Implantologie
Eléonore CRAUSTE* Christophe MARGOTTIN** Alain HOORNAERT***
*Interne MBD
**Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle d’implantologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
***Chirurgien-dentiste,
ancien interne et ancien AHU
****Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle d’implantologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
*****MCU-PH, chirurgien-dentiste, responsable
du DU d’implantologie
******Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale
Unité fonctionnelle d’implantologie
CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215
44042 Nantes cedex 1
De nos jours, l’ostéo-intégration des implants en titane est devenue « presque » prédictible. Par conséquent, les praticiens ne doivent plus répondre uniquement à une exigence fonctionnelle pour satisfaire le patient mais, au-delà, prendre en compte l’exigence esthétique. Se posent alors quelques questions : comment évaluer le résultat ? De quels moyens disposent-ils pour juger d’un succès ou d’un échec ? Quelles conséquences en tirer pour leur pratique ?
L’évaluation du succès implantaire est généralement mesurée par le taux de survie, soit le pourcentage des implants présents en bouche à un moment donné depuis leur pose, indépendamment de toute considération clinique ou esthétique.
De façon plus élargie, Albrektsson et al. en 1986 [1], puis Smith et Zarb en 1989 [2], repris par Jung et al. en 2008 [3], ont défini le succès implantaire en fonction de critères précis mais sans clairement faire référence à l’esthétique.
Plusieurs équipes d’experts ont proposé des grilles d’évaluation liées à l’esthétique depuis les années 1990 telles que le papilla index score [4], le subjective aesthetic score [5] ou l’implant crown aesthetic index [6])… L’un d’entre eux semble plus pertinent, le pink esthetic score (PES)/white esthetic score (WES) établi par Fürhauser et al. en 2005 [7] et modifié par Belser et al. en 2009 [8]. C’est un indice plus objectif et plus facile à utiliser que les précédents [9].
À partir de cet outil et en reprenant chacun de ses items, nous allons illustrer par deux cas cliniques l’incidence des moyens chirurgicaux et prothétiques mis en œuvre sur le résultat de l’évaluation obtenu.
Lorsque l’objectif n’est pas atteint, nous aurons une démarche critique sur les choix retenus et les autres solutions ou compléments que nous aurions pu envisager.
Il s’agit de 2 femmes dont une incisive centrale maxillaire a été extraite. Elles ne présentent aucune contre-indication générale ou locale à la mise en place d’un implant.
Afin de présenter ces cas de façon didactique, des tableaux synthétiques ont été établis (fig. 1 à 4, tableaux 1 et 2).
D’emblée, des similitudes dans les difficultés sont à noter pour leur restauration :
• il s’agit d’incisives centrales maxillaires unitaires qui représentent un défi sur le plan esthétique. En effet, l’œil est attiré par la symétrie, notamment par rapport à la ligne sagittale médiane. La présence de la dent controlatérale naturelle ne pardonnera aucune différence de forme et de couleur ;
• la perte de ces dents s’accompagne d’un déficit osseux qui représente un obstacle supplémentaire non négligeable.
Mais des différences apparaissent aussi :
• pour la patiente A, un antécédent de traumatisme peut avoir endommagé la paroi osseuse vestibulaire et rendre le site plus sensible au processus infectieux si la prise en charge n’est pas faite à temps ;
• pour la patiente B, la maladie parodontale a induit une alvéolyse ayant eu comme conséquence la perte des papilles gingivales. Le pronostic esthétique est d’emblée plus délicat. Les récessions gingivales laissent apparaître la partie coronaire des racines des incisives. De plus, le bombé vestibulaire des incisives centrales est très marqué avec une légère exoalvéolie.
Ces cas appartiennent tous les deux à la catégorie complexe de la classification SAC (straightforward, advanced and complex) de l’International Team for Implantology [10].
