Thérapeutique
Docteur en chirurgie dentaire,
docteur à l’université
Maître de conférences, praticien
hospitalier (université Paris Diderot)
Responsable d’enseignement et de formation continue en hypnose médicale
Malgré les progrès techniques, l’exercice odontologique demeure générateur de stress et de fatigue, aussi bien pour le praticien que pour le patient, sans oublier l’omniprésente douleur qui potentialise cette situation. Chacun recherche les conditions les plus favorables pour améliorer ce contexte. L’hypnose, qui connaît aujourd’hui un renouveau certain, peut être une solution pour faciliter la relation praticien-patient et pour gérer l’environnement anxiogène et douloureux. Ses bénéfices ne peuvent se faire sentir qu’au prix d’un réel travail et entraînement, pour devenir éventuellement une façon de vivre.
Notre exercice odontologique génère des agressions multiples et variées aussi bien pour le praticien que pour le patient. Avec l’expérience, le praticien s’accommode tant bien que mal de ces inconforts, le patient gère, comme il peut, une ambiance chargée d’histoire (« Menteur comme un arracheur de dents », « Je vais chez le dentiste, souhaite-moi bon courage », « Quand j’étais petit… »). Les progrès techniques améliorent significativement la relation patient-praticien, mais les réticences demeurent…
Le patient qui consulte est fréquemment confronté à la douleur (aiguë ou chronique) mais il vient également accompagné d’expériences dentaires plus ou moins traumatisantes. Les souvenirs d’enfance, l’entourage, les « on-dit » transforment la visite chez le chirurgien-dentiste en une réelle épreuve psychologique et physique. Une inquiétude, si insignifiante soit-elle, génère un stress qu’il convient de gérer au mieux ; dans le cas contraire, ce stress s’installe dans la négativité et se transforme en anxiété, en peur, en angoisse et, pourquoi pas, en phobie. Le patient peut consulter avec ces désordres mais ceux-ci peuvent être également induits par une séance de soins invasive. Autant de situations qui placent le patient dans un certain rejet, voire un refus total de soins, nécessitant parfois une prise en charge par le spécialiste.
Recevoir le patient avec ses problèmes, voilà la première difficulté ! La gestion socio-économico-technique de l’entreprise et l’équilibre personnel alimentent les autres tensions. La profession de chirurgien-dentiste favorise un stress permanent potentialisé par le besoin de résultats, un travail minutieux dans un champ d’action restreint et une complexité opératoire fréquente.
C’est une évidence, la douleur est le principal motif de consultation en odontologie. Le patient est enfermé dans sa douleur, le praticien est constamment confronté à cette douleur. Tous deux doivent s’y adapter mais cette adaptation est, là encore, génératrice de stress et fonction de l’intensité douloureuse. Le patient face à une douleur intense perd ses moyens et ses repères, pouvant ainsi devenir totalement incontrôlable.
Le praticien, dans des situations de douleur extrême, est amené à intervenir en urgence, ce qui bouscule l’organisation de la journée et favorise un excès de fatigue. Quel contexte !
La douleur est incontournable, le stress est omniprésent, le besoin de soulager est indiscutable, la relation thérapeutique est souvent conflictuelle, aussi toute aide éventuelle est la bienvenue et… pourquoi pas l’hypnose ?
Si nous nous référons aux écrits et aux documents historiques, il semble que l’hypnose existait déjà dans les temps les plus reculés (en presque 3000 avant J.-C.), [1]. Sans doute était-elle le domaine réservé de quelques sorciers, magiciens, religieux ou autres. Quoi qu’il en soit, le pouvoir des mains et de la parole a toujours été présent dans l’esprit des hommes. Des années avant Jésus-Christ jusqu’au Moyen Âge, cet état mental et presque « surnaturel » se voulait très directif, celui qui le pratiquait avait tous les pouvoirs, impressionnait et faisait peur [2].
Le temps passe, les mentalités évoluent, l’hypnose survit et traverse des turbulences majeures, disparaît, réapparaît, profite des conflits (interventions chirurgicales sous hypnose pendant le Seconde Guerre mondiale) pour connaître un renouveau durable depuis les travaux d’Erickson [3], médecin psychiatre américain qui a marqué de son empreinte le monde de l’hypnose [4]. Son expérience personnelle, liée à des conditions de vie particulières (état de santé précaire, paralysie), lui a permis de se forger une volonté à toute épreuve. À force d’observations, de concentration, d’efforts intenses et de force mentale, il a pu reprendre peu à peu goût à la vie et assurer le quotidien. Il a ouvert la voie de la réflexion et de la recherche en hypnose dans le monde entier et nombreux sont ceux qui ont contribué et qui contribuent sans relâche à défendre et à faire reconnaître l’hypnose [5-9].
