Clinic n° 08 du 01/09/2014

 

Chirurgie

Thierry MALECA*   Hicham EL MJABBER**  


*Parodontologie-implantologie exclusive
Lyon
thierry-maleca@wanadoo.fr
**Docteur en chirurgie dentaire
Clermont-Ferrand

Nous appliquons depuis 5 ans un protocole clinique à toutes les extractions réalisées au cabinet. Ce protocole, que nous appelons préservation alvéolaire postextractionnelle (PAL), donne d’excellents résultats cliniques. Nous espérons que des expérimentations animales et des études scientifiques cliniques viendront bientôt confirmer nos travaux.

L’avulsion dentaire est un acte d’omnipratique très fréquemment réalisé par l’ensemble de nos confrères. La perte osseuse consécutive est considérable et complique souvent l’implantologie postextractionnelle.

Plusieurs options s’offrent à nous :

• laisser l’alvéole cicatriser naturellement (option la plus fréquemment rencontrée) ;

• la combler avec un matériau osseux recouvert ou non d’une membrane [1] ;

• utiliser la technique de cicatrisation assistée par laser, simple et peu coûteuse, qui non seulement accélère la cicatrisation mais aussi apporte un confort postopératoire intéressant pour les patients.

Nous proposons une solution qui offre de nombreux avantages : laisser l’alvéole se remplir et utiliser le caillot sanguin naturel comme matériau autologue de comblement. Les résultats cliniques de 5 ans d’utilisation systématique sont prometteurs.

Nous souhaitons que des études scientifiques cliniques viennent confirmer notre approche clinique.

Physiologie de la réparation osseuse après avulsion

Selon de nombreuses études, entre autres celle de Belser [2] qui mesure l’épaisseur osseuse au milieu d’une dent et à 4 mm apicalement à la jonction amélocémentaire, 88 % des dents antérieures (des incisives aux prémolaires) n’ont pas ou ont moins de 1 mm d’os en vestibulaire à 4 mm du collet et le pourcentage passe à 90 % au milieu des racines.

Cette situation implique un risque élevé de perte importante d’os sur le versant buccal après avulsion.

Selon l’étude de Cardaropoli et al. [3,4], la zone correspondant au tiers coronaire de l’alvéole est celle qui tardera le plus à cicatriser.

Si l’on observe ce qui se passe après extraction :

• à JO, un caillot se forme ;

• à J3, le caillot est remplacé partiellement par un tissu de granulation richement vascularisé ;

• à J7, la matrice provisoire est formée de nouveaux vaisseaux sanguins, leucocytes et fibres de collagène qui remplacent les fibres du ligament parodontal, le caillot et le tissu de granulation ;

• à J14, la partie marginale de l’extraction est couverte d’un tissu de granulation riche en vaisseaux et cellules inflammatoires ; l’os spongieux favorise la résorption ostéoclastique ;

• de J60 à J90, un pont rigide composé d’os spongieux sépare la muqueuse de l’alvéole. Apicalement, le pont est remplacé par de l’os médullaire ;

• de J120 à J180, l’os rigide est renforcé par de l’os lamellaire, des fibres de collagène provenant de la muqueuse s’insèrent sur la corticale osseuse et engendrent le périoste ;

• à J180, la totalité de l’alvéole est faite d’os médullaire bien organisé qui contient beaucoup d’adipocytes.

Si on compare ce qui se passe dans les 3 zones représentées dans la figure 1 (A : tiers coronaire ; B : tiers moyen ; C : tiers apical) :

• la zone A est remplie de tissu de granulation, qui apparaît en réponse à l’infection et à l’inflammation liée à la présence des fluides salivaires. C’est une réaction protectrice des zones B et C ;

• au bout de 1 mois, dès que l’épithélialisation est faite, les cellules inflammatoires et le tissu de granulation disparaissent ;

• à 1 mois, 15 % de la zone A contient de l’os médullaire, alors que les zones B et C en contiennent 50 %. Ainsi, selon Schropp et al [5] et Nevins et al. [6], la perte osseuse peut aller jusqu’à 50 % à 12 mois après extraction de prémolaires et de molaires.

Il convient d’en conclure que c’est la zone A qui doit attirer toute notre attention afin de lui permettre de se refermer très rapidement.

Certaines options sont proposées en comblant cette alvéole avec des biomatériaux : les résultats sont variables en fonction des études et des matériaux utilisés ; en outre, le gain dans la zone A n’est pas forcément obtenu de façon reproductible, sans compter le coût et les suites opératoires engendrés par cette technique.

Alors que faire pour éviter l’inflammation dans la zone A ? Chercher à refermer rapidement l’alvéole pour une épithélialisation rapide, avec si possible un matériau autologue tout en utilisant une technique simple.

Quels lasers peuvent nous aider [7] ? La longueur d’onde est fondamentale dans la compréhension des effets sur les tissus cibles [8]. Les lasers diode et Nd:YAG sont pénétrants et vont permettre d’agir facilement dans une alvéole afin d’obtenir, selon notre protocole, une :

• désinfection [9-12] ;

• action thermique de solidification du caillot ;

• couche superficielle plus solide pour permettre une épithélialisation rapide (selon notre protocole).

Les lasers ont des effets combinés sur les tissus cibles [13, 14] : action anti-inflammatoire, augmentation de la vascularisation, développement des fibroblastes et augmentation de la production d’adénosine triphosphate (ATP) cellulaire.

Protocole clinique

L’avulsion la plus délicate et la plus conservatrice possible des tissus est réalisée : séparation de racines, mobilisation…

Dès que les racines ont été enlevées, nous procédons à l’oxygénation des tissus au peroxyde d’hydrogène à 10 volumes et, en même temps, à un curetage des tissus mous.

