Clinic n° 09 du 01/10/2014

 

Pathologie implantaire

Alexandre LIMAM*   Céline BORIES**   Xavier STRUILLOU***   Alain HOORNAERT****   Zahi BADRAN*****   Assem SOUEIDAN******  


*Interne en médecine bucco-dentaire
**Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle de parodontologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
***Ancienne AHU
****Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle de parodontologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
*****MCU-PH
******Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle de parodontologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
*******MCU-PH
********Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle de parodontologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
*********MCU-PH
**********Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle de parodontologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
***********PU-PH
************Département de parodontologie
*************Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle de parodontologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1

Les péri-implantites sont des maladies inflammatoires d’origine bactérienne entraînant une inflammation et une destruction des tissus mous et durs autour d’un implant ostéo-intégré. Leur traitement nécessite une phase non chirurgicale et, très souvent, une phase chirurgicale. L’adjonction de moyens de traitement tels que le laser ou les antibiotiques permet d’obtenir des résultats plus satisfaisants. Dans cet article, nous présentons les résultats d’un traitement de péri-implantites au cours duquel le laser Er:YAG a été utilisé.

Les implants dentaires constituent une solution de remplacement des dents manquantes. Après mise en fonction, des biofilms bactériens oraux se forment sur les surfaces en titane. En l’absence de contrôle de plaque adéquat et d’une maintenance régulière, une mucosite s’installe, puis la péri-implantite peut se mettre en place et compromettre la survie de l’implant à long terme. Les infections péri-implantaires ont été définies par Albrektsson et Isidor en 1994 [1]. On distingue les mucosites, inflammation des tissus mous sans destruction osseuse, et les péri-implantites, inflammation des tissus mous et destruction osseuse autour d’un implant ostéo-intégré.

Les péri-implantites sont caractérisées par la présence de plaque dentaire, d’un saignement au sondage, d’une profondeur de poche supérieure ou égale à 4 mm associée ou non à une suppuration. Elles touchent de 12 à 43 % des implants [2].

D’après plusieurs conférences de consensus, leur traitement nécessite une phase de traitement non chirurgical associée à une phase de traitement chirurgical [3-6].

La réussite du traitement passe par la décontamination de la surface implantaire afin de favoriser une cicatrisation optimale. Pour obtenir cette décontamination, on peut utiliser des curettes manuelles en plastique ou en carbone, afin de ne pas fragiliser l’état de surface implantaire, ainsi que des antiseptiques (chlorhexidine) et des antibiotiques [4, 5].

Plusieurs études ont montré que le laser erbium dopé à l’yttrium aluminium garnet (Er:YAG) peut être utilisé pour la décontamination implantaire. Elles montrent qu’il peut donner des résultats similaires à ceux des autres moyens thérapeutiques utilisés [7].

Cet article présente deux cas cliniques de péri-implantite où le laser Er:YAG a été utilisé.

Premier cas clinique

Présentation du patient

M. F., âgé de 70 ans, se présente à la consultation d’implantologie pour une prise en charge globale. Il souhaite pouvoir mastiquer des deux côtés. Ce patient non fumeur est en bonne santé générale (fig. 1 et 2).

L’examen parodontal révèle (fig. 3) :

• un indice de plaque (IP) de Löe et Silness de 65 %, et la présence de tartre au niveau de la face linguale des incisives mandibulaires ;

• un indice de saignement au sondage global de 35 % ;

• une profondeur de poche (PP) supérieure ou égale à 4 mm dans 9 % des sites ;

• au niveau de l’implant en place de 41 :

– 4 ≥ PP ≥ 10 mm,

– saignement au sondage,

– suppuration,

– alvéolyse atteignant le tiers de la hauteur de l’implant.

L’examen radiologique (orthopantomogramme et bilan long cône) permet de mettre en évidence (fig. 4) :

• une alvéolyse horizontale généralisée ;

• une alvéolyse cratériforme atteignant le tiers de la hauteur de l’implant (41) (fig. 5).

Grâce à cet examen clinique, le diagnostic peut être posé :

• parodontite chronique sévère généralisée (55 % des sites présentent une perte d’attache supérieure ou égale à 5 mm) présentant encore des foyers actifs où la profondeur de poche est supérieure ou égale à 4 mm ;

• au niveau de 41, péri-implantite sévère (4 ≥ PP ≥ 10 mm, saignement au sondage, suppuration et alvéolyse atteignant le tiers de la hauteur de l’implant).

De plus, on note une instabilité occlusale due au décalage entre l’occlusion en intercuspidie maximale (OIM) et l’occlusion en relation centrée (ORC).

Thérapeutique étiologique

La première étape du traitement parodontal a été l’éducation à l’hygiène orale afin d’obtenir un meilleur contrôle du biofilm. Il a été prescrit au patient une brosse à dents souple ainsi que des brossettes interdentaires adaptées.