L’hypnose, à l’heure actuelle, pourrait être définie comme un état naturel, un état de conscience modifiée que nous possédons tous en nous mais que nous ne sommes pas toujours capables d’exprimer [10, 11], un état naturel qui nous permet d’accéder à nos ressources intérieures, à la capacité de gérer une situation tourmentée et/ou douloureuse. Certains d’entre nous ont besoin d’un « coach » (thérapeute) pour exprimer ces ressources, pour d’autres les sensations viennent plus naturellement ; chacun est un cas particulier et unique, l’adaptation est de rigueur.
Nous parlons d’hypnose et parfois d’hypnose médicale mais peu importe, nous sommes dans la même dimension, si ce n’est que nous pourrions considérer l’hypnose médicale comme ayant un rôle thérapeutique. Sans doute voulons-nous, en tant que soignants, restreindre l’hypnose à son rôle médical mais toute hypnose se veut thérapeutique si infime que soit le trouble pathologique. Gardons malgré tout présent à l’esprit le fait que l’hypnose ne devrait être pratiquée que par des personnes initiées et qualifiées, bien que ce qui est essentiel soit d’être dans le ressenti hypnotique pour profiter d’un bénéfice réel, sincère et bienfaisant…
En se référant à des hypnothérapeutes contemporains reconnus comme Gaston Brosseau [5], Giorgio Nardone [7] et François Roustang [10], nous pouvons schématiser le fonctionnement du processus hypnotique, sachant que l’hypnose n’est pas le sommeil et n’est pas non plus de l’hypnose de spectacle où « l’hypnotiseur » a tous les pouvoirs.
Voici quelques conseils pratiques pour rencontrer l’hypnose.
En 1 (fig. 1), nous sommes dans la sensorialité de tous les jours, avec les bons moments, les ressentis, les événements prévisibles et les aléas, en un mot nous vivons…
En 2, faisons comme si un hypnothérapeute nous proposait de fixer pendant quelques instants un point (fig. 2), ce qui va induire une modification de notre comportement habituel. Nous fixons ce point et peu à peu, nous nous dissocions de notre perception, nous ne sommes plus tout à fait dans notre perception habituelle (étape 3).
« Et si vous le voulez bien, je vous demanderai de fixer pendant quelques instants ce point noir, de ne regarder que lui, tranquillement, faites corps avec ce point, habitez ce point, fixez ce point et rien que ce point. »
Quand il nous sent dissocié, le praticien nous suggère alors une attitude, un comportement, une sensation, nous sommes à l’étape 4.
« J’aimerais maintenant, si cela vous convient, que vous ne pensiez qu’à une partie de votre corps, tranquillement, en fermant les yeux, à votre main droite ou à votre main gauche, peu importe, vous ne pensez qu’à votre main gauche… sans précipitation, vous la visualisez comme une petite entreprise, chaque doigt, chaque phalange, avec toutes ses capacités, en prêtant attention à son fonctionnement, à cette merveilleuse mécanique, vous êtes totalement concentré sur votre main, sa forme, sa couleur, sa taille, mettez tout votre esprit dans votre main… »
Avec cette suggestion indirecte très permissive, les ordres suggérés laissent toute latitude au patient de choisir son comportement. En travaillant ainsi tranquillement, le thérapeute nous emmène vers l’étape 5 que nous appelons « perceptude », en référence a ux travaux de Roustang [10]. Cet état de perceptude correspond à une sensorialité modifiée où nous sommes particulièrement réceptifs à toute notion de changement (étape 6). C’est le moment où nous avons la capacité de faire appel à nos ressources intérieures pour gérer, par exemple, un contexte douloureux, toujours avec l’aide du thérapeute qui nous accompagne.
