Endodontie
Chirurgien-dentiste
Exercice limité à l’endodontie
2, rue de l’humilité
69003 LYON
Comme nous l’écrivions en 2005 [1, 2] : « L’extirpation d’instruments brisés dans un canal radiculaire est, dans la plupart des cas, difficile et représente sans doute la procédure la plus complexe (et la plus redoutée des chirurgiens-dentistes) lors de retraitements endodontiques. »
Huit ans après, cette affirmation semble toujours d’actualité. Nous avons voulu savoir ce qu’il en était de notre pratique personnelle. Quel est le taux de réussite dont nous pouvons nous prévaloir dans notre exercice limité à l’endodontie ? De même, quels sont les paramètres qui influent sur cette intervention ?
Nous avons repris notre logiciel créé en 1998 et qui nous avait permis quelques publications [3-7]. Cependant, il n’est pas suffisamment complet en ce qui concerne le diagnostic et, particulièrement, le retraitement. Nous avons donc décidé, début janvier 2013, de créer un simple tableau Excel® pour les instruments fracturés que nous aurions à traiter en 2013. Nous présentons dans cet article les données recueillies, les résultats bruts et affinés, et nous les discutons avant de conclure.
Comme nous l’avons dit précédemment, nous avons créé un tableau Microsoft® Excel® pour recueillir différentes données nous semblant importantes :
• le numéro de rang ;
• la date ;
• le nom et prénom du patient ;
• le numéro de dossier Radio Visio Graphie (RVG) ;
• le sexe ;
• l’âge en années ;
• le numéro de dent ;
• le canal (pour les pluriradiculées) ;
• la longueur du fragment ;
• le type d’instrument. Nous en avons déterminé 5 : lentulo, lime K, thermocompacteur de Mac Spadden, en nickel-titane, racleur ;
• la qualité de la cavité d’accès initiale ;
• la localisation dans le canal par rapport à la courbure. Nous avons déterminé 5 zones : apex (pour les canaux relativement droits sans courbure), après la courbure, avant la courbure, dans la courbure, transfixe pour les instruments qui dépassent l’apex ;
• la sortie de l’instrument ;
• la technique d’extirpation ;
• l’utilisation de pinces de préhension ;
• la perméabilité retrouvée.
Du 8 janvier 2013 au 17 décembre 2013, nous avons traité 89 instruments endodontiques fracturés dans des canaux radiculaires. Dans le même temps, nous avons retraité (selon notre logiciel Microsoft® Access®) 469 dents, doublons supprimés (c’est-à-dire dents nécessitant plusieurs séances).
Par souci de confidentialité, la colonne « Nom et prénom du patient » a été supprimée. Toutes ces données sont regroupées dans le tableau 1 (Cf. p.252).
Tous les patients ont été adressés par leur praticien traitant habituel pour « un instrument fracturé ».
Un premier rendez-vous de 20 minutes est donné au patient. Il va permettre, après examens clinique et radiographique, de poser le diagnostic de retraitement endodontique avec fracture d’un instrument à l’intérieur d’un canal. Le plan de traitement est élaboré et expliqué au patient.
De même, une explication pour dédramatiser ce qui lui arrive est donnée :
• l’instrument fracturé n’est pas toxique en tant que tel, il s’agit d’un alliage médical ;
• il forme un obstacle au nettoyage et à la désinfection de la fin du canal.
Un pronostic est également donné, fondé sur trois hypothèses :
• l’instrument est extirpé, il n’y a plus d’obstacle au nettoyage et à la désinfection, la partie est gagnée ;
• il n’est pas possible de retirer complètement l’instrument mais il peut être contourné et, donc, la zone après l’obstacle sera nettoyée et désinfectée, le fragment instrumental sera noyé dans de la gutta-percha chaude, les deux matériaux (gutta et instrument) étant inertes, ce sera comme si l’instrument n’était plus là : la partie est également gagnée ;
• l’instrument ne peut pas être retiré ou contourné : on se retrouve au point de départ. Il faudra trouver une autre solution alternative : microendodontie chirurgicale, hémi-amputation, extraction.
Un devis détaillé est remis au patient.