Un autre élément les différencie : la ligne du sourire. Elle correspond au positionnement de la lèvre supérieure par rapport au maxillaire. Elle peut être de trois types : basse (20,5 % de la population), moyenne (68,9 %) ou haute (10,6 %) (fig. 5). Une ligne du sourire haute a comme conséquences de rendre visible, au patient et à son entourage, tout manque d’harmonie au niveau du collet clinique.
Concernant les exigences esthétiques, nous avons donc à traiter une première patiente jeune (cas A), ayant subi un traumatisme dentaire récent. Si sa ligne du sourire est moyenne, ses exigences esthétiques restent néanmoins élevées : elle veut retrouver sa denture ad integrum. La seconde patiente, quant à elle, présente un parodonte affaibli, une perte des papilles et des récessions gingivales accompagnées d’une alvéolyse modérée. Ses exigences esthétiques sont raisonnables, le « triangle noir » entre ses incisives centrales ne la gêne pas.
Le pink esthetic score (tableau 3, fig. 6) se fonde sur 5 critères :
• la papille mésiale ;
• la papille distale ;
• la courbure de la muqueuse gingivale ;
• la hauteur de cette muqueuse ;
• la convexité du profil radiculaire, la couleur et la texture des tissus mous.
Chaque point est noté de 0 à 2 en fonction de la réussite du critère (0 : critère non rempli ; 2 : critère complètement acquis) (fig. 7).
Les papilles sont un élément important à observer car elles sont visibles dans 91 % des sourires forcés [11].
D’après une étude de Tarnow et al. [12], elles sont présentes dans 100 % des cas quand la distance entre la crête osseuse et le point de contact interdentaire est de 5 mm. Dès 6 mm, il n’y a plus que 60 % de chance d’obtenir une papille gingivale (fig. 8).
Or, dans le cas B, comme cette distance est supérieure (9 mm) (fig. 2), il est donc quasi impossible de retrouver les papilles.
Par ailleurs, il faudra aussi positionner l’implant de telle sorte qu’il y ait au moins 1,5 à 2 mm d’espace avec la dent adjacente. Cela permet une bonne vascularisation de la papille et plus de chance de la conserver au cours des années. Dans nos deux cas, la distance mésio-distale est bonne.
Enfin, une attention particulière doit être portée au tracé d’incision et aux sutures lors de l’intervention : les incisions seront curvilignes, biseautées et respectueuses des papilles. Il faut limiter au maximum les récessions iatrogènes et les zones fibreuses qui peuvent apparaître en cas d’incision perpendiculaire au périoste. Quant aux sutures, elles seront fines (de diamètre 4.0) et en monofilament afin d’éviter au maximum le dépôt de plaque dentaire et l’inflammation consécutive.
Il faudra également faire attention aux dents collatérales : si elles sont restaurées prothétiquement, le trait d’incision sera décalé, laissant un bandeau de gencive kératinisée au collet. Dans le cas contraire, le risque de création d’une récession gingivale iatrogène est à considérer avec, comme conséquence, la réfection de la couronne.
La courbure de la muqueuse dépend essentiellement du biotype parodontal, du support osseux et du profil d’émergence de la restauration.
Selon la 5e conférence de ITI [13], les recommandations sont multiples. Cette courbure de la muqueuse se prévoit lors de la chirurgie pré-implantaire et se travaille lors de la phase de la prothèse provisoire. L’utilisation de cette dernière est fortement recommandée. Elle doit :
• être anatomique et fonctionnelle ;
• respecter le profil d’émergence convexe, notamment en apical du collet clinique prévu, afin d’avoir un volume de tissu mou maximal ;
• être transvissée afin de faciliter les possibles modifications de la couronne provisoire via une dépose plus aisée et de gérer conjointement le maintien d’une bonne santé parodontale.
