PARODONTIE
Anne-Claire MARSDEN* Zahi BADRAN** Christian VERNER*** Jérôme GUICHEUX**** Pierre WEISS***** Assem SOUEIDAN****** Xavier STRUILLOU*******
Mieux que la réparation, le but ultime du parodontologiste est d’obtenir une régénération parodontale ad integrum. Les avancées récentes en ingénierie tissulaire, en particulier l’isolement des cellules souches mésenchymateuses (MSC, mesenchymal stem cell), la biologie des facteurs de croissance et le développement de polymères biodégradables ont favorisé la mise en place de nombreux protocoles d’études de plus en plus pertinents dans l’espoir de régénérer le parodonte.
Nous allons ainsi recueillir et analyser les différentes études cliniques concernant la régénération parodontale à l’aide de cellules souches mésenchymateuses et de biomatériaux sur modèles humains ou animaux.
La stratégie de recherche d’études cliniques a été réalisée par l’intermédiaire de bases de données électroniques et de recherches manuelles. En tout, 25 articles ont été sélectionnés sur les 454 initialement identifiés. Cependant, la majorité des études retenues possèdent le niveau de preuve le plus faible selon la Haute Autorité de santé (HAS). Nous avons souhaité procéder à l’analyse des résultats en incluant la totalité des études puisque notre but n’était pas de réaliser une analyse de forte puissance mais, plutôt, de recenser et d’analyser les études disponibles à l’heure actuelle.
À travers un tableau comparatif des études cliniques sélectionnées (tableau 1), nous avons pu observer une grande variété de combinaisons de cellules souches associées à divers biomatériaux. Ainsi, il nous a paru intéressant de les classer selon le type de cellules souches utilisées (fig. 1) puis selon le type de biomatériaux utilisés (fig. 2). Nous avons alors constaté que les cellules souches du ligament alvéolo-dentaire étaient de loin les plus étudiées, représentant 40 % du nombre total des études. Quant aux biomatériaux, le collagène est la matrice la plus utilisée (fig. 2).
Feng et al. [6] ont été les premiers à associer des cellules progénitrices du ligament alvéolo-dentaire (PDLSC, periodontal ligament stem cells) à du carbonate de calcium et à les transplanter dans un défaut intra-osseux chez 3 patients souffrant de parodontite chronique. Pendant une durée de 72 mois, ils ont pu observer un gain d’attache clinique avec une réduction de la profondeur des poches ainsi qu’une amélioration des récessions.
Une régénération tissulaire est également constatée dans les études animales [2-4]. Que les cellules souches soient associées à du collagène, à de l’acide polyglycolique (PGA, polyglycolic acid) ou encore à de l’acide hyaluronique, puis implantées dans des défauts intra-osseux à 1 ou 2 parois ou avec des atteintes de furcations classe II ou III, les différents auteurs s’accordent à dire qu’une amélioration est notable en termes de largeur et d’épaisseur de l’os, du cément et du ligament, lui-même composé d’une orientation correcte des fibres de Sharpey [15, 16, 19, 20, 24].
Toutefois, l’étude de Nakahara et al. évoque une capacité limitée des cellules progénitrices du ligament alvéolo-dentaire à régénérer les trois tissus composant le parodonte [17].
Les cellules souches de moelle osseuse (BMSC, bone marrow stem cell) sont surtout employées sur modèle animal. Il n’existe, à ce jour, qu’une étude réalisée sur l’homme : une personne atteinte de parodontite chronique. Au bout de 1 an, Yamada et al. ont pu observer une amélioration radiologique et clinique en termes de profondeur de poche, de gain d’attache ainsi qu’une disparition du saignement et des mobilités dentaires [9]. Quant aux études animales, l’utilisation des BMSC montre qu’elles permettent une meilleure régénération tissulaire [25], même si certains auteurs déplorent une régénération osseuse limitée [12, 18].
Même si certaines études concluent sur la capacité des cellules souches de la pulpe dentaire (DPSC, dental pulp stem cell) à favoriser une génération osseuse et une néovascularisation, Khorsand et al. ont constaté des résultats très différents avec une capacité osseuse limitée [13].
L’efficacité d’une thérapie cellulaire à partir de fibroblastes autologues de la gencive a été évaluée dès 1995 par Feng et al. qui ont observé une réduction de la profondeur de poche, un gain d’attache ainsi qu’une augmentation de densité osseuse [8]. Une quinzaine d’années plus tard, Fawzy El-Sayed et al. ont obtenu des résultats très encourageants avec les cellules souches dérivées de la gencive (GMSC, gingival mucosa stem cell) [5].
De plus en plus étudiées, les cellules souches mésenchymateuses de la papille apicale (SCAP, stem cells of apical papilla) ont été cotransplantées avec des cellules progénitrices du ligament alvéolo-dentaire sur une trame de gélatine dans des ?alvéoles immédiatement après des extractions dentaires chez 6 cochons dans le but de régénérer la racine et son parodonte [11]. Sonoyama et son équipe ont réussi à obtenir, au bout de 3 mois, une racine dentaire avec son parodonte associé. Toutefois, plus d’études de plus forte puissance doivent être menées avant de pouvoir en tirer des conclusions valides.
En 2008, Yamamiya et al. ont mené une étude sur 30 patients souffrant de parodontite chronique [1]. Après une période de 1 an, les résultats étaient satisfaisants cliniquement et radiologiquement. De même, sur un échantillon plus faible (3 hommes), Okuda et al. ont pu observer, au bout de 6 mois, une réduction de la profondeur de poche de 6 mm en moyenne ainsi qu’un gain d’attache de 4,3 mm [7].
L’utilisation des cellules souches adipositaires (ASC, adipose tissue-derived stem cell) en régénération parodontale semble très attrayante. En 2013, Tobita et al. en ont implanté avec du plasma riche en plaquettes (PRP, platelet rich plasma) dans des défauts parodontaux sur modèles canins [14]. Au bout de 2 mois, les analyses ont confirmé une régénération tissulaire supérieure dans le groupe test que dans le groupe contrôle.
Une grande partie des études a montré qu’en présence de cellules souches mésenchymateuses, les formations osseuses, cémentaires et ligamentaires avec une orientation correcte des fibres de Sharpey étaient plus importantes dans les groupes tests que celles des groupes contrôles.
Même si les études sélectionnées sont de faible puissance, nous pouvons conclure, à travers cette analyse, sur l’avenir certain des cellules mésenchymateuses en régénération parodontale. Cela étant, il est indispensable de réaliser davantage d’études de plus forte puissance afin d’en tirer des conclusions plus probantes.