Mon rêve bleu

Connaissez-vous le Style italiano ? Tapez ces deux mots dans Google, vous découvrirez une page Facebook où se retrouvent tous les Michel-Ange de la dentisterie mondiale. Restaurations directes et indirectes en composite ou ­céramique y sont exposées en une succession d’images à couper le souffle. Chacun s’évertue ici à reproduire la nature dans ce qu’elle a de plus subtil, depuis les surfaces amélaires labourées de périkymaties tourmentées aux sillons occlusaux tortueux et profonds comme le Grand Canyon du Colorado. Le tout, évidemment, accompagné de moult congratulations d’admirateurs sous forme de « like » comme il se doit.

Pour les connaisseurs

Vous vous demandez certainement pourquoi je vous parle de cela. Simplement parce que c’est là que j’y ai aperçu pour la première fois, puis de manière récurrente, une digue magnifique que je n’ai vue nulle part ailleurs. Bleu clair intense, mate, formidablement tendue même pour isoler un groupe de plusieurs dents sur l’arcade, antérieures aussi bien que postérieures. Bref, une digue qui fait envie. Renseigné par quelques adeptes éclairés, j’ai appris qu’il s’agissait de la Nic Tone, d’origine mexicaine, disponible en version fine, medium ou heavy. Elle est distribuée en France par Bisico, la fameuse société provençale qui s’y entend pour dénicher les matériels et produits dentaires les plus fashion de la planète. Je me suis donc précipité sur mon ordinateur pour commander le produit en question sur le site de ce fournisseur.

Hautes performances

Les deux boîtes sont arrivées ­rapidement. On le remarque tout de suite, c’est du lourd au sens propre comme au figuré : la densité de cette digue est surprenante, surtout la heavy bien sûr. Toutes deux sont de ce joli bleu qui contraste idéalement avec les structures dentaires, sans gêner par un aspect trop flashy ou trop sombre. Du pur latex très agréablement parfumé à la menthe, peut-être un peu gênant pour les intolérants au caoutchouc, heureusement assez rares. Sa résistance est impressionnante. Bien évidemment, la heavy est un peu plus dure à manipuler que les autres. Il faut la lubrifier légèrement pour la passer plus facilement entre les dents, mais son étanchéité est ensuite exceptionnelle. Toutes choses égales par ailleurs, cette Nic Tone est vraiment du tonnerre ! Reste qu’elle demeure un produit extrêmement conventionnel sans originalité par rapport à d’autres systèmes moins performants qui exigent exactement les mêmes manipulations pour un confort à peine inférieur. Je préfère pour ma part gagner du temps en posant des digues prémontées sur cadre souple. Bien plus chères que la simple feuille tendue sur un cadre stérilisable, elles sont à mes yeux tellement plus plaisantes à utiliser que j’ai du mal à revenir aux dispositifs conventionnels. Mais je peux comprendre que les artistes évoqués plus haut, plus proches des peintres de la Renaissance ou des primitifs flamands que d’Yves Klein ou de Piet Mondrian, l’apprécient, eux, à sa juste valeur.