Le rendez-vous de soin commence par une anesthésie de confort systématique. Puis la digue est posée, une fois l’éventuelle reconstitution coronaire découpée. Tout le reste du traitement va se dérouler sous microscope opératoire (et, bien sûr, sous digue). Les reconstitutions coronoradiculaires sont alors déposées : tenons métalliques ou fibrés, inlay-core, amalgame, etc.
Une reconstitution temporaire préendodontique est réalisée en composite collé (sur 461 dents retraitées endodontiquement en 2013, nous en avons réalisé 326, soit dans 71 % des cas). Une fois l’accès aux canaux réalisé, la dépose du ou des instruments fracturés se fait selon les protocoles cliniques décrit en 2005 [1] (c’est-à-dire la technique du by-pass) et 2006 [2] (c’est-à-dire la technique ultrasonore). Nous ne les décrirons donc pas de nouveau ici.
Chaque cas étant particulier, il est impossible de systématiser une technique par rapport à l’autre. On enlève des instruments en acier aussi bien par by-pass que par ultrasons et, de la même façon, ceux en nickel-titane ou les lentulos peuvent être retirés selon les deux protocoles (cas cliniques 1 et 2).
Nous cherchons à mettre en évidence si certains paramètres ont une influence sur la réussite clinique que nous recherchons et donc le pronostic. Pour cela nous employons le test du chi carré qui permet de comparer des moyennes et des pourcentages entre eux.
Rappel : le chi carré teste l’hypothèse nulle : il n’y a pas de différence entre les valeurs obtenues et les valeurs théoriques avec un intervalle de confiance de 95 % en fonction des degrés de liberté. C’est-à-dire que la valeur de p est supérieure à 0,05. Dans le cas contraire (p < = 0,05), c’est l’hypothèse inverse qui est retenue : il existe une différence statistiquement significative entre les 2 types de valeurs.
• Patiente de 31 ans, adressée pour « un instrument fracturé dans sa 37 et infection périapicale. »
• Anamnèse médicale : pas de problème particulier.
• Anamnèse dentaire : douleurs localisées, continues depuis plus de 1 an, qui ont déjà empêché de dormir et qui augmentent à la mastication.
• Examen clinique :
– couronne métallique de facture médiocre ;
– palpations vestibulaire positives et linguale négatives ;
– percussions axiale et transversale positives ;
– sondage parodontal et mobilité OK.
• Examen radiographique (fig. 1) :
– 2 lésions d’origine endodontique ;
– 2 instruments fracturés dont un à l’apex de la racine distal, l’autre dans la courbure d’un canal mésial.
• Anesthésie locale, découpe de la coiffe métallique.
• Pose de la digue, découpe du faux moignon, reconstitution préendodontique par composite collé et adhésif automordançant.
• Reprise de la cavité d’accès.
• Le premier morceau d’instrument (en nickel-titane) fracturé dans le canal disto-vestibulaire est contourné par le canal disto-lingual (fig. 2) puis enlevé par vibrations ultrasonores et une radiographie est prise (fig. 3). Technique de by-pass déjà décrite [2].
• Le second instrument en nickel-titane est retiré par la technique ultrasonore avec création d’une petite plateforme de centrage et utilisation d’un insert ET 25 (Actéon Satelec) et cliché de contrôle (fig. 4).
• Fin de la préparation avec des HeroShaper 30/100 6 %, Essayage des maîtres-cônes, assèchement, thermocompactage et radiographie de contrôle (fig. 5). À noter, la racine mésiale qui présente des canaux en configuration de type III de Weine. Il est impératif dans ce cas de traiter les 2 canaux.
• Patiente de 37 ans, adressée pour « 2 lentulos fracturés dans sa 16 et douleurs ».
• Anamnèse médicale : problème thyroïdien traité par Levothyrox.
• Anamnèse dentaire : douleurs localisées, intermittentes depuis plus de 8 mois, qui ont déjà réveillé la nuit et qui augmentent à la mastication.
• La dent a déjà fait un abcès, traité par antibiotiques, il y a moins de 6 mois.
• Examen clinique :
– couronne céramo-métallique récente (1 an) ;
– palpations vestibulaire positives et linguale négatives ;
– percussions axiale et transversale positives ;
– Sondage parodontal positif et mobilité OK.
• Examen radiographique (fig. 6) :
– 2 lésions d’origine endodontique ;
– 2 lentulos fracturés dont un dans la racine palatine, l’autre dans le canal mésial. Les deux sont considérés comme « avant » la courbure.
