Qu’en dites-vous ?
L’extension du tiers payant intégral aux quelque 800 000 bénéficiaires de l’ACS (Aide à la complémentaire santé) à partir du 1er juillet 2015 a été confirmée le 14 novembre avec l’adoption par le Sénat de l’article du projet de loi de finances pour la Sécurité sociale, déjà voté par l’Assemblée nationale.
Ce vote marque une étape sur la voie de la généralisation du tiers payant voulue par le gouvernement pour 2017. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, en a fait une mesure phare du projet de loi de santé qui doit être débattu en début d’année 2015.
Trois confrères réagissent à cette perspective.
Encore des complications administratives ! On en a assez. Il va falloir pointer, surveiller, on ne s’en sort plus. Avec les mutuelles, c’est compliqué. Et puis, il y a ceux qui ne sont pas dans le même département ; les artisans ne font pas partie de la même caisse… Comment fait-on aussi pour les patients qui ne sont pas à jour de leurs droits, ceux qui n’ont pas leur carte Vitale. On les soigne quand même ? Nous faisons le travail de la Sécurité sociale. Si cela continue, nous ne serons plus des professions libérales : nous allons devenir des salariés de la Sécurité sociale.
Actuellement, je ne pointe même pas quand je reçois un virement après la visite de patients bénéficiaires de la CMU. De toute façon, que ce soit pour un patient CMU ou à la suite d’un examen de prévention bucco-dentaire, les noms des patients n’apparaissent même pas sur les virements. Et maintenant, nous avons aussi le cas des femmes enceintes. Demain, tous les assurés ?
Il y a deux volets à considérer dans le dossier du tiers payant. D’une part, le coté purement technique et cela avec l’aide d’un ordinateur bien paramétré il est relativement facile de le faire… sauf lorsqu’il faut gérer les retours d’impayés. Les refus vont induire un gros travail logistique que ne peut pas se permettre un cabinet dentaire classique à la différence des centres de santé qui disposent d’un personnel dédié à ce genre de travail. Le tiers payant va encore accentuer le déséquilibre entre nous et ces centres. D’autre part, le second volet à considérer est le rapport que cela va induire avec les patients. « Tout ce que nous avons pour rien, nous le tenons pour peu de valeur. » Ce vieux dicton issu de la sagesse populaire nous amène à la question suivante : comment les patients vont-ils appréhender les soins que nous allons leur prodiguer une fois qu’ils n’auront plus à les payer directement ? Cela reste une inconnue.
Il faut toujours donner de la valeur à ce que l’on fait, sinon celui qui reçoit a l’impression que c’est un dû et que ce qui a été fait n’a pas de valeur. Des exemples courants le montrent à la pharmacie comme à l’hôpital. Les psychiatres le savent bien qui demandent toujours à leur patient de payer la séance. Je ne pense pas que le fait de ne pas payer soit une bonne solution. Même si, au départ, cette mesure est pleine de bons sentiments. Le système de mutualisation a pour but d’aider ceux qui ont des difficultés. Cela ne veux pas dire que les soins réalisés ne valent rien. Il faut toujours garder une notion de valeur, même s’il s’agit de un à deux euros, car tout ce qui n’a pas de prix perd de sa valeur.