Un laser diode de 940 nm de longueur d’onde est utilisé et le premier travail va consister à obtenir une vasodilatation des capillaires qui bordent l’alvéole, en créant en même temps une désinfection (fig. 2).

Puis une solidification du caillot est réalisée en augmentant la fréquence et en réduisant les temps de repos (fig. 3).

Dès que le caillot est stable, une température plus élevée (par augmentation de la puissance) permet de solidifier la surface de l’alvéole afin de favoriser une épithélialisation rapide de cette dernière (fig. 4).

L’alvéole est ainsi comblée d’un matériau sanguin autologue, stable, aux grandes propriétés réparatrices. C’est ce qui permet une réparation assurément supérieure à celle observée lors d’une avulsion sans traitement.

Cas clinique n° 1

Patiente de 45 ans se présentant avec une lésion carieuse très sous-gingivale en 15. Il est décidé d’extraire cette dernière et de réaliser une préservation alvéolaire postextractionnelle avec un laser diode de 940 nm de longueur d’onde, afin de placer un implant 2 mois plus tard en ayant préservé la table vestibulaire (fig. 5 à 7).

Cas clinique n° 2

Patiente de 65 ans présentant une infection radiculaire en 11 : décision d’extraction et adjonction d’une dent en résine sur sa prothèse amovible (fig. 8 et 9).

Cas clinique n° 3

Patiente de 50 ans, gros fumeur, avec mobilité 4 sur son groupe incisivo-canin mandibulaire, décision d’extraction et réalisation d’une prothèse amovible mandibulaire (fig. 10 à 12).

Même si cette patiente n’est pas candidate à l’implantologie, nous avons préservé au maximum son os alvéolaire tout en permettant une cicatrisation et une réparation rapides et indolores.

Conclusion

Les résultats obtenus grâce à notre protocole au bout de plusieurs années d’utilisation sur 100 % des extractions traitées sont très intéressants pour nos patients : ils entrent dans le cadre d’une simplification thérapeutique réelle. Nous espérons que des études viendront les corroborer.

Le traitement des alvéoles postextractionnelles assisté par laser est un moyen intéressant d’obtenir une accélération de la cicatrisation, une désinfection et une épithélialisation rapide qui donne un volume osseux suffisant. Si une solution implantaire est envisagée, l’intervention en sera simplifiée.

Le protocole que nous décrivons s’applique également aux sites d’extraction qui nécessitent d’être comblés et désinfectés. Il peut être réalisé assez facilement par l’ensemble des omnipraticiens, sous réserve d’une formation aux techniques « laser assistées » et de l’acquisition d’une expérience suffisante.

Nous attendons des études scientifiques qui permettront de quantifier le gain de volume osseux par rapport aux alvéoles non traitées ou traitées chirurgicalement par technique de régénération osseuse guidée.

  • [1] Hong JY, Lee JS, Pang EK, Jung UW, Choi SH, Kim CK. Impact of different synthetic bone fillers on healing of extraction sockets : an experimental study in dogs. Clin Oral Implants Res 2014;25:e30-e37.
  • [2] Braut V, Belser U, Buser D. Thickness of the anterior maxillary facial bone wall.A retrospective radiographic study using cone beam computed tomography. Int J Periodontics Restorative Dent 2011;31:125-131.
  • [3] Cardaropoli G, Araújo M, Lindhe J. Dynamics of bone tissue formation in tooth extraction sites. J Clin Periodontol 2003;30:809-818.
  • [4] Araújo MG, Lindhe J. Dimensional ridge alterations following tooth extraction. An experimental study in the dog. J Clin Periodontol 2005:32:212-218.
  • [5] Schropp L, Wenzel A, Kostopoulos L, Karring T. Bone healing and soft tissue contour changes following single-tooth extraction : a clinical and radiographic 12-month prospective study. Int J Periodontics Restorative Dent 2003:23:313-323.
  • [6] Nevins M, Camelo M, De Paoli S, Friedland B, Schenk RK, Parma-Benfenati S et al. A study of the fate of the buccal wall of extraction sockets of teeth with prominent roots. Int J Periodontics Restorative Dent 2006:26:19-29.
  • [7] Rey G, Missika P. Traitements parodontaux et lasers en omnipratique dentaire. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2010.
  • [8] Rey G, Missika P. Les lasers et la chirurgie dentaire. Rueil-Malmaison : CdP, 2010.
  • [9] Schneider D, Hinze M, Wachtel H. Dimensional alterations of extraction sites after different alveolar ridge preservation techniques – a volumetric study. J Clin Periodontol 2013;40:721-727.
  • [10] Lindhe J, Cecchinato D, ­Donati M, Tomasi C, Liljenberg B. Ridge preservation with the use of deproteinized bovine bone mineral. Clin Oral Implants Res 2013 (accepté pour publication).
  • [11] Araujo MG, Liljenberg B, Lindhe J. Dynamics of Bio-Oss collagen incorporation in fresh extraction wounds : an experimental study inthe dog. Clin Oral Implants Res 2010:21:55-64.
  • [12] Gutknecht N. Der Diodenlaserund seine bakterizideWirkungimWurzelkanal. Eine in vitro studie. Endodontie 1997;3:217-222.
  • [13] Maleca T. Intérêt de l’utilisation des lasers erbium en chirurgie muco-gingivale. Lasers et stomatologie 2013;57:15.
  • [14] Moritz A, Shoop U, Shauer P. Treatment of periodontal pockets with a diode laser. Lasers Surg Med 1998:22:302-311.