« Installé confortablement, en mettant toute votre attention sur votre respiration, inspiration-expiration, vous allez, tranquillement, quand vous le voudrez, fermer les yeux. Votre corps est maintenant dans une sensation de bien-être où chaque partie fonctionne parfaitement bien, vos articulations, vos muscles, votre circulation, chaque organe, chaque cellule respirent la santé, le bien-être installé… Profitez de chaque instant pour ressentir les bienfaits du parfait équilibre, tout fonctionne au mieux de vos intérêts, laissez chaque partie de votre corps dans ce bien-être… »
Ce discours permet, si tel était l’objectif, de modifier la perception de notre corps, de son fonctionnement, d’installer le bien-être, la santé, nous travaillons dans le ressenti hypnotique en étant réceptifs aux propositions du thérapeute. Ce dernier nous laisse faire le chemin, aller à la rencontre de nos ressources intérieures, sans les contraintes de notre sensorialité habituelle. Nous sommes prêts à changer quelque chose, laissons-nous aller…
« Quand vous le souhaiterez, en conservant ce bien-être installé dans votre corps, cette parfaite santé, vous respirez profondément et tranquillement, vous ouvrez les yeux, conservez le bien-être de la santé de votre corps… »
C’est avec un tel discours que le praticien nous emmène vers l’étape 7, le retour. Avec le retour, nous retrouvons, sans précipitation, notre sensorialité habituelle qui bénéficie maintenant des bienfaits du ressenti hypnotique. À nous de le faire fructifier.
C’est ce que nous faisons en travaillant l’autohypnose, en refaisant les exercices que le thérapeute nous propose et en créant nos propres exercices. L’objectif principal de l’autohypnose est de créer son hypnose, comme le conseillait Erickson [3].
« Conservez maintenant ce bien-être installé dans votre corps où chaque partie, chaque organe chaque cellule est en parfaite santé et quand vous le souhaiterez, et aussi souvent que possible, vous irez à la rencontre du bien-être, de la santé, en vous concentrant sur chaque partie de votre corps, aussi souvent que possible… »
Avec cet exemple de suggestion posthypnotique, le thérapeute induit le travail en autohypnose (étape 8) afin de permettre au patient d’acquérir l’autonomie du ressenti hypnotique, autonomie qu’il maîtrise parfaitement en tant que praticien [11].
Cette représentation schématique du processus hypnotique offre la possibilité de s’adapter aux différentes situations cliniques que nous sommes susceptibles de rencontrer. Avant de présenter quelques cas cliniques, rappelons les indications de l’hypnose médicale dans notre spécialité :
• améliorer la relation praticien-patient ;
• accompagner la gestion de la douleur ;
• gérer des contextes psychologiques spécifiques ;
• faciliter le préopératoire, le peropératoire et le postopératoire ;
• limiter l’emploi d’anesthésiques et de médications ;
• supprimer l’anesthésie dans les interventions peu à moyennement invasives ;
• potentialiser les effets de l’anesthésie ;
• améliorer et accélérer les suites opératoires ;
• prévenir le stress, voire le burn-out du praticien ;
• devenir une façon de vivre pour le praticien et le patient.
Rencontrons maintenant quelques patients pour lesquels l’hypnose médicale a été la bienvenue, sachant que notre rôle de praticien hypnoconscient est de transmettre nos perceptions hypnotiques au patient avec une communication adaptée et évolutive.
Ce patient consulte depuis de nombreuses années mais nos rendez-vous sont toujours conflictuels car Henri a la phobie de l’anesthésie. L’hypnose a permis de faciliter nos interventions. Lors d’un rendez-vous en urgence où je devais « anesthésier » (pulpite aiguë sur la première molaire inférieure gauche), je propose au patient de travailler différemment sans lui parler d’hypnose.
« Henri, j’aimerais pendant quelques instants que tu te concentres sur ta respiration, tu ne penses qu’à ta respiration, inspire, expire, visualise l’air qui circule dans ton corps… » Tout en attirant l’attention du patient sur sa respiration, je lui suggère de rendre sa main gauche insensible en la massant légèrement avec du gel anesthésiant, à l’efficacité toute relative (!).
« Voilà, maintenant ta main gauche est insensible, totalement insensible, laisse venir et ressens cette insensibilité. Bien, si cela te convient, pose délicatement ta main sur ta joue gauche, en fermant les yeux, masse légèrement ta joue pour laisser venir l’insensibilité dans ta joue, dans ta gencive, dans ta dent… »
Pendant 1 à 2 minutes, Henri masse doucement sa joue, il a maintenant fermé les yeux.
« Tu es toujours attentif à ta respiration, inspire, expire, ta joue gauche, ta gencive, ta dent sont totalement insensibles. »
Je décide alors de réaliser une anesthésie locorégionale pour pouvoir pratiquer l’intervention.