Néanmoins, la prothèse provisoire doit s’inscrire dans un contexte osseux et parodontal favorable. Par exemple dans le cas A, nous pouvons constater (fig. 9, en 5) un défaut horizontal au niveau de la 21. Nous atteignons alors les limites de la compensation prothétique. En effet, même avec un profil d’émergence idéal, c’est-à-dire symétrique à celui de la dent collatérale, il ne semble plus possible de retrouver une courbure de la muqueuse harmonieuse sans l’association d’une technique de régénération osseuse et/ou gingivale.
Dans le cas de cette jeune patiente au biotype parodontal fin, une attention particulière a été portée dès le départ à la conservation maximale des volumes osseux : extraction atraumatique, préservation de l’alvéole avec comblement d’os autogène et mise en place d’une membrane résorbable (OsteoBiol Evolution®). De plus, lors de la pose implantaire, une expansion crestale a été réalisée.
Malgré ces précautions, la courbure du profil alvéolaire en regard de la 21 restait en retrait par rapport à la dent collatérale : une greffe de conjonctif enfoui a dû être réalisée dans un second temps, afin d’améliorer la symétrie entre les deux dents concernées.
Correspondant à la ligne gingivale, la hauteur de la muqueuse est la droite qui rejoint les zéniths gingivaux des dents du bloc incisivo-canin. Ces zéniths sont les points les plus apicaux de la gencive marginale et sont généralement déportés en distal [14]. On estime en moyenne que le zénith de l’incisive latérale est situé à 1 mm sous la ligne esthétique gingivale [15].
Plusieurs facteurs influent sur le résultat :
• le positionnement de l’implant (fig. 10) : dans le sens vertical, le col implantaire devra être légèrement plus apical que la jonction amélo-cémentaire des dents adjacentes [16]. On préférera une mise en place légèrement distale afin de reproduire le zénith gingival déporté en distal. Dans le sens sagittal, une émergence palatine du col implantaire par rapport à la ligne joignant les bords libres incisifs des dents adjacentes permettra de réaliser une prothèse définitive transvissée ;
• les possibilités d’aménagement tissulaire : que ce soit par adjonction ou soustraction, en fonction de l’harmonie générale de la ligne gingivale, une chirurgie d’élongation coronaire pourra être menée ou, au contraire, un repositionnement coronaire ou latéral du lambeau associé ou non à une greffe de conjonctif enfoui. La compensation muqueuse pourra ainsi permettre de pallier une insuffisance relative de volume osseux ;
• la prothèse provisoire : la partie infragingivale achève la mise en forme et la sculpture des tissus mous environnant en modulant par excès ou par défaut le soutien des tissus mous. Elle permet d’effectuer une transition harmonieuse entre le plateau cylindrique de l’implant et le profil d’émergence de la dent remplacée.
Le choix du type de restauration (scellée ou vissée) est important à ce niveau, du fait du positionnement différent de l’implant entre ces deux types de restaurations et du fait de l’utilisation ou non d’un pilier prothétique. La forme de la zone prothétique infragingivale sera différente en fonction de ce choix.
Le choix d’une restauration transvissée en secteur antérieur sera à privilégier lorsque la situation l’autorise. En effet, cette stratégie permet de diminuer les risques de parodontite : une publication a montré que chez des patients atteints de maladies péri-implantaires, dans 85 % des cas, on retrouve du ciment de scellement au niveau sulculaire [9].
L’option vissée a été retenue pour le cas B, l’option scellée pour le cas A, bien que dans les deux cas, la réalisation de prothèses définitives transvissées eût été le meilleur choix. Dans le cas A, bien que la prothèse transitoire ait été transvissée, il n’a pas été possible de conserver ce type de restauration pour la prothèse définitive car il n’y aurait pas eu une épaisseur cosmétique suffisante pour cacher l’orifice du trou de vissage au niveau du bord libre de la dent.
