Clinic n° 01 du 01/01/2014

 

Juridique

L’Ordre mène actuellement une grande campagne de communication pour contrer la position adoptée par le ministère en ce qui concerne l’exercice en société d’exercice libéral (SEL). La question est la suivante : un chirurgien-dentiste associé d’une SEL peut-il exercer à titre individuel en dehors de celle-ci ?

Pour le ministère, aucune disposition du Code de la santé publique (CSP) ne vient limiter le droit, pour un chirurgien-dentiste, d’exercer à la fois à titre libéral et dans le cadre d’une SEL, à l’inverse des médecins et des sages-femmes (art. R. 4113-3 du CSP). Il rappelle également qu’un chirurgien-dentiste exerçant à titre individuel peut disposer de deux exercices professionnels, quelle qu’en soit la forme (art. R. 4127-272 du CSP).

Pour l’Ordre, la réponse est inverse. Il soutient que le Code de la santé publique contient des dispositions faisant obstacle à ce qu’un praticien exerce à la fois au sein d’une SEL et à titre individuel. Il cite à ce titre les dispositions relatives à l’instruction des demandes d’exercice sur un site distinct de l’exercice professionnel habituel et soutient que lorsqu’un professionnel exerce au sein d’une SEL, c’est celle-ci qui fait la demande d’ouverture d’un site distinct (art. R. 4113-24 du CSP).

Que faut-il en penser ? Affirmer qui du ministère ou de l’Ordre a raison serait présomptueux et laissons au juge le soin de trancher ce débat. Dans l’attente, essayons de clarifier juridiquement les choses : l’argument du ministère est-il fondé ? La loi du 31 décembre 1990 constitue le socle autorisant une profession réglementée à exercer par le biais d’une SEL. Dans son article 21, elle précise que les conditions d’application de la loi sont fixées par décrets pris après avis des organismes chargés de représenter chaque profession (les ordres). L’article 21 précise notamment que ces décrets « peuvent […] prévoir qu’un associé n’exerce sa profession qu’au sein d’une seule société d’exercice libéral et ne peut exercer la même profession à titre individuel ou au sein d’une société civile professionnelle ». Pour les chirurgiens-dentistes, c’est un décret du 29 juillet 1992 qui fixe les conditions. Or, à aucun moment ce décret ne prévoit une telle interdiction. À l’inverse, les décrets propres aux professions de médecin et de sage-femme prévoient expressément cette interdiction. À ce titre, il est tout à fait légitime pour le ministère de soutenir que l’interdiction de cumul prévue au Code de la santé publique pour les médecins et les sages-femmes ne concerne pas les chirurgiens-dentistes qui peuvent donc exercer à titre individuel et au sein d’une SEL. À l’inverse, l’argument de l’Ordre nous apparaît sans incidence sur le débat. En effet, le fait qu’il existe des dispositions propres aux SEL pour demander une autorisation d’exercer sur un site distinct ne vient pas remettre en cause le principe de cumul. Dans l’hypothèse où une SEL souhaite ouvrir un cabinet secondaire, elle devra suivre la procédure prévue à l’article R. 4113-24 du Code de la santé publique. Mais si un associé d’une SEL veut exercer à titre individuel à l’extérieur de celle-ci, c’est bien lui qui en fait la demande et non la SEL. Sa demande reposera alors sur les dispositions de l’article R. 4127-270.

À RETENIR

Comme l’interprète le ministère, aucune disposition du Code de la santé publique ne fait obstacle à un cumul d’activités libérales à titre individuel et au sein d’une SEL. Sachez seulement que si vous envisagez ce cumul, l’Ordre amené à autoriser les sites d’exercice distinct refusera, conformément à sa doctrine. Votre seule solution résidera alors dans la saisine du juge administratif. La patience vient à bout de tout…