Clinic n° 09 du 01/09/2016

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Une profession structurée, technique et reconnue par un diplôme de doctorat pourrait-elle se faire traiter (et exploiter…) comme le premier chauffeur de VTC venu ?

Effectivement, notre profession est bien implantée, structurée par un Code de la santé publique voté par la représentation nationale. L’application de ce code est vérifiée par un Ordre omniprésent. Les attaques que nous subissons se trouvent contrées par des syndicats et nos actes sont codifiés et décrits...


Une profession structurée, technique et reconnue par un diplôme de doctorat pourrait-elle se faire traiter (et exploiter…) comme le premier chauffeur de VTC venu ?

Effectivement, notre profession est bien implantée, structurée par un Code de la santé publique voté par la représentation nationale. L’application de ce code est vérifiée par un Ordre omniprésent. Les attaques que nous subissons se trouvent contrées par des syndicats et nos actes sont codifiés et décrits par une CCAM précise.

Fort bien, donc, comment mettre tout cela dans un smartphone ?

Reprenons les propositions idéales formulées en introduction :

• notre diplôme est de plus en plus galvaudé car « délivré », pour ne pas dire vendu (30 % des nouveaux inscrits à l’Ordre en 2015), par des universités étrangères au niveau d’exigence… aléatoire ;

• le Code de la santé publique existe, certes, et il y a encore des gens pour s’y référer, mais l’actualité nous montre que si l’on est une organisation assez puissante, il est possible de s’en affranchir, avec les félicitations du Gouvernement et des médias ;

• tout est fait pour casser le pouvoir de l’Ordre, garant de l’indépendance de notre profession. Et de nombreux confrères, manipulés par des informations ridicules et fallacieuses, agacés par le montant de la cotisation ordinale, souhaitent sa disparition. Sans se rendre compte que son remplacement par les agences régionales de santé serait la première étape de l’étatisation de la médecine en France ;

• comme il était à craindre, le pouvoir a réussi à diviser nos syndicats, s’ouvrant par là même de belles occasions de négociations unilatérales.

Sans que l’on s’en rende vraiment compte, notre profession passe peu à peu au broyeur administratif. Si le cours des événements ne se renverse pas, les pouvoirs publics, ravis de l’aubaine, vont vite trouver face à eux un Ordre impuissant, des syndicats divisés et incapables, et des praticiens étiquetés plutôt que diplômés, dont la principale préoccupation sera de rembourser les énormes emprunts étudiants ayant servi à financer leurs études.

Qui pourra alors empêcher une « entreprise » de pousser une partie de ces praticiens vers un exercice ultra-spécialisé (économies de matériel) au sein de cabinets de groupes (économies d’échelle) répartis autoritairement sur le territoire, puis de les répertorier dans une base de données accessible depuis un smartphone ? Le règlement des honoraires, imposés au plus bas niveau par le prestataire, se fera en ligne et d’avance, après élaboration d’un devis/plan de traitement, la plateforme de réservation prélevant au passage un pourcentage, et les praticiens seront notés par leurs clients, ce qui décidera de leur avenir au sein du système.

S’il y a trop de mécontents, ils disparaîtront !

Mais au fait, tout cela est déjà formalisé, il ne reste plus que le logo sur l’écran. À quand une appli « Santésombre » pour iOS et Android ?

P.S. : Googlelisez donc « CMA Justice »… les avocats y sont déjà !