Par ailleurs, le choix de l’implant n’est pas anodin. Les implants en deux parties (du type Strauman® Bone Level) vont faciliter la gestion de la zone de transition (entre le col implantaire et la couronne prothétique). En effet, la position de leur col implantaire est juxtaosseuse : cela laisse plus de liberté au prothésiste pour gérer le profil d’émergence et concevoir un pilier personnalisé anatomique. L’autre caractéristique des implants « enfouis » est la phase « découverture » en un second temps. Cette phase permet la réalisation d’un aménagement tissulaire parodontal (fig. 11).
Le cas de la patiente A (fig. 10) illustre la place importante qu’occupe la prothèse provisoire. En effet, on peut constater que la courbure ainsi que la hauteur de la muqueuse ne sont pas harmonieuses. L’ajout de composite sur la provisoire en plusieurs séances permet de retrouver une symétrie entre 11 et 21 et un alignement du feston gingival. Néanmoins, la position trop coronaire du col implantaire peut induire des contraintes mécaniques au niveau de la gencive marginale et nuire à sa maturation.
Là encore, les paramètres importants pour obtenir un profil alvéolaire optimal sont le biotype parodontal et le support osseux.
Un examen minutieux de la situation clinique et de l’imagerie tridimensionnelle sera donc utile afin de définir quel versant améliorer et quelle technique utiliser :
• la compensation osseuse :
– la régénération osseuse guidée, dérivée de la régénération tissulaire guidée, consiste en la mise en place d’une membrane qui va créer un espace stable permettant aux cellules osseuses de former de l’os immature puis de l’os mature,
– la greffe d’apposition correspond à l’addition d’un bloc d’os autogène (ramique, symphysaire ou extra-buccal), d’os de banque ou de xénogreffe qui, après revascularisation, est remplacé par de l’os néoformé, augmentant ainsi le volume osseux,
– l’expansion crestale, jouant sur l’élasticité osseuse, consiste à obtenir progressivement une augmentation de la largeur du procès alvéolaire (fig. 12) ;
• la compensation gingivale, au moyen de la greffe muco-gingivale de conjonctif enfoui, permet, par ajout de tissu conjonctif spécifiquement, de rebomber la partie gingivale allant même jusqu’à pouvoir inverser le biotype parodontal pour que, de fin et festonné, il devienne épais.
Dans les deux cas, la convexité du profil radiculaire aurait encore pu être optimisée. Pour la jeune patiente (cas A), il a été décidé de procéder à une préservation alvéolaire lors de l’extraction (comblement par os autologue et positionnement d’une membrane) puis à l’implantation différée à 4 mois avec une expansion crestale lors de la pose implantaire. A posteriori, une implantation précoce (au bout de 6 à 8 semaines) associée à une technique de régénération osseuse guidée (membrane et biomatériau) aurait permis, d’abord, de restreindre la fonte osseuse, puis d’augmenter le volume osseux vestibulaire et, enfin, de le stabiliser par l’utilisation d’un biomatériau faiblement résorbable. L’expansion de crête permet de diminuer le défaut osseux transversal mais reste limitée. Ici, le positionnement et le diamètre implantaire (implant étroit pour une centrale) ont été dictés par le défaut osseux transversal malgré les moyens de préservation mis en œuvre.
Dans le cas B, la composante parodontale est, selon Maynard et Wilson, de type I (parodonte épais) mais la perte verticale osseuse généralisée reste prépondérante. Ici, une implantation précoce a été réalisée afin de conserver au maximum les volumes osseux et d’éviter ainsi une étape chirurgicale supplémentaire [17].
Le tissu kératinisé stabilise les résultats. En cas de pilier prothétique métallique, son abondance diminuera l’aspect grisâtre parfois observé. Néanmoins, on préférera utiliser, en situation antérieure, des piliers en céramique ou céramisés pour pallier ce problème [18]. Le tissu kératinisé permet également d’augmenter l’efficacité de la barrière muqueuse contre la pénétration bactérienne, de limiter les risques de récession, de faciliter l’hygiène quotidienne et de pérenniser les résultats à long terme [19].