Après avoir contrôlé l’application correcte des consignes d’hygiène orale, un surfaçage radiculaire a été réalisé ainsi qu’un débridement non chirurgical aux ultrasons et au laser au niveau de l’implant (41) en une séance unique sous antibiothérapie (amoxicilline, 3 × 500 mg pendant 8 jours + métronidazole 3 × 500 mg pendant 8 jours) per os selon le protocole suivant :

• anesthésie locale par application d’Oraqix® (Dentsply) à partir du fond de la poche ;

• instrumentation par le PMax Newton Xs (Acteon) avec des inserts H3L et H3R pour les surfaces radiculaires et un insert en téflon pour la surface implantaire, tout en irriguant avec une solution diluée à base de chlorhexidine 0,12 % (Paroex®, Sunstar) ;

• décontamination implantaire au laser Er:YAG (KaVo). Le laser (énergie = 120 mJ ; fréquence = 10 Hz), a été utilisé avec une irrigation à la chlorhexidine 0,12 % (Paroex®) ;

• prescription de chlorhexidine à 0,12 % (Paroex®) en bains de bouche pendant 15 jours et d’un gel de chlorhexidine (Elugel®, Pierre Fabre) à appliquer autour de l’implant pendant 4 semaines.

La couronne de 41, étant mal adaptée, a été déposée dans la séance et une couronne provisoire a été réalisée à la fin de la décontamination implantaire.

Résultats

La réévaluation du traitement parodontal a été ­effectuée 8 semaines après l’étape de surfaçage/ débridement (fig. 6) et a permis de constater que :

• le saignement au sondage était de 17 % (35 % initialement) ;

• 1 % des sites présentaient une profondeur de poche supérieure ou égale à 4 mm (9 % initialement) ;

• la profondeur de poche autour de l’implant en place de 41 avait diminué (1 mm ≥ PP ≥ 3 mm) ;

• la radiographie rétroalvéolaire révélait une diminution du halo radioclair autour de l’implant en place de 41 (fig. 7).

Ces résultats étant très satisfaisants, le patient est entré dans une thérapeutique parodontale de soutien avec des visites de maintenance tous les 3 à 6 mois.

La radiographie panoramique et les photographies cliniques endobuccales montrent une stabilité des résultats au bout de 5 ans (fig. 8 et 9).

Second cas clinique

Présentation de la patiente

Mme T. se présente au centre de soins dentaires de Nantes dans le cadre de sa maintenance implantaire. Elle présente 4 implants mandibulaires solidarisés par une barre d’Ackerman. Une prothèse amovible supra-implantaire restaure l’édentement complet mandibulaire. Sur le plan général, cette patiente présente une hypercholestérolémie traitée et est suivie régulièrement par son médecin généraliste. Lors de cette maintenance, une inflammation gingivale a été détectée autour de l’implant en position de 34 (fig. 10 à 12).

Le sondage péri-implantaire objective un saignement, une suppuration et la présence de poches profondes comprises entre 5 et 9 mm en fonction des sites.

L’examen radiologique (radiographies panoramique et rétroalvéolaires) met en évidence une alvéolyse autour de l’implant en place de 34. La lacune osseuse en forme de cratère atteint la moitié de la hauteur implantaire (fig. 10 à 12). L’examen occlusal ne montre ni interférence occlusale ni surocclusion. Le cavalier situé dans l’intrados de la prothèse mandibulaire supra-implantaire le plus proche de l’implant atteint a été fracturé. Le diagnostic de péri-implantite est posé.

Les poches ont été irriguées à la chlorhexidine 0,12 % (Paroex®), une prescription antibiotique (spiramycine et métronidazole, Birodogyl®, 1 comprimé 2 fois par jour pendant 7 jours) a été faite et des brossettes données lors de la première consultation.

Étant donné la sévérité de la péri-implantite, la stratégie thérapeutique adoptée a été la suivante :

• une première phase non chirurgicale qui associe un débridement mécanique avec un insert en téflon couplé au laser, avec un traitement local antiseptique et antibiotique par voie systémique ;

• une seconde phase chirurgicale.

Première phase : étape non chirurgicale

Comme pour tout traitement parodontal, un enseignement et une motivation à l’hygiène bucco-dentaire ont été réalisés avec, en complément, une prescription de matériel adapté.

Une fois le contrôle de plaque maîtrisé par la patiente, un nettoyage professionnel de l’implant a été entrepris, utilisant :

• un insert en téflon monté sur une pièce à main ultrasonique, pour ne pas altérer la surface implantaire :

• le laser Er:YAG (énergie = 120 mJ ; fréquence = 10 Hz), chaque site étant irradié pendant 60 secondes avec une irrigation constante à l’eau stérile ;

• une irrigation à la chlorhexidine (0,12 %) (Paroex®) après traitement au laser.

À la fin de la séance, des bains de bouche à base de chlorhexidine (0,12 %) (Paroex®) sont prescrits pour 21 jours ainsi que des antalgiques de palier 1.

