Clinic n° 03 du 01/03/2014

 

Qu’en dites-vous ?

Anne-Chantal DE DIVONNE  

L’Unité fonctionnelle d’odontologie et la Direction des soins infirmiers du centre hospitalier de La Chartreuse, à Dijon, prévoient d’expérimenter une délégation de compétences. Le but est de permettre à des infirmières d’aller au-delà du geste infirmier dans les soins bucco-dentaires aux patients accueillis en psychiatrie. Une démarche novatrice menée par Frédéric Denis et son équipe.

Les soignants exerçant en psychiatrie connaissent la difficulté majeure, rencontrée au quotidien, d’amener les patients à prendre soin de leur corps. C’est particulièrement vrai dans le cas de l’hygiène bucco-dentaire. La sphère orale, zone à forte valeur symbolique, est d’accès difficile tant pour le patient que pour ses aidants. C’est l’une des causes de l’état bucco-dentaire dégradé des patients psychiatriques.

DÉPISTAGE ET ACCOMPAGNEMENT

C’est pourquoi il est essentiel d’avoir une politique de prise en charge qui s’articule autour d’un dépistage précoce des lésions et d’un accompagnement à l’hygiène bucco-dentaire et aux soins. Le temps « dentiste » est souvent modeste dans les établissements psychiatriques et se limite à des vacations qui permettent tout juste de répondre à l’urgence, se traduisant fréquemment par des choix radicaux comme les extractions. Cela explique en partie le nombre important de dents extraites plutôt que soignées chez les patients psychotiques.

À l’hôpital, l’odontologiste est souvent assisté par un aide-soignant ou un infirmier dont le rôle se limite aux gestes nécessaires à l’« assistance dentaire ».

CONTRÔLE DU PRATICIEN

Aucune expérience de transfert de compétences n’a été menée à ce jour dans ce domaine où la prévention a pourtant largement fait ses preuves. L’article 51 de la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) donne désormais la possibilité d’expérimenter le transfert de certaines tâches du chirurgien-dentiste à l’infirmière sous le contrôle du praticien. Les actes les plus courants, comme la prise de radiographies, le détartrage et la fluoration topique, pourraient être délégués à une infirmière qui exercerait en présence du praticien. L’infirmière pourrait aussi effectuer d’autres gestes en l’absence du praticien : une évaluation des dépôts de plaque et de tartre, une évaluation et un enregistrement des modifications des tissus durs, des dents et des tissus parodontaux, un examen des muqueuses buccales. Elle indiquerait au chirurgien-dentiste les modifications observées.

FORMATION THÉORIQUE ET PRATIQUE

L’acquisition des compétences nécessaires à ces actes demande le respect d’une formation pratique par des stages actifs, dans l’Unité fonctionnelle d’odontologie du centre hospitalier, et théoriques, dans les instituts de formation infirmiers partenaires. Elle comporterait aussi des étapes d’évaluation et de validation des acquis structurées sous le contrôle d’un chirurgien-dentiste délégant.

Ce transfert de compétences peut apporter une valorisation au travail infirmier, une facilité d’accès aux soins pour le patient et une optimisation du temps « dentiste » qui, lui, pourra se consacrer à des actes plus complexes.

LONG CHEMIN

Le centre hospitalier de La Chartreuse s’est engagé de façon volontariste dans ce projet. Le protocole de transfert de compétences est en cours de rédaction. Il est soutenu par l’Agence régionale de santé de Bourgogne, qui a déjà validé des protocoles de coopération. Le chemin est long. Différents niveaux de validation (Agence régionale de santé, ordres professionnels, Haute Autorité de santé) confrontent les promoteurs de ce projet à une dépense d’énergie difficilement compatible avec l’exercice quotidien !