Être jeune diplômé, prêt à exercer en zone rurale et ouvrir son premier cabinet dentaire avec un apport minimum n’a rien d’une gageure. Et le pari en vaut la chandelle ! C’est ce que nous démontrent Florie Duval et Laure Maillet, deux praticiennes enthousiastes et motivées, dont le rêve est devenu réalité grâce au soutien d’une commune auvergnate, Saint-Ours.
Jeune et dynamique, le cabinet dentaire municipal de Saint-Ours, dans le Puy-de-Dôme, est à l’image des deux praticiennes qui y exercent. Lumineux et simple, il répond aux besoins d’une société et d’un monde en pleine mouvance, à la désertification des soins en zone rurale et aux difficultés que la majorité des jeunes diplômés rencontrent pour financer leurs projets. Sportive et prête à relever toutes sortes de défis, Florie Duval, 28 ans, est diplômée de la faculté dentaire de Rennes. En 2010, elle vient s’installer à Clermont-Ferrand afin d’y suivre son compagnon, également jeune chirurgien-dentiste. « J’ai toujours rêvé d’embrasser un métier dans le soin. Je voulais absolument faire des études odontologiques. » Sa vie professionnelle débute avec une collaboration dans un cabinet d’omnipratique à Chamalières, dans la banlieue de Clermont-Ferrand. Très vite, elle échafaude le projet de s’installer à son compte, à la campagne. Avec un objectif : la qualité de vie avant tout.
À Clermont-Ferrand, elle a rencontré une consœur, Laure Maillet, 30 ans, qui devient son amie. Plus qu’une amie, une partenaire, puisqu’elle s’associe à son projet professionnel. Salariée dans un centre mutualiste, elle rêve aussi d’un cabinet dont elle serait seule – ou presque – maître à bord, un lieu où exercer sa passion dans un environnement qui lui ressemble. Ensemble, elles définissent un secteur autour de Clermont-Ferrand pour y chercher des installations possibles, notamment dans la région des grands parcs d’Auvergne. Leur goût commun pour le monde rural, une vie professionnelle et personnelle harmonieuse les amène petit à petit à préciser leur projet. « Il fallait que l’on trouve une opportunité dans une commune située dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) pour bénéficier d’aides. » Créées par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, les zones de revitalisation rurale regroupent des territoires ruraux qui rencontrent des difficultés particulières : faible densité démographique, handicap structurel sur le plan socio-économique. Afin de favoriser le développement local et les embauches dans ces zones, les entreprises qui souhaitent s’y implanter bénéficient d’exonérations fiscales sous certaines conditions liées notamment à l’effectif et à la nature de l’activité. Pour Florie et Laure, une telle opportunité répondait à leur désir d’indépendance d’exercice dans des zones où les habitants n’ont pas d’accès facile aux soins, et leur permettait de lancer leur activité dans les meilleures conditions possibles.
C’est Florie qui fait avancer le pion de leur aventure commune. En juin 2012, elle prend rendez-vous avec Sylvie Ligoux, maire de Saint-Ours. Très impliquée dans le développement de sa commune, elle est tout de suite intéressée. « J’avais un bâtiment abandonné sur la place de l’Église, une place que nous avons entièrement rénovée », raconte-t-elle. « C’était l’occasion de recréer de l’activité au cœur du village, car tous nos commerces sont concentrés sur la route départementale. » Avec ses 1 650 habitants – une population plutôt jeune –, le village compte déjà un cabinet infirmier, une kinésithérapeute et trois médecins généralistes. Accueillir un cabinet dentaire représentait une façon de redynamiser la vie locale. « Pour que les communes rurales s’en sortent, il faut qu’elles agissent. Le manque de présence médicale n’est pas une illusion. Plus une commune accueille de professions médicales, plus elle attire de gens et de commerces. Il faut que l’on donne les moyens d’accueillir de nouvelles professions médicales, notamment dans un bassin économique où nombre de médecins et de chirurgiens-dentistes partent à la retraite. C’est la vie qui change et c’est normal. Il faut que le monde rural s’adapte à cela, que les collectivités prennent ce problème à bras-le-corps. C’est l’avenir. » Face à l’enthousiasme de la jeune chirurgien-dentiste, la maire promet d’en parler au prochain conseil municipal juste après l’été. Le projet reçoit un accueil favorable mais la première idée est de faire cohabiter dans un même lieu cabinet dentaire et auto-école. L’idée est abandonnée assez rapidement. L’impulsion est alors donnée et le dossier monté.