« C’est bien Henri, je vais compléter l’insensibilité, tu gardes les yeux fermés, tu restes concentré sur ton insensibilité et sur ta respiration, bien, en inspirant accepte, en expirant laisse agir. »
En maintenant ainsi Henri dans la dissociation (étape 3), il accepte sans difficultés l’anesthésie locorégionale. Le traitement endodontique se déroule parfaitement bien, Henri n’a généralement aucune réticence pour les soins. Pendant l’intervention, je me contente de renforcer la réceptivité du patient (étape 6).
« OK Henri, reste concentré sur ta respiration, tout se passe bien, nous faisons ce qu’il faut pour que ta dent se porte au mieux, voilà c’est bien, nous avançons, inspire, expire, tranquille, tout va bien… »
Le traitement terminé, je conforte le patient avec quelques suggestions posthypnotiques (étapes 7 et 8).
« Terminé, Henri, ta dent va parfaitement bien, elle va peut-être te chatouiller un peu, c’est tout à fait normal, laisse la guérison s’installer. Si tu en ressens vraiment le besoin, prends un “petit” antalgique et aussi souvent que tu le peux, concentre-toi sur ta respiration. Tout s’est bien passé, nous sommes contents, parfaitement tranquilles… »
En travaillant ainsi avec le ressenti hypnotique, sans conditionnement préalable et sans avoir parlé d’hypnose, j’ai pu réaliser aisément l’anesthésie et créer des conditions favorables à une intervention sereine. J’ai adapté le schéma hypnotique à la situation présente, en restant ouvert à toute modification. Il convient d’insister sur la positivité des attitudes et du vocabulaire : être toujours rassurant.
Cette patiente, très attentive à sa santé, vit dans la crainte de l’infection, sachant que sa mère était d’une santé fragile et sujette aux problèmes infectieux.
« L’infection, chez nous, c’est génétique » me dit souvent Élisabeth. Elle vient consulter pour traiter deux dents qui présentent un risque latent d’infection, ce qui n’arrange pas la situation !
« Cela va mal se passer, je sens déjà l’infection qui est là » m’annonce d’emblée la patiente. Je décide donc de dissocier Élisabeth de cette « malédiction » infectieuse.
« Nous pourrions, si cela vous convient, puisque l’infection est déjà là, s’en accommoder au mieux. Élisabeth, comment pouvez-vous représenter cette infection, qu’évoque-t-elle pour vous ?
L’infection pour moi, c’est un peu comme une pieuvre noire, avec plein de tentacules qui m’entourent de tous les côtés, je n’arrive pas à m’en défaire. »
Je propose alors à la patiente de faire une expérience avant de traiter les dents.
« J’aimerais maintenant que pendant quelques instants, vous mettiez toute votre attention sur la respiration, en inspirant, de la tranquillité, de la confiance pénètrent votre corps, en expirant cette tranquillité, cette confiance s’installent dans votre corps, dans le calme, totalement concentrée sur votre respiration… »
Je maintiens pendant quelques minutes la patiente dans cette attention respiratoire (en fait peu importe le temps).
« Bien, quand vous le souhaiterez, vos yeux se ferment, toujours avec votre respiration, inspirez, expirez. » Élisabeth accepte ce travail, en s’installant confortablement dans le fauteuil. Ressentant la patiente sur le chemin de la dissociation, le moment me semble opportun pour l’emmener, avec quelques suggestions, vers la perceptude (étape 5).
« Et si nous transformions la pieuvre noire en un animal bienfaisant ? Que faudrait-il pour que la pieuvre noire devienne une agréable compagnie ? »
Élisabeth, les yeux fermés, inspire spontanément et profondément. « J’aimerais qu’elle soit d’un vert lumineux, que ses tentacules soient comme des ailes qui me portent et me protègent, que je me sente en sécurité » me dit-elle d’une voix assurée.
« Bien Élisabeth, rien de plus simple, toujours en inspirant – en expirant et en fermant tranquillement les yeux, laissez venir ce vert lumineux, ces ailes qui vous portent, vous protègent, sentez cette présence rassurante, sécurisante, en inspirant expirant, laissez venir… »
J’accompagne ainsi Élisabeth tout en finalisant le plateau technique et suggère le début de l’intervention qui ne pose pas de problème pour la patiente (excepté l’infection, dont nous ne reparlerons plus).
« OK, nous allons commencer confortablement, toujours avec la respiration et la bienfaisance des ailes protectrices, avec le vert lumineux, doucement, portée par les ailes protectrices… »
L’intervention terminée, je ratifie la sécurité, la guérison, la « non-infection ».