• Anesthésie locale, découpe de la coiffe céramo-métallique.
• Pose de la digue, reprise de la cavité d’accès, reconstitution préendodontique par composite collé et adhésif automordançant.
• Le premier lentulo fracturé dans le canal palatin est enlevé par vibrations ultrasonores (insert ET 25, Actéon Satelec) et une radiographie est prise (fig. 7).
• Le second lentulo est retiré par la même technique ultrasonore et utilisation d’un insert ET 25, cliché de contrôle (fig. 8).
• Fin de la préparation avec des HeroShaper 30/100 6 %, essayage des maîtres-cônes, assèchement, thermocompactage et radiographie de contrôle (fig. 9).
• Patiente 58 ans, adressée pour « deux instruments fracturés dans sa 22. Avis sur ce qu’il convient de faire ? Retraitement endodontique ou micro-endodontie chirurgicale ? ».
• Aucune douleur.
• L’examen clinique :
• palpations vestibulaire et palatine négatives ;
• percussions axiale et transversale négatives ;
• sondage parodontal et mobilité OK.
• Examen radiographique (fig. 10) : 3 instruments fracturés dont 1 transfixiant l’apex.
• Anesthésie locale.
• Pose de la digue.
• Reprise de la cavité d’accès.
• Le premier morceau d’instrument (en nickel-titane) est enlevé par vibrations ultrasonores et une radiographie est prise (fig. 11).
• Le second (lime K) subit le même sort. Sur le cliché de contrôle (fig. 12), on voit nettement le morceau de lime K transfixiant l’apex. Les tentatives de by-pass pour le déloger restent vaines (fig. 13).
• Essayage du maître-cône (fig. 14), assèchement, thermocompactage et radiographie de contrôle (fig. 15). On note un dépassement de ciment et de gutta chaude dans le périapex, avec cependant l’image d’enrobage de l’apex qui est de bon augure.
Les 89 instruments fracturés ont été recensés sur 80 patients. En effet, 1 patient présentait 3 instruments fracturés dans la même dent (cas clinique 3) et 7 autres 2 instruments chacun (1 ayant 2 instruments dans le même canal, les 6 autres ayant un instrument fracturé dans 2 canaux différents).
À partir du tableau 1, nous ne retenons que les items « sortis » (hypothèse 1 de notre explication au patient) : on obtient un score de 72 instruments retirés, soit 80,90 %.
Sur les 17 « non sortis », nous retenons les items pour lesquels la « perméabilité apicale » a été retrouvée (hypothèse 2 de notre explication) et nous les additionnons aux 72 premiers : nous obtenons le tableau 2 : Instruments sortis et contournés.
Le taux d’instruments sortis et contournés est de 81/89, soit 91,01 %.
Les différents résultats sont résumés dans le tableau 3 : catégories observées. Nous allons les exposer ci-après.
Le sexe du patient n’a pas d’influence sur le pronostic, les valeurs de p sont supérieures à 0,05.
L’âge moyen de notre échantillon est de 42,5 ans. Nous prenons donc la valeur de 43 ans comme limite. Encore une fois, l’âge n’a pas d’influence sur notre réussite.
La répartition par mois montre quelques surprises tableau 4. Les mois de janvier, juin, septembre et décembre semblent très fastes à la dépose des instruments endodontiques fracturés. Nous obtenons en effet 100 % de taux de réussite. En revanche le mois de juillet, avec seulement 71,43 % de taux de réussite, ne l’est pas. De même novembre, avec un taux de 83,33 % de bons résultats, montre une différence statistiquement significative. La répartition par trimestre dissipe ces surprises tableau 5 (voir site internet www.editionscdp.fr/instrumentsfractures.html). Il n’y a pas de saison plus favorable qu’une autre pour retirer des instruments endodontiques fracturés !
Nous avons répertorié 5 types d’instruments : lentulo, lime K, thermocompacteur de Mac Spadden, instruments en nickel-titane et racleur. Il n’y a pas de différences pour les lentulos et les instruments en nickel-titane : le pronostic est bon. Pour les thermocompacteurs de Mac Spadden, le calcul n’a pas pu être réalisé, l’échantillon étant trop petit (< 5). En revanche, pour les limes K et les racleurs, la différence est statistiquement significative. Le taux de réussite est moins bon.