L’esthétique des tissus mous péri-implantaires dépend enfin des volumes osseux sous-jacents :
• la hauteur de la crête alvéolaire au niveau des dents adjacentes ;
• la hauteur et l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire.
Il est d’ailleurs à noter que la technique d’extraction-implantation immédiate ne stabilise pas le niveau osseux vestibulaire et qu’il persiste toujours un remodelage de la corticale alvéolaire [20].
Le white esthetic score a été ajouté au pink esthetic score par Belser et al. en 2009 [8] : il complète le volet gingival par l’évaluation du résultat prothétique suivant 5 points (tableau 3 et fig. 13) :
• la forme générale ;
• les lignes de plus grand contour et le volume de la couronne clinique ;
• la couleur (teinte et saturation) ;
• la texture de surface ;
• la translucidité et la caractérisation.
Esthétiquement, le rapport longueur/largeur de la dent est capital. Pour l’incisive centrale par exemple, ce rapport varie entre 75 et 85 %. Sur une vue frontale, on considère également que l’incisive centrale doit apparaître plus large de 60 % que l’incisive latérale [15].
La forme des dents (triangulaire, ovale ou carrée) doit s’intégrer à l’ensemble du visage et conditionne le pronostic papillaire. Les angles interincisifs ainsi que les bords libres doivent être symétriques au niveau des dents controlatérales. Une attention particulière sera portée aux lignes de transition. Elles correspondent à la ligne séparant la face vestibulaire de la face proximale d’une dent. En général, cette crête interproximale est la plus proéminente en mésial. Ces lignes permettent de corriger la perception de forme et de largeur d’une dent. Par exemple, en cas d’édentement trop large par rapport à la restauration, le rapprochement des deux lignes de transition d’une couronne donnera une sensation visuelle de finesse.
Par rapport au pronostic papillaire, la forme de la dent guide la forme de la papille. Une dent carrée présente une surface de contact avec sa dent controlatérale, une dent triangulaire a un point de contact. Par conséquent, la papille entre deux dents carrées sera courte et plus facile à restaurer que celle entre deux dents triangulaires.
Dans le cas de la patiente B, la parodontite chronique modérée stabilisée a entraîné des récessions gingivales sur l’ensemble du bloc incisivo-canin maxillaire. Il en découle l’apparition de l’émergence radiculaire des dents naturelles. Afin de retrouver une symétrie notamment dans cette zone centrale, il aurait fallu demander au prothésiste de recréer cet étranglement au niveau du collet de la restauration. Ce genre de technique n’est pas une solution à retenir puisqu’on perd alors le travail effectué sur le profil d’émergence et le soutien des tissus mous. De plus, pour restaurer les papilles gingivales disparues, il faudrait couronner l’ensemble du bloc incisivo-canin maxillaire pour restituer des dents de forme carrée, ce qui augmenterait la surface de contact interdentaire et abaisserait ainsi la distance entre le point de contact et la crête osseuse (fig. 14). Les praticiens tout comme les patients doivent parfois accepter que le résultat idéal ne soit pas accessible à moins de réaliser un traitement prothétique plus invasif allant parfois à l’encontre du principe d’économie tissulaire.
La couleur est définie en trois points : la luminosité, qui est la valeur de gris d’une couleur ou l’intensité lumineuse réfléchie par la surface dentaire, la saturation, qui correspond à la quantité de pigments, et la teinte, qui correspond au type de pigment lui-même. On peut aussi ajouter à cela la fluorescence, qui est la capacité d’un objet à assimiler une longueur d’onde, de l’absorber et de la renvoyer sur une autre longueur d’onde [15].