« C’est fini, toutes les conditions sont là pour que vos dents aillent parfaitement bien, tout s’est bien passé, les dents sont au mieux de leur forme. »
Avec un vocabulaire choisi, rassurant et répétitif, nous suggérons posthypnotiquement le retour à la normale et à la guérison.
« Élisabeth, chez vous et dès que vous en ressentez l’envie, concentrez-vous sur votre respiration et sur votre compagnon vert lumineux, avec ses ailes protectrices, profitez de sa protection aussi souvent que vous le souhaitez. »
Avec Élisabeth, nous avons travaillé le ressenti hypnotique en utilisant, comme très souvent, la respiration et en laissant la possibilité à la patiente de voir autrement son problème, en prenant une contre-image ; pieuvre noire malfaisante… animal bienfaisant et protecteur.
L’objectif de ce travail est de conditionner Élisabeth en préopératoire, peropératoire et postopératoire pour qu’elle se dissocie de « l’infection génétique » et s’initie à l’autohypnose pour modifier cette génétique.
Pierre travaille en autohypnose depuis environ 2 ans et ce, après que nous ayons pratiqué ensemble l’hypnose au fauteuil pour gérer une peur phobique de la douleur. Ce patient pratique donc régulièrement des exercices d’autohypnose et affectionne particulièrement l’exercice du « souvenir agréable ».
Pierre vient consulter pour une douleur violente sur une prémolaire supérieure due à une atteinte pulpaire irréversible ; sa peur phobique est exacerbée et, dans une telle situation, le patient a besoin d’accompagnement. Avec Pierre, nous ne parlons plus d’hypnose, nous travaillons hypnose.
« Pierre, installe-toi confortablement, comme il te convient et comme d’habitude je te laisse te concentrer sur ta respiration, en prêtant attention à ton inspiration, à ton expiration, en visualisant l’air qui circule, tranquillement, tes yeux se ferment… »
Le patient rejoint sa respiration, très souvent même, il me précède dans cette démarche. Avec un langage rassurant, en prenant soin d’éviter tous les mots qui évoquent la douleur, la peur, l’inquiétude, avec des gestes calmes et assurés, je commence l’intervention.
« Bien Pierre, c’est maintenant le moment de retrouver ton souvenir agréable, celui que tu veux, la mer, la montagne, la campagne, la famille, les amis, les vacances, ce que tu veux, peu importe. »
Le patient me fait un signe de la tête pour m’informer de son départ, les yeux toujours fermés.
« C’est bien, tu retrouves l’ambiance, les couleurs, les bruits, tout l’environnement où tu te sens bien, laisse venir les odeurs, peut-être… »
Pierre a choisi son souvenir, je me contente de stimuler sa sensorialité (vision, odorat, ouïe, goût, toucher), bien qu’il soit déjà dans ses sensations, je ne me pose pas la question de savoir si je suis dans le juste ou non.
« Tranquille Pierre, dans tes sensations de bien-être, dans ton environnement, tu revis, tu es dans ton souvenir, laisse venir le ressenti avec plaisir… »
Cet accompagnement discret permet à Pierre de se dissocier de sa phobie de la douleur, l’aide à se positionner dans la réceptivité pour mieux accueillir son souvenir agréable. Quelque part, je suis dans son souvenir, un confort certain pour le déroulement de l’intervention.
En fin de séance, un peu comme un entraîneur, je rappelle à Pierre les bienfaits de l’hypnose pour installer une tranquillité postopératoire.
« Continue tes exercices, ta respiration, dès que tu en as envie, aussi souvent que possible, avec plaisir, tranquillement, tout s’est bien passé, tout va bien… »
L’intervention terminée, Pierre retrouve son rythme et va travailler à sa convenance l’autohypnose. La pratique et l’entraînement sont indispensables pour profiter des bénéfices du ressenti hypnotique.
Remarquons que la respiration est un exercice incontournable pour se concentrer sur soi, pour s’apaiser, pour se dissocier et induire d’autres exercices.
Notons également que pour travailler en hypnose, il faut considérer chaque patient comme unique, s’adapter à sa personnalité, être capable de jouer avec son imagination, avec son intuition, mais aussi être capable d’improviser pour faire vivre le naturel en racontant des histoires. Savoir attendre, laisser le temps au temps, s’entraîner pour entrer naturellement en autohypnose.