Ce qui nous intéresse ici, c’est la courbure du canal. Comme nous le disions en 2005 [1], cette notion donne un bon pronostic. Qu’en est-il réellement ?
Les données « après la courbure » et « transfixe » sont trop peu nombreuses (< 5) pour être exploitées.
La zone « avant la courbure » donne une différence statistiquement significative (100 %) par rapport à notre taux moyen de réussite. En effet, tous les instruments fracturés « avant » ont pu être neutralisés.
La zone « dans la courbure » (90 %) ne présente pas de différence statistiquement significative avec notre taux moyen.
La zone « apex », avec un taux de réussite de 70 % seulement, présente une différence statistiquement significative pour le pronostic de réussite.
La répartition des différentes dents (tableau 6) avec un échantillon trop petit pour de nombreux cas nous conduit à réaliser simplement 2 types de dents : les maxillaires et les mandibulaires. Il n’y a aucune différence statistiquement significative dans le pronostic des dents maxillaires ou mandibulaires.
Nous avons largement plus utilisé la technique utilisant des ultrasons (72 % des cas) que la technique de contournement (by-pass, seulement 28 %). Le test du chi carré ne montre aucune différence statistiquement significative sur le pronostic quelle que soit la technique employée.
Les paramètres suivants n’ont pas tous été renseignés systématiquement (en effet, il n’existe par exemple qu’un seul canal par incisive ou canine, d’où la difficulté de le nommer !).
Dans 87 % des cas (40/46), la cavité d’accès est incorrecte et pourrait être à l’origine de la fracture instrumentale. Dans ce cas, le pronostic de réussite n’est pas influencé. Dans les rares cas (6/46) pour lesquels elle est correcte, le pronostic devient très bon. Cependant, l’échantillon semble faible.
En créant, début 2013, la feuille de recueil des informations, nous pensions pouvoir relier entre eux « Cavité d’accès » et « Fragment long ». Le test du chi carré ne permet pas de vérifier cette hypothèse.
Les fragments courts sont en trop petit nombre (5).
Nous avons renseigné 8 types de canaux. Comme pour le type de dent, nous avons dû regrouper ces différents types pour avoir des échantillons suffisamment importants. Cependant, nous avons dû abandonner 4 canaux palatins et 2 vestibulo-distaux (en fait la même dent, une 35), toujours pour la même raison : échantillon trop faible. Il ne reste plus que 4 catégories. Celles-ci se répartissent sans différence statistiquement significative avec une distribution aléatoire (4 fois 25 % avec un chi carré de 0,508).
Pour le pronostic de réussite, les canaux distaux sont de moins bon augure que les trois autres occurrences.
Nous ne nous sommes servis que 5 fois de pinces de préhension pour cette année 2013, 2 fois d’un IRS 100/100 [8] et 3 fois d’un Masserann (Microméga) [9] de 120/100. Une fois de plus, ces données sont trop peu importantes pour en tirer une conclusion, même si les instruments fracturés ont été retirés.
Plusieurs points donneront lieu à discussion. Tout d’abord l’échantillonnage avec les paramètres retenus, puis la méthode statistique et, enfin, les résultats obtenus.
Comme nous l’avons dit, tous les patients sont référés par leur praticien pour un problème très spécifique que ledit praticien ne sait pas, ne veut pas ou n’arrive pas à traiter. Il est donc manifeste qu’un cabinet limité à l’endodontie concentre ce type de pathologie. Un seul opérateur, l’auteur de cet article, a traité ces différents cas. Il n’y a donc pas de variante interpersonnelle à intégrer.
Une période de 1 an peut paraître courte. Elle ne permet pas d’avoir certains cas en nombre suffisant pour les analyser statistiquement (échantillons inférieurs à 5). Cependant, en fonction de la question initiale qui est posée (quel est notre taux de réussite ?), cette période est largement suffisante pour obtenir un nombre global d’instruments traités (89) intéressant.
Les paramètres retenus l’ont été de façon un peu empirique. Les paramètres « administratifs » classiques tels les noms, prénoms, sexe, âge, numéro de dossier et date ne donnent pas lieu à discussion. Ils sont indispensables.
