alors que le problème est localisé. Cela permet également de limiter les effets iatrogènes propres aux traitements orthodontiques (résorptions radiculaires, leucomes…) et de ménager les dents fragiles (racines courtes, parodonte réduit…).

Un traitement plus court

Les objectifs étant limités, le coût et la durée d’un traitement orthodontique local sont moindres : en moyenne, de 3 à 12 mois selon le déplacement à réaliser [2, 4, 5]. Dans le cadre d’une restauration implantaire, la pose de l’implant peut même parfois s’envisager pendant le traitement orthodontique local pour réduire le temps de traitement global [5].

Un champ élargi d’indications

En renforçant l’ancrage naturel de manière plus efficace que les ancrages conventionnels, l’ancrage intra-osseux rend possible ou simplifie certains mouvements dentaires, comme :

• la mésialisation (les dents postérieures ont un ancrage naturel supérieur à celui des dents antérieures) ;

• l’ingression, notamment des dents en position terminale sur l’arcade (il n’y a pas d’ancrage postérieur naturel dans ce cas) ;

• le redressement d’axe molaire (les molaires pluriradiculées constituent un ancrage naturel important) ;

• les mouvements asymétriques (les forces motrices utilisées sont asymétriques, génèrent des mouvements parasites asymétriques et nécessitent donc des ancrages spécifiques), etc.

La limitation du facteur « coopération »

Contrairement à l’orthodontie conventionnelle (port d’élastiques, de forces extra-orales), certains dispositifs permettent de se passer de la coopération du patient dans l’activation du système. Cela permet de maîtriser davantage la durée du traitement [5-7]. Une excellente hygiène et un respect de la minivis (ne pas la mobiliser avec le doigt ou la langue) restent cependant indispensables et de la seule responsabilité du patient.

Description de l’ancrage sur minivis

Types de minivis

Matériau

Le matériau le plus utilisé pour la fabrication des minivis est un alliage de titane (grade 4 ou 5), le Ti-6Al-4Va. De l’acier inoxydable (acier chirurgical) est plus rarement employé. Sa biocompatibilité est moindre dans le temps mais sa résistance est supérieure et son coût est moindre [1, 8].

Parties constitutives

Trois parties forment la minivis : la tête, le col et le filetage (corps et pointe). Le filetage est cylindro-conique avec une extrémité autoforante ou autotaraudante. Lorsqu’elle est autotaraudante, un préforage de l’os cortical est nécessaire avant le vissage.

Les vis autoforantes ont une pointe avec un angle d’attaque forant la corticale et amorçant le vissage, la forme du pas de vis élimine les débris osseux vers la surface au fur et à mesure de l’implantation [8].

Diamètre

Il existe plusieurs diamètres allant de 1 à 2,2 mm. Les petits diamètres présentent un risque de fracture très important. Les gros diamètres peuvent être dangereux pour les racines dentaires et gêner le déplacement. Les diamètres conseillés se situent donc entre 1,5 et 2 mm [1].

Longueur

La longueur du filetage se situe entre 5 et 15 mm. La stabilité primaire est obtenue par un vissage monocortical de 5 mm mais, dans certains cas, l’utilisation d’un filetage plus long est nécessaire pour obtenir une stabilité primaire. Les longueurs de filetage recommandées sont donc de 5 à 9 mm [1].

Procédures cliniques de réalisation

Sites d’insertion

Le choix du site se fait suivant deux facteurs majeurs : les qualité et quantité d’os et la biomécanique envisagée, dictée par la malocclusion [9].

Site vestibulaire

C’est le site préférentiel d’implantation des minivis. Leur émergence se fera en gencive attachée. L’émergence en gencive libre est à éviter mais reste possible à condition que la tête reste sous-muqueuse et que seul émerge le système d’ancrage, relié à la minivis [1].

Site palatin

Le rebord alvéolaire constitue un excellent site. L’os alvéolaire est épais et les racines palatines à distance. En arrière, la minivis devra être placée le plus près possible du bord libre pour éviter les pédicules palatins postérieurs.

