Clinic n° 08 du 01/09/2014

 

STRATÉGIE NATIONALE DE SANTÉ

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La prévention, le parcours de soins, l’innovation et le droit des patients, tels sont les quatre grandes orientations stratégiques du projet de loi de santé présentées le 19 juin par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé.

Ce projet de loi, qui veut relever les grands défis que sont le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et la mobilisation pour la qualité et l’efficacité, sera présenté en Conseil des ministres au mois de septembre avant un examen à l’Assemblée nationale au début de l’année 2015. De très nombreux domaines sont abordés. On attend, dans les semaines qui viennent, plus de précisions sur les mesures prévues. La généralisation du tiers payant, qui est la mesure phare de la stratégie nationale, a été confirmée pour tous les assurés en 2017, sur la part obligatoire et la part complémentaire. Dès 2015 cependant, le tiers payant sera effectif pour les bénéficiaires de l’aide à l’assurance complémentaire de santé (ACS, voir encadré).

La prévention mise en avant

Parmi les différentes mesures annoncées en faveur de la prévention, la ministre a évoqué la création d’un « parcours éducatif en santé » de la maternelle au lycée. Il ne s’agit pas « d’heures de cours dédiées » mais « que les enjeux de santé imprègnent le contenu de tous les enseignements ». Afin de renforcer le suivi des enfants de moins de 16 ans, le choix d’un médecin traitant sera aussi proposé aux familles. En direction des jeunes encore, un programme de lutte contre les addictions, en particulier contre le tabac et l’alcool, sera mis en place. Pour garantir la transversalité et la coordination des politiques de prévention, la ministre veut enfin créer un comité interministériel pour la santé qui est appelé à jouer un rôle important pour tout ce qui concerne « le champ de la santé environnementale ».

Favoriser l’accès aux soins

La stratégie nationale comprend aussi « un service territorial de santé » appelé à permettre une organisation « accessible, lisible, compréhensible » dans cinq domaines : les soins de proximité, la permanence des soins, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des personnes handicapées. Ce sera aux acteurs de soins, dont les professionnels libéraux, de proposer des organisations pertinentes. Favoriser l’accès aux soins, ce sera aussi proposer dans chaque département un numéro d’appel unique à trois chiffres qui indiquera la garde en ville. Par ailleurs, un service public d’information en santé sera accessible sous forme d’un portail Web. Il sera calqué sur le modèle du site medicaments.gouv.fr.

Une adaptation régionale de la convention…

D’autres mesures sont aussi prévues comme une « rénovation » du dispositif conventionnel. « La négociation nationale reste le cadre de référence » mais « elle devra d’emblée intégrer l’exigence de sa nécessaire adaptation régionale et territoriale. » À ce sujet, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur les relations conventionnelles entre les professions libérales et l’Assurance maladie. Présentée à la commission des Affaires sociales du Sénat le 8 juillet, elle devrait servir à alimenter le projet ministériel.

Le rôle des patients dans la politique de santé sera par ailleurs renforcé dans la stratégie nationale, avec notamment une extension de l’obligation de représentation des usagers dans toutes les agences nationales de santé et la création de la Commission des usagers.

Assistantes dentaires : le silence

De nouveaux métiers seront reconnus, notamment des professions paramédicales à pratiques avancées comme les infirmiers cliniciens. D’autres évolutions comme le changement de statut des assistantes dentaires, très attendu dans la profession, n’ont cependant pas été évoquées dans cette présentation des « grandes orientations » de la future loi.

RÉFORME À RISQUE DES CONTRATS POUVANT CONSTITUER L’ACS

Alors que s’ouvrait le 30 juin le débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale pour 2014, le ministère de la Santé publiait des projets de décrets qui visent à « généraliser l’accès à une assurance complémentaire de santé (ACS) de qualité ». Il s’agit notamment de revoir les modalités de sélection des contrats de complémentaires de santé qui pourront constituer l’ACS. Il est prévu de proposer aux assurés trois niveaux de garantie différents. Pour la profession, il s’agit de savoir si les honoraires des prothèses seront ou non plafonnés pour les bénéficiaires des ACS. La question ne semble pas tranchée au ministère de la Santé.

Nouvelle relance du DMP

Le DMP va à nouveau faire l’objet d’une relance, 10 ans après sa création. Mais la nouvelle formule promet d’être bien différente. D’abord il n’est plus question de dossier médical personnel mais de dossier médical « partagé ». « J’ai entendu la nécessité d’en faire un outil de coordination et de partage », précise la ministre. Autre changement, la maîtrise d’œuvre sera confiée à l’Assurance maladie. Restent à préciser les orientations de ce nouveau DMP. Un recentrage du dossier médical en faveur des personnes souffrant d’affections de longue durée avait été évoqué par la ministre peu après son arrivée au ministère de la Santé.

CORRIGER LE DPC

Évoquant rapidement le développement professionnel continu (DPC), la ministre a précisé qu’elle corrigerait « les imperfections » du dispositif. Il faut dire qu’au même moment, le Bureau du conseil de surveillance du DPC donnait l’alerte en annonçant une cessation de paiement prévisible du solde des organismes de DPC et des indemnisations des professionnels de santé pour la fin du mois d’août ou, au plus tard, à la mi-octobre. « Force est de constater que le DPC est victime de son succès et que malheureusement les financeurs, dont notamment l’État, n’ont pas été en capacité d’anticiper financièrement cette montée en charge et cette adhésion au dispositif de DPC », constataient Gérald Galliot et Dominique Rouland, président et vice-président du Bureau.

Un rapport de l’Inspection des affaires sociales publié le 30 avril dénonçait les « vices de conception » du DPC, son « financement insuffisant » et présentait quatre scénarios de réforme allant d’une simplification du système actuel à la suppression de l’organisme gestionnaire du DPC et la conversion des financements publics en incitations.

Généralisation du tiers payant en 2017

La ministre a tenu à rassurer les professionnels de santé qui manifestent depuis plusieurs mois leur opposition à cette mesure. Le tiers payant « n’affecte en rien » la liberté des patients et du mode d’exercice ; ce n’est pas non plus « une invention étatiste ». Enfin, le tiers payant n’aura « pas d’impact sur la consommation de soins », promet-elle. Les professionnels de santé y restent généralement hostiles, craignant une surcharge de travail pour obtenir le règlement des complémentaires de santé ou de ne jamais obtenir de règlement en cas d’erreur ou de triche de la part du patient. Pour nombre d’entre eux, c’est aussi une mesure qui déresponsabilise le patient et conduit à banaliser l’acte.