Une réévaluation parodontale est réalisée 8 semaines après cette première étape non chirurgicale. Elle montre :

• une absence de plaque ;

• une profondeur de poche comprise entre 3 et 6 mm et un gain d’attache clinique de 2 à 3 mm (fig. 13) ;

• une absence de pus ;

• une diminution de l’inflammation mais une persistance du saignement au sondage (fig. 14).

Seconde phase : étape chirurgicale (fig. 15 et 16)

Sous anesthésie locale et sous antibiothérapie per os (2 × 1 g/j d’amoxicilline, pendant 7 jours), un nouveau débridement de la surface implantaire est réalisé au laser ER:YAG (énergie = 120 mJ ; fréquence = 10 Hz). L’anatomie du défaut osseux en forme de cratère est favorable à un comblement. Le matériau choisi est du BCP (hydroxyapatite et phosphate tricalcique bêta avec un rapport de 40/60). Ce matériau de comblement, ostéoconducteur, sert d’échafaudage à la cicatrisation osseuse.

Une prescription de paracétamol et de bains de bouche à base de chlorhexidine (0,12 %) (Paroex®) pour 1 semaine a été faite.

Les fils de suture sont déposés 15 jours après l’intervention.

Maintenance

Par rapport à la situation initiale (fig. 17), le suivi à 6 mois montre une stabilisation des résultats avec un sondage compris entre 1 et 3 mm au niveau de l’implant en place de 34 et une absence de saignement au sondage, mais aussi l’apparition d’une récession gingivale centro-vestibulaire de 1 à 2 mm (fig. 18).

Les rendez-vous de maintenance, effectués tous les 3 mois, ont permis de mettre en évidence radiologiquement la disparition du défaut osseux.

Cinq ans après, les résultats sont stables (fig. 19). Le sondage parodontal (1 ≥ PP ≥ 3) et l’examen radiologique montrent une stabilité de la situation post-traitement.

L’approche non chirurgicale (ultrasons et laser) a permis une réduction de l’inflammation mais une cicatrisation insuffisante. Grâce à l’approche chirurgicale, il a été possible d’obtenir une cicatrisation optimale et pérenne.

Discussion et conclusion

Le traitement des péri-implantites est une procédure complexe mais, lorsqu’il est conduit rigoureusement, il peut donner des résultats tout à fait ­satisfaisants. L’apport du laser a permis une meilleure décontamination des surfaces implantaires et, donc, l’obtention d’une meilleure cicatrisation.

Renvert et al. [4] ont montré que la prise d’antibiotique permettait une réduction du saignement au sondage, une réduction de la profondeur de poche et que l’utilisation du laser aurait une légère efficacité sur le traitement des péri-implantites. De plus, Muthukuru et al. [5] ont montré, dans une revue systématique de la littérature sur le traitement non chirurgical des péri-implantites, que le débridement mécanique, l’adjonction d’antibiotique et l’utilisation du laser permettaient une diminution de l’inflammation gingivale péri-implantaire.

En outre, Claffey et al. [3] dans leur revue de littérature sur le traitement chirurgical des péri-implantites, indiquent que l’utilisation du laser en complément du traitement conventionnel induit de meilleurs résultats cliniques que le traitement conventionnel seul.

Enfin, le rôle de la maintenance a été primordial afin de maintenir les résultats dans le temps comme l’ont démontré Axelsson et al. [8] dans leur étude d’une durée de 30 ans sur la maintenance parodontale.

Bibliographie

  • [1] Albrektsson T, Isidor F. Consensus report of session IV. In : Lang NP, Karring T (eds). Proceedings of the first European Workshop on Periodontology. Londres : Quintessence, 1994 : 365-369.
  • [2] Zitzmann NU, Berglundh T. Definition and prevalence of peri-implant diseases. J Clin Periodontol 2008;35 (suppl. 8):286-291.
  • [3] Claffey N, Clarke E, Polyzois I, Renvert S. Surgical treatment of peri-implantitis. J Clin Periodontol 2008;35 (suppl. 8):316-332.
  • [4] Renvert S, Roos-Jansaker AM, Claffey N. Non-surgical treatment of peri-implant mucositis and peri-implantitis : a literature review. J Clin Periodontol 2008;35 (suppl. 8):305-315.
  • [5] Muthukuru M, Zainvi A, Esplugues EO, Flemmig TF. Nonsurgical therapy for the management of peri-implantitis: a systematic review. Clin Oral Implants Res 2012;23 (suppl. 6):77-83.
  • [6] Renvert S, Polyzois I, Claffey N. Surgical therapy for the control of peri-implantitis. Clin Oral Implants Res 2012;23 (suppl. 6):84-94.
  • [7] Schwarz F, Aoki A, Becker J, Sculean A. Laser application in non-surgical periodontal therapy: a systematic review. J Clin Periodontol 2008;35 (suppl. 8):29-44.
  • [8] Axelsson P, Nyström B, Lindhe J. The long-term effect of a plaque control program on tooth mortality, caries and periodontal disease in adults. Results after 30 years of maintenance. J Clin Periodontol 2004;31:749-757. Chirurgie orale et orthopédie dento-faciale