La suture palatine est également un très bon site, car l’os est dense, prolongé dans les fosses nasales par la crête incisive (épaisseur disponible de 6 mm en général). Il est classique de ne pas l’utiliser avant sa fermeture définitive. Le canal naso-palatin contre-indique le site interincisif [1].

Site crestal

En zone édentée, la hauteur de la crête flottante impose un col de 5 mm et plus, et l’os alvéolaire de faible densité un filetage de 8 à 15 mm [1].

La tubérosité du maxillaire présente généralement un os peu dense et un accès difficile.

Le trigone rétromolaire mandibulaire présente un os très dense qui peut nécessiter un préforage. Par ailleurs, les tissus mous de ce site sont épais et très mobiles. Cela favorise l’enfouissement de la minivis, et ce d’autant plus que la maintenance par le patient y est délicate [8, 9].

Site lingual

L’accès du site lingual est difficile, la corticale y est peu épaisse et la présence de la langue est une source d’inconfort. En regard des molaires, la proximité du nerf lingual contre-indique cette zone [1], à moins de lever un lambeau [7].

Pose

Un bilan clinique (hygiène, santé parodontale) et radiologique (radiographie panoramique, clichés rétroalvéolaires, cone beam) est indispensable [1]. Un espace minimum de 2 mm est nécessaire au placement de la vis, entre les racines dentaires. Lors de l’examen radiologique, l’utilisation d’un guide tel qu’un fil de laiton torsadé peut aider à positionner la minivis. Toutefois, cela ne donne qu’une information en deux dimensions, indiquant le point d’insertion correct de la minivis mais pas l’angulation à donner lors de la pose [4, 9]. Si l’espace interdentaire est insuffisant, la minivis peut être positionnée plus apicalement ou un élargissement orthodontique préalable peut être réalisé [4].

L’utilisation de moulages peut également s’avérer utile pour préciser la localisation des minivis et communiquer entre correspondants [1].

Les contre-indications à la pose de minivis peuvent être générales – infection aiguë, maladie chronique ou systémique (cardiopathie, diabète non équilibré, troubles de la coagulation, troubles du métabolisme osseux), immunodépression, chimiothérapie récente, bisphosphonates, tabagisme sévère… – ou locales – largeur d’os interradiculaire insuffisante, obstacle anatomique, présence de germes, encombrement majeur, absence d’os [1], hygiène insuffisante [4]… S’il n’en existe aucune, le patient est informé de la procédure, des risques et des solutions de remplacement du traitement (orthodontique, chirurgical, prothétique), afin de recueillir son consentement éclairé.

Le protocole de mise en place des minivis doit répondre aux normes d’hygiène et de stérilisation de l’implantologie prothétique et un bain de bouche à la chlorhexidine précède l’anesthésie [4].

L’anesthésie se fait au site d’émergence de la vis et doit être très superficielle afin de garder la sensibilité des dents et de leur ligament [9]. La douleur ressentie par le patient constitue un signal d’alarme en cas d’effraction du ligament. La mise en place de la vis sera réalisée sans attendre la diffusion du produit [1].

L’abord transmuqueux sans incision est le plus classique. Un abord muqueux peut cependant être réalisé pour un bon contrôle osseux [1]. L’insertion en muqueuse libre est plus hémorragique et traumatique et nécessite une incision pour éviter l’enroulement des tissus mous autour de la fraise [9].

Pour les vis autotaraudantes, l’insertion est précédée d’un forage avec un contre-angle à vitesse réduite sous irrigation, pour éviter un échauffement de l’os. Le vissage se fait avec un tournevis manuel ou un contre-angle avec limitateur de torque. L’insertion des vis autoforantes est directe à travers la gencive avec un tournevis, une clé ou un contre-angle, sans forage préalable [4].

