Le nouveau complexe d’odontologie de Clermont-Ferrand, situé au cœur du nouvel hôpital d’Estaing (NHE), abrite enseignement, recherche et exercice dentaire tout à la fois. Une expérience probante qui mise sur une formation de qualité et l’exercice d’une mission de santé publique.
Un paquebot au pied des volcans d’Auvergne. La structure est une œuvre architecturale en soi, où l’UFR et le service d’odontologie coexistent au cœur de l’hôpital Estaing. Il s’agit là d’un partenariat entre le centre hospitalier universitaire (CHU) et l’université d’Auvergne (UdA) qui renforce et complète ainsi la dimension hospitalo-universitaire fondamentale du site. « Le CHU de Clermont-Ferrand est un des rares sites où l’odontologie est pleinement prise en considération », assure Thierry Orliaguet, chirurgien-dentiste chef du service et ancien doyen de la faculté – depuis décembre 2013, c’est Stéphanie Tubert-Jeannin qui a repris le flambeau. Il lui aura fallu beaucoup d’opiniâtreté et d’enthousiasme pour que ce projet voie le jour. « Sans l’acharnement de Thierry Orliaguet, on n’y serait jamais arrivés, reconnaît Christine Rougier, la directrice de l’hôpital Estaing, qui s’est également beaucoup impliquée et a accompagné le projet. Il n’a jamais lâché et a su fédérer une équipe. Le service d’odontologie est certainement, au niveau national, ce qui existe de mieux. » Pensée par Gazeau Architectes, la structure a été conçue pour que circulation et lumière facilitent la prise en charge des patients, la formation des étudiants et l’exercice des enseignants-chercheurs et des praticiens. Ses 10 000 m2 sont répartis sur 3 étages et 1 sous-sol, où chaque espace a sa raison d’être et s’accorde avec l’autre. D’un côté du bâtiment la faculté, de l’autre le service d’odontologie. L’aspect extérieur marie volumes et délicatesse du rideau de guirlandes métalliques qui recouvre toutes ses façades – une création originale qui la distingue du reste de l’hôpital.
Jusque-là, l’UFR d’odontologie et le service d’odontologie se trouvaient en plein centre-ville, sur le site de l’ancien Hôtel-Dieu, hôpital historique de Clermont-Ferrand. Les bâtiments étant vétustes, il était temps de lui redonner un second souffle. Lorsque Thierry Orliaguet est élu doyen de la l’UFR d’odontologie en 2003, il se lance dans l’aventure. Celle de construire l’équivalent sur un site approprié, plus moderne. « Il m’a semblé important que cette spécialité ne reste pas isolée et vienne rejoindre les autres spécialités médicales, dans un environnement hospitalo-universitaire et médical. Pendant 3 ans, j’ai essayé de convaincre les politiques, les ministères, les instances universitaires… » Il aura fallu près de 4 ans pour que les différentes parties, tutelles et politiques, adhèrent au projet. Puis 3 années supplémentaires pour trouver les financements. Coût total de l’opération, hors équipements : 26,5 millions d’euros, dont 18 millions pour la faculté et 8,5 millions pour le service hospitalier. La première pierre est posée en janvier 2012. Il faut presque 2 ans pour que le nouveau complexe d’odontologie voie le jour. En janvier 2014, le service d’odontologie, puis l’UFR ouvrent leurs portes. Leurs deux entrées distinctes en font deux espaces clairement identifiés, qui s’interpénètrent avec une conviction commune : l’odontologie est une affaire de santé publique.
