Un champion de la glisse

Ce ciment d’obturation canalaire n’est pas nouveau, loin s’en faut. Si j’ai décidé d’en parler aujourd’hui, c’est parce qu’après l’avoir essayé, puis abandonné il y a bien longtemps, j’en ai réutilisé une seringue et en ai découvert certains avantages. Ce ciment de scellement des cônes de gutta est une pâte blanche, fluide, à base de résine époxy-amine, obtenue par mélange de deux composants. Avant lui, il y a eu, jadis, l’AH 26, puis l’AH Plus en petits tubes d’aluminium qui fuyaient facilement pour peu qu’on ne revisse pas bien leurs bouchons coniques, comme celui de la colle cellulosique que nous utilisions à l’école. Il est désormais disponible en seringue bicorps de 5 ml.

Sécurité totale

Quand on parle de résine pour un tel matériau, on entend immédiatement des voix effrayées prédire les pires difficultés. Faisons taire rapidement ces oiseaux de malheur : nous n’avons pas ici affaire aux odieuses bakélites heureusement disparues de notre arsenal thérapeutique, impossibles à dissoudre lors des reprises de traitement canalaire. Non, définitivement non : l’AH Plus a fait l’objet d’un nombre considérable de publications, la plupart démontrant ses excellentes performances. Employé de toute manière en quantité infime comme le réclament les principes de l’endodontie actuelle, il ne pose aucun problème de retrait, le canal étant majoritairement rempli de gutta. Pas question de l’employer comme seul matériau d’obturation. La nouvelle présentation en seringue, sur laquelle on installe un embout mélangeur muni d’un embout intracanalaire très fin, peut inciter les plus naïfs d’entre nous à s’en servir en remplacement du lentulo, c’est-à-dire à l’injecter sans retenue dans l’ensemble du canal. Bien évidemment, ce n’est pas comme cela qu’il faut faire !

Rien qu’une goutte

Ledit embout est un moyen formidable pour gaspiller pas mal de produit, mais c’est aussi un vecteur fort pratique qui assure à la fois précision et gain de temps. Il suffit de déposer une goutte de pâte à l’entrée du canal, le cône de gutta la conduisant ensuite jusqu’à l’apex, grâce à un petit mouvement de va-et-vient axial. Les radiographies postopératoires montrent très fréquemment de légers « puffs » apicaux et latéroradiculaires témoignant de la faculté incroyable du produit à fuser dans les moindres espaces. J’utilise depuis des décennies la technique de condensation thermomécanique à l’aide des Gutta-Condensor Maillefer. Si j’ai abandonné l’AH Plus il y a quelques années, c’est en raison de sa très grande fluidité. Celle-ci ne fait pas bon ménage avec le compacteur mécanique. Le ciment lubrifie l’instrument et réduit sérieusement la friction nécessaire à l’échauffement puis à la propulsion de la gutta. Il faut veiller à limiter considérablement la quantité de ciment introduite dans le canal. Les bons résultats scientifiques de la littérature et l’étonnante faculté de diffusion dans les canaux latéraux de ce matériau, supérieure à celle des autres ciments que j’ai testés par ailleurs, m’ont réconcilié avec ce produit, d’une facilité de mise en œuvre par ailleurs irréprochable.