L’axe de la vis sera de préférence oblique à 45° par rapport aux axes dentaires en direction des apex, pour bénéficier du maximum de volume osseux en vestibulaire, et perpendiculaire au procès alvéolaire en palatin [1]. Il faut respecter une distance minimum de sécurité de 1,5 mm avec les racines des dents entourant la minivis [4]. Le vissage doit être indolore. La proximité d’une racine entraîne une douleur intense qui doit faire changer le point d’insertion ou l’axe de la minivis [1].

Il faut ensuite contrôler la stabilité primaire. Si la vis est mobile, il faut soit la réimplanter dans un autre site, soit la remplacer par une vis de plus gros diamètre, soit la repositionner au même endroit 3 à 4 semaines plus tard [4]. Une radiographie de contrôle est nécessaire d’un point de vue médico-légal [1].

Les suites opératoires se caractérisent par une douleur modérée, pendant 12 heures, calmée par des antalgiques de niveau 1. Le brossage dentaire est repris le soir même, associé à un bain de bouche à la chlorhexidine, jusqu’à cicatrisation complète de la gencive (3-6 jours) [1]. La minivis ne doit pas être trop sollicitée par la langue ou par un brossage traumatique [4]. Des douleurs persistant au-delà de 2 jours, doivent faire évoquer une complication (perforation radiculaire, inflammation gingivale) [1, 4].

Mise en charge

Il est conseillé une mise en charge immédiate des minivis [2]. Elles peuvent supporter des forces continues ou intermittentes, de 150 à 400 g.

L’ancrage est considéré comme direct lorsqu’une chaînette ou un ressort en nickel-titane est fixé directement sur la tête de la vis, alors que l’ancrage est indirect lorsque la vis est solidarisée aux unités d’ancrage [4].

Dépose

La dépose est facile avec une anesthésie locale légère, en utilisant les mêmes instruments que pour la pose [4].

Risques

Lésions anatomiques

Lésions des tissus mous

Les lésions des tissus mous peuvent être provoquées par un dérapage. La réalisation d’un avant-trou limite ce risque [4]. Une hyperplasie tissulaire peut recouvrir la tête de la minivis si son insertion se fait dans la muqueuse libre et non dans la gencive attachée [9].

Lésions ligamentaires et perforations radiculaires

En 2005, Asscherickx a montré une réparation du parodonte, à la suite d’un traumatisme du ligament alvéolo-dentaire, en 12 à 18 semaines chez le chien après dépose de la vis. Ces travaux ont été confirmés chez l’homme, en 2008 et 2009, par Kadioglu et Kim [4].

Les perforations radiculaires peuvent guérir spontanément ou entraîner une résorption ou une pulpite. Leur traitement va de la simple surveillance au traitement endodontique ou à l’extraction [1].

Lésions des éléments nobles

Au maxillaire, il faudra repérer soigneusement le canal incisif, les pédicules palatins postérieurs, le nerf grand palatin et le sinus maxillaire. Une pénétration intempestive d’une minivis de moins de 2 mm est sans conséquence, la stabilité primaire n’en sera pas affectée. La minivis n’a pas besoin d’être retirée si le patient est asymptomatique. Pour des diamètres de minivis de plus de 2 mm, des sinusites ou des fistules buccales chroniques peuvent s’observer [10].

À la mandibule, le nerf alvéolaire inférieur et le nerf lingual devront être évités.

Risques mécaniques

Fracture de la minivis

La fracture de la minivis est une complication rare. Elle peut être évitée en utilisant un tournevis débrayable à 15 Ncm, en réalisant un préforage dans les zones où l’os cortical est plus dur ou plus épais, ou en utilisant des minivis de diamètre supérieur ou égal à 2 mm [4]. Si la minivis se casse, il faut tenter d’en retirer le fragment. Si celui-ci est trop profondément enfoncé, il peut être laissé en place [9].