Bien que l’hypnose soit considérée comme un état naturel, en tant que soignant, une formation auprès de thérapeutes qualifiés est nécessaire pour ressentir l’état hypnotique, pour travailler son auto-hypnose et prétendre la faire vivre au patient. L’entraînement à l’autohypnose va permettre peu à peu que l’hypnose devienne instinctive, naturelle et, pourquoi pas, une façon de vivre. Il va faire en sorte que nous soyons capables dans notre exercice quotidien de créer une atmosphère hypnotique aussi spontanée que la respiration [12-13].
Des exercices assurent cet entraînement à l’auto-hypnose, en stimulant l’imaginaire, l’improvisation, l’écoute, l’observation et la concentration, mais aussi en aiguisant la sensorialité. À force d’entraînement, les exercices ne sont plus nécessaires, le ressenti s’installe à la demande, un peu comme le sportif qui s’entraîne à réaliser un mouvement et qui, entraînement après entraînement, vit son mouvement sans y penser avec un certain instinct animal [14].
Donc, un peu d’entraînement…
Installe-toi confortablement et, pendant quelques instants, concentre-toi sur ta respiration, prends conscience de chaque inspiration, de chaque expiration. Quand cela te conviendra, tranquillement tes yeux se ferment et visualise maintenant comme une vague de bien-être au-dessus de ta tête. Avec chaque inspiration, laisse cette vague traverser ton corps, ta tête, tes épaules, ta poitrine ; avec chaque expiration, le bien-être s’installe dans chaque partie de ton corps… Le ventre, le bassin, les cuisses, les jambes, avec chaque inspiration, le bien-être progresse ; avec chaque expiration, le bien-être s’installe, sans précipitation, laisse venir le bien-être… Les chevilles, les pieds, le bien-être circule et s’installe dans toutes les parties du corps… Quand tu le souhaiteras, avec une profonde inspiration, conserve ce bien-être qui envahit ton corps et tranquillement laisse ton corps revenir à ses occupations, ressens ce bien-être et doucement tes yeux vont s’ouvrir, conserve les bienfaits et quand tu en ressentiras le besoin, laisse la vague de bien-être revenir en toi.
Installe-toi confortablement, dans un endroit que tu affectionnes, dans un fauteuil, dans ton lit, sur une chaise, sur la pelouse, peu importe et quand tu le décides, concentre-toi sur ta respiration et uniquement sur ta respiration, prends conscience de l’air qui circule dans ton corps, avec chaque inspiration, avec chaque expiration. Tranquillement tes yeux se ferment, tu es alors dans l’obscurité, obscurité qui s’installe peu à peu, le noir t’envahit avec chaque inspiration, avec chaque expiration et sans précipitation, recherche l’endroit le plus noir dans le noir, amuse-toi à pénétrer cet endroit le plus sombre dans le noir, à faire corps avec l’obscurité… Avec ta respiration, voyage dans le noir, pour aller toujours plus loin, plus profond, laisse-toi aller sans réfléchir, tu fais corps avec l’obscurité, tu es l’obscurité, promène-toi sur le chemin noir, toujours plus noir, ressens cette tranquillité, ce bien-être de noir… Quand tu en auras envie, avec une profonde inspiration, quitte peu à peu l’obscurité et conserve ce plaisir obscur, doucement reviens au jour, tu connais maintenant le chemin du noir, retournes-y quand tu en ressentiras le besoin…
Avec ces deux exercices, nous commençons notre entraînement à l’autohypnose et nous pouvons en faire profiter les patients en les guidant pour découvrir et en pratiquant avec eux [15-16].
Nous venons de faire connaissance avec l’hypnose ou l’hypnose médicale, peu importe, qui peut devenir une fidèle associée pour notre exercice quotidien et nous offrir une réelle qualité de vie en facilitant la gestion du stress et en prévenant le risque de burn-out. L’hypnose est aussi bénéfique au patient qu’au praticien mais dans tous les cas, elle demande de l’entraînement, encore de l’entraînement et toujours de l’entraînement pour devenir naturelle, instinctive, spontanée et permettre ainsi à nos ressources intérieures de s’exprimer avec plaisir et bien-être.
• être volontaire ;
• être dans la positivité ;
• être à l’écoute ;
• ressentir pour proposer ;
• apprendre, savoir et oublier ;
• créer ses exercices ;
• prendre plaisir à être dans l’imaginaire ;
• s’entraîner et s’entraîner encore.
• L’hypnose : un état naturel
• les 3I : imagination, intuition, instinct
• Écoute, observe, improvise
• La respiration ; toujours la respiration
• Raconte des histoires et encore des histoires
• Pratique et maîtrise avant de suggérer