Clinic n° 06 du 01/06/2016

 

BIOMATÉRIAUX

Bruno PELISSIER*   Thomas TARRIDAS**   Elsa BRUGEAUD***   Bertrand HEMMI****  


*UFR d’Odontologie de Montpellier,
545 avenue du Pr Jean-Louis Viala,
34193 Montpellier Cedex 5
**UFR d’Odontologie de Montpellier,
545 avenue du Pr Jean-Louis Viala,
34193 Montpellier Cedex 5
***UFR d’Odontologie de Montpellier,
545 avenue du Pr Jean-Louis Viala,
34193 Montpellier Cedex 5
****UFR d’Odontologie de Montpellier,
545 avenue du Pr Jean-Louis Viala,
34193 Montpellier Cedex 5

Au fil des années, les fabricants ont cherché à rendre les systèmes adhésifs plus simples et plus fiables, tout en gardant les mêmes propriétés. Des adhésifs universels ont donc été proposés et montrent un réel intérêt dans leur polyvalence à être utilisé comme MR, SAM ou de façon combinée. Pour cette étude sur l’adhésion, nous avons utilisé le Peak Universal Bond® d’Ultradent et nous l’avons comparé à 6 autres adhésifs universels par le macro-test en cisaillement. Les résultats montrent des valeurs différentes car certains adhésifs semblent moins tolérants. Une adhésion efficace ne peut avoir lieu qu’après une bonne analyse des matériaux utilisés dans un protocole clinique clair et précis. Une bonne indication et une manipulation rigoureuse s’avèrent donc plus importantes que la nature même de l’adhésif utilisé.

Avec les améliorations de la dentisterie adhésive, il s’est développé de nombreux matériaux et techniques qui présentent aujourd’hui des résultats à peu près équivalents, le facteur opérateur restant très important. L’absence et la difficulté à mettre en œuvre une recherche clinique comparative sur un long terme accentuent ce phénomène ; il n’y a actuellement toujours pas de consensus clinique. De plus, de nombreuses études se contredisent. Certains praticiens utilisent de l’acide phosphorique puis un adhésif (système avec mordançage et rinçage : MR), d’autres un primaire auto-mordançant et un adhésif (système auto-mordançant à 2 composants : SAM2) et d’autres préfèrent un flacon unique de primaire auto-mordançant et d’adhésif (système auto-mordançant à 1 composant : SAM1).

Les SAM ont une force d’adhérence certes suffisante, mais toutefois réduite par rapport à un système MR, surtout sur l’émail. C’est la raison pour laquelle nombre de praticiens continuent d’appliquer de l’acide phosphorique avant d’utiliser un flacon unique de primaire auto-mordançant et d’adhésif, afin d’améliorer le pouvoir adhésif. Cette technique est valable pour l’émail mais, pour la dentine, cela entraîne une réduction de l’adhérence et une hypersensibilité éventuelle. Ceci est dû au fait que l’acide phosphorique élimine davantage de phase minérale dentinaire que le volume pouvant être rempli par des monomères auto-adhésifs.

Généralités

Des systèmes adhésifs universels ou multimodes ont été mis au point pour être utilisés soit après l’application d’un gel de mordançage, soit directement en auto-mordançants ou encore avec un mordançage sélectif. Ces produits sont nouveaux et ils donnent à l’utilisateur la possibilité de choisir librement la manière de traiter les tissus dentaires selon la situation clinique. Ils nous permettent donc d’effectuer un mordançage total ou un auto-mordançage sans problème d’hypersensibilité et de réduction de la force d’adhérence en cas d’application d’acide phosphorique sur la dentine (fig. 1).

Il ne semble pas y avoir dans la littérature de définition précise de ce qu’est un adhésif universel [1] mais il ne faut pas les confondre avec la 7e génération du tout en un. Le début de leur commercialisation a eu lieu en 2011. Ils doivent avoir des propriétés supplémentaires à ceux de la 7e génération :

• conditionnement dans une seule bouteille ;

• absence de mélange ;

• possibilité d’utilisation avec ou sans mordançage acide selon la condition clinique et les préférences de l’opérateur ;

• utilisation pour les restaurations directes et indirectes ;

• utilisation comme amorce adhésive sur des matériaux comme la zircone, les métaux nobles et non précieux, les composites et divers types de céramiques à base de silice (cela permet en théorie de ne pas devoir passer par l’étape de silanisation).

Si l’on se réfère à cette définition communément admise, il existe une certaine ambiguïté sur certains produits commercialisés sous la catégorie « adhésif universel ». Commençons par l’OptiBond XTR® de Kerr qui se présente comme un adhésif universel du fait qu’il « élimine le besoin d’utiliser plusieurs adhésifs, primaires ou silanes » pour les restaurations directes et indirectes. Or, c’est un composant à deux bouteilles et non une. Il serait préférable de le décrire comme un SAM2 à capacités élargies. Prenons un autre exemple avec le Futurabond U® de Voco qui se décrit lui aussi comme adhésif universel. Or, à la lecture de son mode d’emploi, on se rend compte qu’il nécessite le mélange de deux composants pour son activation juste avant l’utilisation. Alors comment fait-on ?