Perte de la minivis

La perte de la minivis est la complication la plus fréquente. Elle peut survenir à tout moment. Mizrahi [9] retrouve un taux de 16 %, tout comme Miyawaki (de 15 à 16 %). Les causes potentielles sont la qualité de l’os, une corticale fine, une force de vissage excessive lors de la pose, un diamètre de la minivis inférieur ou égal à 1,5 mm, une inflammation de la muqueuse péri-implantaire, une proximité radiculaire…

La solution peut être de réinsérer la vis en réalisant quelques tours supplémentaires, de la replacer dans une autre position ou d’utiliser un diamètre plus important dans le même site [9].

Indications et illustration par deux cas cliniques

Les principales indications trouvées dans la littérature scientifique sont les suivantes :

– l’ingression, afin de normaliser le plan d’occlusion et les courbes de compensation et de rétablir une hauteur coronaire correcte de l’antagoniste [5, 7, 9, 10, 11] ;

– la mésialisation et la distalisation, afin de répartir les piliers prothétiques et ouvrir des espaces adéquats pour les restaurations prothétiques implantaires ou conventionnelles [9] ;

– le redressement d’axe molaire, pour une transmission des forces occlusales selon le grand axe des dents [12] ;

– la correction d’articulé croisé, pour une harmonisation des guidages [5] ;

– l’égression, pour le respect de la distance biologique ou l’alignement des collets [6, 13] ;

– la mise en place de dents incluses [14] ;

– la correction de défauts osseux [15].

Quand une dent absente intermédiaire (par opposition aux dents terminales) n’est pas rapidement remplacée, des migrations mésiales et distales des dents adjacentes apparaissent. Au maxillaire, cette migration s’accompagne souvent d’une rotation, alors que c’est une version qui est plus fréquemment observée à la mandibule [16]. Pour répondre au mieux aux impératifs prothétiques, il conviendra de corriger ces malpositions et de rouvrir un espace d’une taille adéquate.

Cette situation, fréquemment rencontrée en pratique quotidienne, qui illustrée par deux cas cliniques (pages 596 à 599), traités au sein des unités fonctionnelles d’orthopédie dento-faciale et de prothèse du Service d’odontologie des Hospices civils de Lyon.

Conclusion

En renforçant ou en se substituant à l’ancrage dentaire naturel, les minivis permettent de limiter et même d’éviter les effets parasites propres à toute mécanique orthodontique mais, surtout, elles permettent d’envisager un traitement sectoriel limité à une arcade, voire à une partie seulement de l’arcade. Cela a pour conséquence de réduire la durée et le coût du traitement mais aussi d’améliorer son esthétique, si la zone maxillaire incisive n’est pas intéressée. Les minivis permettent également, dans un certain nombre de cas, d’éviter le recours aux forces extra-orales ou aux élastiques, dispositifs qui, quoi qu’ayant depuis très longtemps montré leur efficacité, sont souvent jugés trop contraignants par les patients, notamment par les adultes. Pour toutes ces raisons, ces nouveaux dispositifs augmentent l’acceptation des thérapeutiques orthodontiques par les patients, en levant leurs principales réticences (coût, durée, esthétique, coopération).

De plus, en raison de la qualité de leur ancrage et des localisations variées qu’elles offrent, les minivis permettent d’envisager des mouvements qui n’étaient jusque-là pas concevables et d’élargir encore le champ des indications par lesquelles l’orthodontie se met au service de la prothèse pour lui permettre de répondre au mieux à ses impératifs mécaniques et biologiques, dans un respect d’économie tissulaire.

Les minivis apparaissent donc comme un nouvel élément indispensable de l’arsenal thérapeutique de tout praticien soucieux d’offrir à ses patients un optimum thérapeutique.

Cas clinique n° 1

M. Francis C. (57 ans) consulte pour remplacer sa première molaire mandibulaire droite (46), absente depuis déjà de nombreuses années. À l’examen clinique et radiologique (fig. 1 à 3), on observe que cette absence non compensée s’est accompagnée d’une version mésio-linguale marquée de la deuxième molaire mandibulaire droite (47). Or, cette malposition rend difficile la réalisation d’un bridge qui est pourtant l’option retenue par le patient, après la présentation des différentes solutions thérapeutiques.

