L’extraterrestre

La société suisse FKG, récemment entrée dans le giron du Français Acteon, commercialise une nouvelle lime endodontique dont les spécificités n’ont strictement rien à voir avec toutes celles que nous connaissions déjà.À l’œil, l’XP-endo® Shaper ressemble à une lime K dont la partie travaillante a une forme de sinusoïde. Le métal, un nickel-titane à mémoire de forme, est mou, bleu et brillant. La notice et l’étiquette indiquent qu’il s’agit d’une lime n° 30 de conicité 4 %. En réalité, cette taille n’est pas tout à fait celle de l’instrument mais, plutôt, celle de la préparation qu’il est censé réaliser en tournant dans le canal. L’enveloppe de son mouvement en rotation étant plus large que celle de la lime elle-même, il parvient à évaser le canal d’une manière importante, même en partant d’un tout petit diamètre. Le fabricant recommande de réaliser le cathétérisme à l’aide d’un instrument n° 15/.02 avant d’utiliser l’XP-endo® Shaper.

À toute allure

L’XP-endo® Shaper est introduit dans le canal rempli d’une solution d’irrigation puis est mis en rotation. La vitesse recommandée est assez élevée : de 800 à 1 000 tr/min, c’est-à-dire environ 2 à 3 fois celle préconisée pour la plupart des instruments endodontiques mécanisés. Cela pose un petit problème technique car les moteurs et contre-angles sont rarement programmables pour de telles vitesses. Une série d’allers et retours sur toute la longueur de travail permet, selon la notice, de réaliser une préparation quasi complète avec ce seul instrument. Dans le cas où l’on souhaite un élargissement apical plus important, le recours à des limes n° 35, voire plus, est nécessaire. Si l’instrument est vraiment surprenant par son aspect, il l’est encore plus du fait de son comportement. Il pénètre le canal avec une aisance époustouflante, comme si la dentine était tendre comme du beurre. Mais attention, cela ne s’effectue pas en toute tranquillité : il ne faut pas avoir peur des vibrations engendrées par le système, comme si un fouet à mayonnaise était en train de battre les œufs dans le canal. Autre inconvénient, plus sérieux celui-là, il est difficile d’apprécier la longueur de travail puisque l’instrument n’est pas rectiligne. Placer le stop 1 mm en retrait de la longueur de travail, une fois celle-ci évaluée, est une précaution indispensable pour éviter les dépassements.

Insuffisant à l’apex

La pointe de la lime est très active et s’insinue partout. L’ensemble donne l’impression que l’ XP-endo® Shaper va se rompre à tout moment, et pourtant, miracle, il ne se casse jamais ! Enfin, pas tout à fait : j’ai réussi à en fracturer deux au bout de 5 ou 6 utilisations, sur dents extraites heureusement. Étant donné leur profil, il m’a cependant été très facile de réaliser un by-pass à la lime manuelle n° 15. Les XP-endo® Shaper, emballés sous blister stérile, sont en principe à usage unique. Mais vu le prix totalement invraisemblable auquel ils sont vendus, je doute que quiconque les jette après une seule utilisation. Pour revenir à la préparation, même si l’évasement est absolument manifeste, je n’ai jamais réussi, sur canaux artificiels ni dents naturelles, à obtenir le fameux élargissement de 30/100 à l’apex. Cela m’a donc contraint à toujours employer une lime complémentaire qui, certes, finalise la préparation en quelques secondes mais s’avère systématiquement indispensable. Dans ces conditions, hormis l’aspect spectaculaire de cet instrument inhabituel, je m’interroge sur son intérêt réel. Il est pratiquement acquis, à ce jour, que toute préparation endodontique doit débuter par un élargissement de l’entrée des canaux, suivi d’une exploration du trajet canalaire et d’une mesure de la longueur de travail. Une nouvelle solution de mise en forme terminale, pourquoi pas, mais celle-ci, pas mieux ni plus sûrement qu’une autre, ne résout à elle seule la totalité de l’équation.