Dirigé par Thierry Orliaguet, le service d’odontologie occupe la partie basse du navire. L’intégralité du bâtiment est accessible pour les personnes en situation de handicap : rampes d’accès, ascenseurs, larges passages. La circulation se fait à partir d’une plate-forme d’accueil où les patients sont dirigés vers le secteur, identifiable par sa couleur, qui correspond à leur type de prise en charge. Violet, gris, bleu, vert, quatre couleurs pour quatre parcours distincts. « On a essayé de créer des entités autonomes dans le fonctionnement », spécifie Thierry Orliaguet. Le secteur violet est réservé aux praticiens hospitaliers et aux internes, avec 15 fauteuils de consultation dans des cabinets particuliers dont 4 réservés à l’orthopédie dento-faciale. Un laboratoire, équipé de matériel de dernière génération, abrite 16 postes pour les étudiants et 2 postes pour les prothésistes du service qui assurent la fabrication des prothèses. L’activité chirurgicale, avec 2 blocs opératoires, 1 salle de repos et 1 salle de distribution de matériel, est installée dans le secteur aux tons gris. Les patients à besoins spécifiques sont reçus dans un espace réservé, isolé, calme, avec 3 fauteuils, équipés pour des soins sous sédation, dans des pièces spacieuses ? qui permettent également d’accueillir des patients venus, en brancard, d’autres services. Les interventions sous sédation par midazolam ou sous anesthésie générale se font dans un environnement adapté, à l’hôpital de Riom, situé à une dizaine de kilomètres. Quant aux interventions de chirurgie orale sous anesthésie générale, elles ont lieu au bloc chirurgical du CHU, dans un bâtiment voisin.
Enfin, dans le secteur bleu, la salle pour la permanence des urgences, avec 5 fauteuils, abrite également un cone beam et une radiographie panoramique, qui sont à la disposition de tout le service. Quant à la stérilisation, elle est effectuée dans la stérilisation centrale de l’hôpital.
Depuis l’ouverture du service, 400 patients environ, tous âges confondus, sont enregistrés quotidiennement. La patientèle vient de toute l’Auvergne dans l’Unité de permanence des soins ou pour les actes chirurgicaux. L’implantologie est faite dans des conditions hospitalières. « Les patients sont adressés par nos confrères de la ville et de la région. Sont accueillis également les patients hospitalisés du CHU, comme pour la recherche de causes dentaires dans certaines maladies infectieuses », poursuit Thierry Orliaguet. Enfin, le service est référent, dans un rayon de 400 km, pour les soins spécifiques des personnes handicapées, phobiques, avec des pathologies multiples ou ayant des douleurs dentaires chroniques. L’équipe compte une quarantaine de praticiens, 3 promotions de 70 étudiants stagiaires et 25 personnes indispensables au fonctionnement du service : infirmières, aides-soignantes, prothésistes, secrétaires… « Notre service est entièrement équipé d’un système informatique en réseau. Tout est mémorisé. Les interrogatoires se font sur ordinateur et tout se fait à partir de terminaux au fauteuil. Un gain d’espace et de temps qui devrait, à terme, être inestimable. » Le temps de travail des étudiants est également optimisé grâce à des conditions similaires à celle d’un cabinet high-tech dans un espace hyperlumineux où les boxes ouverts s’étendent sous les baies vitrées. Dans les 5 blocs de 8 fauteuils, soit 40 fauteuils au total, ils travaillent à 4 mains et n’ont que quelques mètres à parcourir pour aller suivre leurs cours à la faculté mitoyenne.
De l’autre côté de la structure, avec près de 400 étudiants et 60 enseignants-chercheurs, la Faculté de chirurgie dentaire s’est engagée dans une politique d’excellence tant au niveau de la formation initiale que de la recherche. La formation continue qui y est proposée fait d’elle une plate-forme d’essai, avec une portée géographique intéressante, Clermont-Ferrand étant située entre Lyon et Montpellier. De l’impressionnant amphithéâtre de 400 places, les cours peuvent être enregistrés en podcast ou retransmis en direct. Le nouveau bâtiment offre une surface plus grande que l’ancien permettant l’accueil de près de 80 étudiants en chirurgie dentaire par promotion ainsi que d’étudiants en master ou doctorat d’université. De même, le nouveau plateau technique vient renforcer les points forts de l’UFR en pédagogie : implication dans la PACES (première année commune aux études de santé), réforme des études, développement des échanges internationaux, stages en milieu professionnel, adéquation de la formation aux besoins de santé publique et initiation à la recherche. À gauche du hall, tout en béton, la partie administrative. À droite, l’espace détente pour les étudiants et la restauration. Au 1er étage, la bibliothèque de 170 m2 précède les salles informatique, multimédia et de travaux pratiques, les bureaux des enseignants et la « salle Fantôme » avec ses 80 patients fantômes, sortes de robots installés au fauteuil sur lesquels les étudiants simulent des soins. Dans la vaste salle, des outils pédagogiques spécifiques sont mis à disposition des étudiants avec des postes de travail informatisés permettant d’utiliser des logiciels d’aide à la décision thérapeutique ou des systèmes vidéo bientôt capables d’évaluer le travail réalisé par les étudiants.