Un redressement d’axe molaire est donc envisagé. Cette correction se fera par un traitement orthodontique localisé, avec ancrage osseux par minivis, dans la mesure où le traitement orthodontique global, permettant de corriger la légère classe II et la supraclusion incisive présentées par ce patient, a été rejeté du fait de son coût et de sa durée.

Après un examen clinique et radiologique minutieux, il est décidé de poser une minivis dans la région rétromolaire, puisque l’os y est dense et que, chez ce patient, les tissus mous ne sont pas trop épais et l’hygiène est satisfaisante. C’est une minivis Ancotek® (Tekka, Global D) cruciforme, à épaulement long, d’un diamètre de 2 mm et d’une longueur de 9 mm qui est retenue et utilisée comme ancrage direct.

La force motrice est développée par des chaînettes qui sont changées toutes les 4 semaines et qui sont reliées aux faces linguale, mésiale et vestibulaire de la dent afin de diminuer, voire d’éviter, les rotations parasites.

Le redressement de la molaire est encore potentialisé et les effets parasites (rotations, égressions, dès lors que la ligne d’action de la force ne passe pas par le centre de résistance de la dent) sont réduits par l’ajout d’un arc orthodontique passant dans des tubes et des boîtiers collés sur les faces vestibulaires des 47, 45 et 44. L’ancrage naturel des dents antérieures, qui doivent rester immobiles, est renforcé par un fil torsadé, collé sur les faces linguales des 43, 44 et 45 (fig. 4 et 5).

Après 4 mois de traitement, la deuxième molaire mandibulaire droite est redressée et l’espace de 46 est rouvert (fig. 6 à 8). La contention est assurée par la réalisation immédiate d’un bridge provisoire.

Cas clinique n° 2

Mlle Lila V. (20 ans) a bénéficié d’un traitement orthodontique à l’adolescence et présente une classe I d’Angle. Malheureusement, elle a perdu précocement sa première molaire maxillaire droite (16) et aucun mainteneur d’espace n’a été mis en place, en attendant la pose d’un implant en fin de croissance.

Lorsqu’elle consulte en vue d’une restauration prothétique, sa deuxième molaire maxillaire droite (17) présente une légère version mésiale et une rotation mésio-palatine plus marquée mais, surtout, l’espace entre 17 et 15 n’est plus que de 6 mm et interdit la mise en place d’un implant (fig. 9 et 10).

Il va donc falloir rouvrir un espace en distalant la deuxième molaire maxillaire. Pour cela, la patiente souhaite un traitement rapide et discret, n’intéressant pas les dents maxillaires antérieures. Nous optons donc pour un traitement limité aux dents postérieures du secteur 1, avec renfort d’ancrage par minivis (ancrage indirect).

La crête alvéolaire vestibulaire au niveau de la 16 est préférée à la tubérosité du maxillaire pour la pose de la minivis. En effet, l’os y est généralement plus dense et l’accès plus aisé.

La réouverture de l’espace va se faire par un ressort en compression, placé entre 15 et 17, sur un fil orthodontique passant dans les tubes et les boîtiers vestibulaires de 14, 15 et 17.

Les prémolaires ne devant surtout pas se mésialer (elles sont en classe I), leur valeur d’ancrage est renforcée par leur solidarisation par un fil collé palatin mais surtout par leur ligature à la minivis (fig. 11 et 12).

La première vis, placée dans l’espace de 16, a dû être déposée au bout de 12 jours seulement, du fait d’une très grande mobilité liée à la proximité sinusienne. Elle a été remplacée par une minivis moins large (1,5 mm au lieu de 2 mm), placée entre les racines de 14 et 15 (fig. 13 et 14).

Au bout de 6 mois, un espace de 9 mm est obtenu, la 17 est redressée et ne présente plus de rotation (fig. 15 à 18).

Le dispositif est laissé en place le temps du soulevé de sinus, de la pose de l’implant et de son ostéo-intégration.

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