Dans les deux cas présentés ici, on remarque un manque de luminosité qui donne l’impression d’une position plus postérieure de la dent restaurée. Malgré une prise de teinte avec un teintier électronique (Easyshade, Vita®) et un contrôle avec un teintier manuel (Vita 3D Master®), on observe une différence entre les incisives centrales. Il aurait fallu tester les biscuits sous différents types de lumière afin de vérifier leur similitude en fonction des différentes températures de lumière.
De ces trois composantes, la luminosité prime sur la teinte en elle-même car il y a une faible concentration en couleurs dans les teintes dentaires [15].
Cette couleur doit aussi être en harmonie de teinte avec le regard : un blanc d’œil clair sera en harmonie avec des dents blanches.
En rapport très étroit avec la luminosité, l’état de surface de la couronne va influer sur la réflexion de la lumière. Avec l’âge, les stries de croissance de Retzius diminuent, ce qui rend les dents plus lisses. Afin d’objectiver ces mouvements à la surface dentaire, du papier d’occlusion peut être frotté sur la paroi vestibulaire.
Dans le cas A, la patiente est jeune et la texture de surface met en évidence des stries verticales et horizontales. Dans le cas de la patiente B, âgée d’une cinquantaine d’années, les surfaces dentaires sont plates. L’anatomie de la restauration chez la jeune patiente est ainsi beaucoup plus complexe à reproduire et la texture de surface est légèrement plus marquée sur la restauration qu’au niveau de son homologue naturelle.
La caractérisation implique plusieurs facteurs : les phénomènes de réflexion/transmission de la lumière, les colorations intenses et les détails morphologiques. Elle donnera un âge et une personnalité à la dent [15]. La restauration de l’incisive centrale doit ainsi s’intégrer à un contexte appelé facteur SPA (sexe, personnalité et âge du patient) [21]. Par exemple, chez les patients jeunes, les mamelons dentinaires pourront être visibles au niveau du bord incisif via la translucidité de la couche d’émail.
Dans le cas de la patiente B, pour être en harmonie avec la dent naturelle adjacente, la caractérisation doit être quasi absente et la translucidité doit être légère. Cependant, on constate que le bord incisal de la restauration montre une translucidité supérieure à la dent naturelle donnant à cette zone un aspect grisâtre. Pour y remédier, il aurait fallu inverser les proportions entre la céramique des masses dentine et incisale.
Évaluer sa pratique via un outil tel que le PES/WES permet ainsi de caractériser les différentes difficultés et réussites que l’on rencontre au quotidien (fig. 15). Cependant, même si cela peut permettre au praticien de trouver une certaine objectivité, pour Annibali [22], il n’y a pas encore d’indice universel compte tenu du manque de recul, de l’hétérogénéité des études et des critères utilisés, ce qui empêche son utilisation systématique en pratique clinique.
Un autre point important à mettre en avant est le ressenti du patient. Selon Pjetursson et al. [23], moins de 2 % des publications en implantologie orale mettent en exergue le point de vue du patient. En 2012, Lang et ses collaborateurs [24] s’intéressent à l’évaluation des résultats esthétiques dans les études cliniques et les systèmes d’index disponibles. Ils discutent également de la mesure des résultats rapportés par les patients (patient reported outcome measurment, PROM).
Un résultat esthétique est celui qui donne à la restauration l’apparence de la dent naturelle, restauration qui s’intègre à la denture, au sourire et au visage dans son ensemble.
Même si le praticien déclare que le patient se dit satisfait du résultat dans 90 % des cas, il n’en reste pas moins que toute satisfaction du praticien sur son travail, même réaliste, peut parfois se confronter à des attentes irréalistes de patient, transformant un succès implantaire en échec. Il faudra donc connaître précisément les attentes du patient et l’informer dès le départ des résultats pouvant être espérés et non rêvés.
Enfin, il y a un manque d’informations sur une évaluation esthétique systématique de l’apparence des restaurations dans une vision plus large comme l’intégration au visage, en particulier chez les patients partiellement dentés et pour les restaurations antérieures plurales.