Stéphanie Tubert-Jeannin, chirurgien-dentiste, professeur de santé publique et doyenne de l’UFR, a géré avec les équipes de l’université et de l’UFR l’emménagement dans ces nouveaux locaux. Elle insiste sur le caractère fondamental de la recherche : reconnue pour répondre au caractère universitaire de la discipline odontologique, c’est l’un des principaux prérequis de la formation des futurs cadres hospitalo-universitaires. De ce fait, dans le cadre du contrat quadriennal 2012-2016 de l’Université d’Auvergne, 2 laboratoires ont été habilités au sein de la faculté : le Centre de recherche en odontologie clinique (CROC), équipe d’accueil de l’université d’Auvergne, et l’unité mixte de recherche (UMR) INSERM 1107, axée sur la « neurobiologie de la douleur trigéminale ». La doyenne reste formelle : « D’un côté, il y a un lien entre la recherche et l’enseignement, de l’autre un lien entre la recherche et la clinique. La recherche est au cœur de l’enseignement et du soin. »
L’UFR d’odontologie de Clermont-Ferrand est caractérisé, depuis 40 ans, par la forte volonté de ses équipes de direction successives de développer l’odontologie universitaire en s’appuyant sur la recherche et la clinique hospitalière. Chacun au sein de l’établissement s’implique ainsi dans les trois missions du nouveau complexe d’odontologie – clinique, enseignement et recherche –, qui sont liées et conjuguées. Le fait d’être sur un même site a un sens et constitue un point fort. Cela permet une grande cohérence dans les activités, les implications. Le déménagement vers le nouveau complexe a permis de renforcer une telle interaction en offrant plus d’espace et un plateau technique moderne.
Le centre de recherche en odontologie (CROC, équipe d’accueil 4847) et l’équipe « Douleur trigéminale et migraine » de l’Unité mixte de recherche (UMR) 1107 Université/ INSERM se partagent le 2e étage autour d’un toit végétal. Dirigé par Martine Hennequin, qui intervient également dans l’unité de soins spécifiques du service d’odontologie, le CROC a deux volets de recherche. Le premier, axé sur la mastication, étudie les liens entre la mastication, l’état bucco-dentaire et la nutrition. Le second a une orientation de santé publique avec différentes sortes de recherches, notamment sur la question de l’accès des patients à la prévention ou aux soins dentaires. L’équipe dirigée par Radhouane Dallel est l’une des rares en Europe à associer recherche clinique et préclinique sur les douleurs de la bouche, de la face et de la tête. Son objectif est d’améliorer la qualité de vie de patients souffrant de douleurs aiguës inflammatoires orofaciales, de douleurs neuropathiques trigéminales et de migraines chroniques. Elle utilise des techniques innovantes dans le domaine des neurosciences permettant d’étudier le fonctionnement du cerveau en condition normale et pathologique.
Comment s’est opéré le transfert de l’UFR ?
Les enseignants, le personnel et les étudiants ont fait preuve de motivation, d’investissement et de positivité pendant cette période. Nous avons pu ainsi rapidement reprendre notre fonctionnement de façon optimale.
Quel bénéfice pour l’odontologie en général ?
L’évolution des équipes dans ce nouveau bâtiment doit servir à l’amélioration de la santé bucco-dentaire de la population par la formation de chirurgiens-dentistes capables de procurer des soins préventifs et curatifs de qualité, fondés sur l’évidence scientifique et adaptés aux besoins et demandes des patients.
Quel est votre rôle au sein de l’UFR ?
Afin d’assurer au mieux mes missions de direction et de coordination, je continue mes activités d’enseignement et de soins pour rester en contact avec les étudiants. Même chose pour mes activités de recherche : je fais partie d’un des laboratoires de recherche de la faculté où j’anime une équipe de chercheurs en épidémiologie et santé publique.