De même, certains paramètres « techniques » le sont également : le numéro de la dent, le type d’instrument fracturé, le niveau de fracture, l’extirpation de l’instrument, la technique employée, l’utilisation de pinces de préhension, la perméabilité apicale retrouvée.
Les trois autres paramètres (canal, cavité d’accès et taille du fragment) ont été rajoutés pour tenter de voir s’il y avait une relation entre eux.
Le choix du test chi carré, par la simplicité d’utilisation qu’il présente, apparaît comme une bonne solution. Les seules limites ne sont pas celles de la méthode mais celles de l’auteur, notamment en matière de statistiques médicales !
Nous obtenons un excellent taux de réussite (91,01 %) dans le retrait ou le contournement d’instruments endodontiques fracturés. Nous allons voir ci-après les paramètres influençant ce taux.
L’âge et le sexe n’influent en rien ce taux. De même, la date ne change rien. Dans nos résultats, nous avons voulu faire un clin d’œil humoristique.
Le type de dent, maxillaire ou mandibulaire, la technique employée n’influent non plus en rien sur les chances de retirer un instrument fracturé.
Ni la qualité de la cavité d’accès initiale, ni la taille du fragment fracturé n’ont d’influence sur l’extirpation de ce fragment.
Dans notre étude, les seuls paramètres que nous retenons sont le type d’instrument, le niveau de fracture, le type de canal.
S’il s’agit de lime K ou de racleur, les pourcentages de succès ne sont que de 84 et 83 % respectivement. S’ils présentent effectivement une différence statistiquement significative par rapport à notre taux global, ils n’en restent pas moins considérablement élevés. En additionnant les deux items (lime K + racleur), on obtient encore une différence statistiquement significative par rapport au taux global de réussite.
La localisation, ou niveau de fracture, est le paramètre le plus important. Il influe dans les deux sens. Une fracture avant la courbure est traitée avec succès dans tous les cas (100 %). Une fracture après cette courbure ou dans l’apex avec ou non transfixion présentera un pronostic bien moins bon que notre taux global. L’extirpation d’un fragment fracturé dans la courbure présente un taux de réussite classique.
Contrairement à ce que nous écrivions en 2005 [1, 2], et reprenant en cela Hülsmann et Schinkel [10] et Ward et al. [11], le canal mésio-lingual des molaires mandibulaires ne présente pas plus d’instruments fracturés que le canal mésio-vestibulaire des mêmes molaires.
En revanche, un canal distal montre une différence statistiquement significative du taux de réussite (78,57 % au lieu de 91,01 %). Or, les canaux distaux des molaires maxillaires ou mandibulaires sont plutôt d’un accès facile. Cela nécessite donc une étude plus approfondie de ces cas. Sur les 14 canaux distaux, 8 appartiennent à des molaires maxillaires et 6 à des molaires mandibulaires. On a vu ci-dessus que ce paramètre n’avait pas d’influence sur le taux de réussite. En revanche, pour notre échantillon, les niveaux de fracture sont de 4 « apex » pour les molaires mandibulaires et 1 « apex » et 1 « après » pour les molaires maxillaires. Ce taux inférieur n’est en fait pas dû au type de canal mais, encore une fois, à la localisation du fragment fracturé dans le canal.
Cet article fondé sur la preuve (evidence-based) nous permet de répondre à notre question initiale : quel est notre taux de réussite lors de la tentative d’extirpation d’un instrument endodontique fracturé et quels sont les paramètres influençant cette manœuvre ?
Ce taux, de plus de 90 %, est excellent et permet d’informer légitimement et sereinement nos patients (mais aussi nos confrères pour qui ce genre d’accident, quand il survient, est extrêmement anxiogène) que la dent n’est pas systématiquement condamnée à l’extraction.
Les facteurs les plus restrictifs sont le type d’instrument fracturé (les limes K et les racleurs ont un moins bon pronostic que les autres) et, surtout, le niveau de fracture dans le canal, la courbure étant la zone de référence. Une fracture avant la courbure présente un excellent pronostic ; dans la courbure, le pronostic reste très bon ; après cette courbure ou dans l’apex, le pronostic est forcément moins bon.
Il convient cependant de rester humble, l’extirpation d’instrument endodontique fracturé reste une tentative d’extirpation et ne réussit pas à tous les coups ! ?