Enquête
« L’hypnose a révolutionné mon exercice depuis 6 ans », affirme Philippe Bleicher qui exerce à Haguenau, en Alsace. Sa première approche de l’hypnose n’a pourtant pas été concluante. À la fin d’une journée de formation à laquelle il s’était inscrit, il explique qu’il a terminé le cursus pour sa culture générale mais qu’il a eu du mal à y croire parce que...
« L’hypnose a révolutionné mon exercice depuis 6 ans », affirme Philippe Bleicher qui exerce à Haguenau, en Alsace. Sa première approche de l’hypnose n’a pourtant pas été concluante. À la fin d’une journée de formation à laquelle il s’était inscrit, il explique qu’il a terminé le cursus pour sa culture générale mais qu’il a eu du mal à y croire parce que « ça n’a pas marché » sur lui. Pourtant, il tente d’appliquer sur ses patients les éléments appris. Le résultat le surprend. « J’ai trouvé cette technique d’une efficacité étonnante et tellement bénéfique ! Elle m’a énormément aidé dans mon exercice. Et cela apporte beaucoup aux patients. Des séances auparavant inenvisageables avec certains ont pu avoir lieu », raconte-t-il, enthousiaste. « Il ne faut aucun don. C’est une façon d’être au fauteuil que les patients ressentent. Le fait d’utiliser un langage différent les met dans une autre situation. Il est inutile de leur parler des détails techniques de l’intervention. Évoquer leurs vacances leur convient bien mieux. Cette façon de détourner leur attention permet de contourner bien des résistances et des blocages et m’est devenue naturelle. Les séances sont décontractées. Le ton et le rythme de la parole sont aussi bons pour nous. C’est toute une attitude qui change au cabinet. » L’assistante tient un rôle important. « Il y a cinq ou six recettes dans la pratique. Mon assistante sait très bien quand elle peut intervenir et renforcer mon rôle, notamment auprès des enfants pour détourner leur attention. »
Philippe Bleicher ne ressent pas le besoin d’avertir directement ses patients de sa pratique de l’hypnose. « C’est naturel. » Des affiches dans la salle d’attente les préviennent. Il s’aperçoit aussi que de nombreux patients pratiquent la méditation ou la sophrologie qui « sont des techniques de mise en situation hypnotique, ni plus ni moins ».
Philippe Bleicher a communiqué son enthousiasme pour cette pratique aux chirurgiens-dentistes de sa région. Il a déjà mis en place avec l’organisme qui l’a formé, 5 sessions de 20 à 30 praticiens en Alsace. Une région qui est sans doute aujourd’hui celle qui compte le plus de praticiens formés à l’hypnose !
C’est la curiosité qui a poussé Laurence Marchand, assistante dentaire, à se joindre à une dizaine de chirurgiens-dentistes venus se former à l’hypnose. « J’ai été très étonnée de ce que j’ai vu et entendu. Et j’ai pensé que cela pouvait être utile aux assistantes dentaires et aux patients. » Son chirurgien-dentiste ne pratique pas l’hypnose et ne souhaite pas que son assistante utilise cette technique pendant les soins. Mais il accepte volontiers qu’elle organise sa propre consultation dans le cabinet dentaire, en dehors des heures de rendez-vous. « Je reçois les patients qui me le demandent ou qui ont des coups de frayeur. Je m’intéresse plus particulièrement aux enfants parce que leur phobie du cabinet dentaire est un réel souci. C’est pour eux un réflexe de défense. On n’arrive pas toujours à les soigner, même avec le MEOPA. »
La consultation se déroule généralement en trois rendez-vous avec l’enfant et au moins un parent. Lors du premier rendez-vous, « l’objectif est de cerner le contexte familial, les principes, les valeurs et les croyances. Mon but est de passer du cap de la phobie vers la peur, puis de la peur vers la crainte et de la crainte vers le possible, mais sans déranger le schéma familial », explique Laurence Marchand. Lors du deuxième rendez-vous, un objet apporté par la famille occupe la consultation. Cela peut être, par exemple, une chaussure de sport qui symbolise une réussite de l’enfant. « Ensemble, nous regardons comment utiliser cet objet pour que l’enfant réussisse à être soigné le jour J. » La troisième séance est centrée sur la visite du cabinet. Le petit patient s’installe au fauteuil, vérifie son fonctionnement et envisage avec l’assistante comment utiliser l’objet qu’il aura dans les mains au fauteuil quand le praticien sera là. « Il arrive qu’au cours de l’une des trois séances de préparation, je m’aperçoive que je ne pourrai rien faire. Je propose alors une autre solution à la famille. Mais cette méthode a toujours marché pendant la consultation dentaire. C’est une très grande satisfaction pour moi de voir un enfant parvenir à surmonter sa phobie et de l’amener au fauteuil au bout de deux ou trois séances d’hypnose. Cela m’apporte un profond bien-être. », conclut Laurence Marchand.
C’est son intérêt pour la communication et les relations thérapeutiques qui a conduit Vianney Descroix à la pratique de l’hypnose. « Les notions de congruence et d’empathie reprises par les hypnothérapeutes, l’impact important des mots pour entrer en relation avec un patient, m’ont attiré. »
Aujourd’hui, Vianney Descroix utilise l’hypnose dans sa consultation de douleur chronique qui occupe 90 % de sa pratique. Elle bénéficie notamment aux patients qui ne veulent pas prendre de médicaments contre leurs douleurs car ce sont généralement des antidépresseurs ou des antiépileptiques dont ils ne veulent pas être dépendants. « Dans le cadre de l’Assistance publique, ces patients peuvent avoir accès à des méthodes alternatives et complémentaires (MAC). L’hypnose en fait partie à côté de l’acupuncture, de la médecine chinoise ou encore du Qi Gong. On propose ainsi aux patients douloureux chroniques, souvent assez anxieux, fatigués, tristes et déprimés, de modifier la façon dont ils perçoivent leur douleur », explique Vianney Descroix. « Ce n’est pas une technique révolutionnaire ; nous ne traitons pas la douleur chronique », prévient le praticien. « Mais les patients vont mieux, au moins le temps d’une consultation. Ces séances leur apportent autre chose, une sensation de légèreté, de lâcher prise. Ils apprennent à faire de l’autohypnose pour être un peu autonomes. »
« Les techniques d’hypnose bien appliquées dégagent des réactions émotionnelles et des changements chez les patients qui ne sont pas anodins. Recevoir les confidences d’un patient, cela s’apprend », prévient cependant Vianney Descroix. Ce praticien mesure alors l’importance pour le praticien de recevoir une bonne formation à l’hypnose, « qui ne soit pas seulement technique mais qui permette de gérer l’émotion et le relationnel ».
« Je pratique aussi l’hypnose au bloc opératoire avec des patients très phobiques ou lorsque le chirurgien ne veut pas opérer sous anesthésie générale. Le travail de dissociation sera important pour que, au lieu de se sentir au bloc opératoire, les patients se sentent dans un pré, à la montagne… afin que le chirurgien puisse opérer tranquillement. Ce n’est pas vérifié scientifiquement mais on me dit que la cicatrisation est meilleure. Les patients ont l’air mieux en postopératoire. Les chirurgiens sont très surpris car ils ne sont pas habitués à avoir des patients qui sont “ailleurs” au moment de l’opération. Cela met aussi une ambiance particulière, très reposante pour tout le monde au bloc, car personne n’ose parler ! »