Pour concrétiser le projet, un appel d’offres paraît dans la presse clermontoise. Cinq architectes concourent pour une réalisation peu aisée, notamment en hiver. Saint-Ours étant située à 815 mètres d’altitude, dans le département du Puy-de-Dôme, les hivers peuvent être rudes et enneigés. Le projet est finalement confié à Carole Porté*, architecte installée dans la région depuis de nombreuses années, qui a notamment participé à la rénovation du cœur de Clermont-Ferrand. C’est elle qui portera le projet jusque dans ses moindres détails et dans une grande écoute. L’ancienne boucherie est détruite et une extension vient redéfinir l’espace soumis à toute la réglementation pour l’accessibilité des patients handicapés et la sécurité incendie.
La machine est en marche. De leur côté, Florie et Laure prennent en charge la partie qui leur incombe : les frais d’installation, notamment l’achat de matériel technique. « On s’est révélé être des négociatrices fermes ; cela nous a donné de l’assurance. En peu de temps, nous sommes passées du statut d’étudiantes, de salariées, à celui de praticiennes indépendantes. » Si la mairie a choisi l’architecte, ce sont les praticiennes qui décident de l’installateur, ce sera GDD (Groupe dépannage dentaire). Malgré la lourdeur des démarches, les modifications à apporter et les normes à respecter, la création du cabinet dentaire suit son cours. Les jeunes diplômées signent alors un bail de location de 9 ans avec la mairie et créent une SCM (société civile de moyens).
Ce n’est que lorsque les jeunes femmes sont confrontées au choix des couleurs de peintures, aux échantillons, que le projet devient palpable : murs paprika, portes parme, stores blancs… « On avait hâte malgré le retard que prenaient les travaux. Le vrai moment de satisfaction a été le jour où on nous a remis les clés. » Le cabinet ouvre ses portes le 27 décembre 2013. « Toute la commune en a parlé », se réjouit la maire. « Bien sûr, nous sommes allées nous présenter aux médecins, aux infirmières, aux pharmaciens des environs. Aux chirurgiens-dentistes aussi : confraternels, ils ont très bien réagi », continuent les jeunes femmes. À cela se sont ajoutés une parution dans le journal local, La Montagne, et, surtout, le bouche à oreille. Pour l’heure, elles conservent un mi-temps – pour l’une sa collaboration à Chamalières, pour l’autre son emploi de chirurgien-dentiste salariée dans un centre mutualiste –, jusqu’à ce que le carnet de rendez-vous enregistre une vitesse de croisière satisfaisante. « On démarre de zéro, il faut, dans un premier temps, que l’on conserve nos salaires. » Elles partagent donc le cabinet deux jours par semaine et viennent séparément le reste du temps.
Ouvert du lundi au samedi en début d’après-midi, le cabinet peut être fier de sa façade. Elle lui confère toute son originalité, un cachet particulier qui se fond entre tradition et architecture contemporaine. Les panneaux de zinc, marron, disposés avec irrégularité font écho aux constructions en bois et à la nature environnante. Pour son premier patient, Florie reconnaît avoir été émue. « On venait de ranger nos tiroirs, on n’avait pas encore nos réflexes… » Dans l’entrée, vaste, une banque d’accueil en arc de cercle a été conçue sur mesure, c’est là également que la salle d’attente a été installée, ouverte sur les allers et venues et la vie extérieure. Les larges fenêtres privilégient un aspect lumineux et vivant.
Les praticiennes ont apporté leur touche personnelle dans chacune de leurs salles de soins équipées de fauteuils Anthos. Bleu pour le cabinet aéré de Laure ; noir, gris anthracite et violet pour celui, plus design, de Florie. Au plafond, des dalles d’éclairage LED apportent une clarté supplémentaire pour les soins comme pour l’atmosphère. Les 130 m2 accueillent également une pièce pour la panoramique Vatech, une autre pour la stérilisation avec du matériel signé Gamasonic Autoclair, Autoclave Anthos et Pentamix pour les prises d’empreintes, du mobilier Ikea et des meubles à tiroirs Tavom. À l’étage, un espace de repos. Grâce au système informatique en réseau et aux écrans aux fauteuils, Florie et Laure travaillent pour l’instant sans assistante. « Dans un second temps, nous pourrons y penser. » Leur objectif est de mettre en place un fonctionnement cohérent et de qualité en travaillant en réseau avec des orthodontistes et des implantologistes de la région, reconnus dans leurs spécialités : « Même à 60 km, nos patients iront les voir », assurent-elles.
Les touches personnelles des deux praticiennes. Patère portemanteau en vagues dans la salle de soins de l'une, chaise design noire dans l'autre, vase orange dans la salle d'attente paprika…