Pour développer un vrai adhésif universel, les fabricants ont mis au point des produits dont les monomères sont capables de plusieurs prouesses :

• réagir avec différents substrats ;

• être capable de co-polymériser avec différents produits ;

• avoir un caractère hydrophile pour humidifier suffisamment la dentine qui a une teneur en eau importante ;

• avoir un caractère hydrophobe autant que possible une fois polymérisé pour empêcher l’hydrolyse et la sorption de l’eau dans le temps ;

• être suffisamment acide pour être efficace dans un mode auto-mordançant mais au point de dégrader les initiateurs nécessaires à certains produits ;

• l’épaisseur du film d’adhésif doit être suffisamment mince pour ne pas interférer avec le positionnement de restaurations indirectes ;

• contenir de l’eau nécessaire à la dissociation des monomères acides qui rendent possible l’auto-mordançage, mais pas trop car il y aurait une difficulté lors de son évaporation lors de l’étape de séchage.

En effet, l’eau résiduelle, après séchage, peut entraîner une augmentation de l’hydrolyse après polymérisation, entraîner une polymérisation incomplète et donc une interface de moins bonne qualité. L’ajout d’acétone et d’éthanol permet un meilleur mouillage de la résine et une infiltration des tissus dentaires plus performante. Cet ajout permet également l’évaporation de l’eau lors de la phase de séchage. De nombreux autres facteurs varient entre les produits comme le type de solvant, le pH, l’initiateur, le type de monomère actif. La plupart des adhésifs universels utilisent des esters de phosphate (R-O-PO3H2) comme monomère fonctionnel primaire ; ces esters de phosphate forment la colonne vertébrale des systèmes adhésifs actuels. Ils ont de nombreuses caractéristiques importantes comme la capacité de se lier chimiquement aux métaux [2], à l’oxyde zirconium [3], aux tissus dentaires par la formation de sels de calcium insolubles [4]. L’ester de phosphate le plus utilisé est le phosphate de 10-méthacryloyloxydécyle dihydrogène aussi connu sous le nom de 10-MDP. Il a été synthétisé pour la première fois dans les années 80 au Japon par les chimistes de Kuraray et a été utilisé dans le PanaviaTM qui était capable de se lier à des métaux. C’est un monomère fonctionnel amphiphile avec, à une extrémité, un groupe méthacrylate hydrophobe (pour le collage avec les résines méthacrylates et les ciments) et, à son autre extrémité, un groupe phosphate hydrophile (pour le collage aux tissus dentaires, métaux et oxyde de zirconium). Il présente un coefficient de partage (rapport des activités chimiques d’un soluté entre deux phases, c’est-à-dire mesure du caractère hydrophile ou hydrophobe d’un produit) de 4,1, ce qui fait de lui le plus hydrophobe de tous les monomères utilisés. Ce caractère est en grande partie dû à son squelette carboné central [5] et il permettra de lutter contre la dégradation par hydrolyse de l’interface adhésive au cours du temps.

Le caractère hydrophobe permet également au 10-MDP d’être stable en solution, ce qui est important en termes de durée de conservation. Plusieurs études [6] récentes démontrent sa capacité à avoir des liaisons chimiques avec les tissus dentaires par l’intermédiaire d’une liaison calcique avec l’hydroxy-apatite. Le brevet du 10-MDP qu’avait Kuraray a expiré en 2003 et d’autres fabricants ont commencé à exploiter le potentiel du monomère.

Le premier a été Bisco avec son amorce dédiée à la zircone, le Z-PrimeTM qui utilise le 10-MDP dans sa formule. Aujourd’hui, plusieurs adhésifs universels contiennent du 10-MDP (AdheSe Universal, All-Bond Universal, Clearfil Universal Bond, Futuradonb U, Scotchbond Universal…) ou d’autres esters de phosphate comme le PENTA-P (monophosphate d’acrylate de penta dipentaérythritol) pour Prime&Bond Elect ou le GPDM (glycéro-phosphate de diméthacrylate) pour Optibond XTR.

L’un des principaux problèmes de ces systèmes adhésifs réside dans les monomères hydrophiles. Tay et Pashley [7] démontrent que ces groupements facilitent l’interaction avec les tissus dentaires mais qu’ils sont, sur le long terme, un facteur déclenchant de l’hydrolyse de l’interface adhésive et de la sorption d’eau. Ce phénomène de membrane semi-perméable [8] pour qualifier l’interface adhésive avait déjà été démontré pour certains adhésifs de 7e génération.

L’adhésif dentinaire idéal devrait :

• dans un premier temps, être hydrophile pour faciliter l’interaction avec les tissus ;

• dans un second temps, être hydrophobe une fois polymérisé pour empêcher la sorption d’eau.

C’est exactement le mode de fonctionnement des adhésifs de 4e (MR3) et 6e génération (SAM2) avec l’utilisation d’un primer hydrophile qui est ensuite recouvert par une résine hydrophobe. Les chimistes devront donc mettre au point un mélange de monomères hydrophiles et hydrophobes qui, une fois polymérisé, formerait une interface adhésive hydrophobe. C’est dans ce sens que la terminaison initialement hydrophile du 10-MDP devient plus hydrophobe une fois qu’il a réagi chimiquement avec les tissus dentaires et polymérisés. Les chimistes devront trouver le juste équilibre entre hydrophilie et hydrophobie. Ainsi, les adhésifs sont formés d’un mélange de produits comme le bis-GMA qui est hydrophobe avec l’HEMA qui, lui, est hydrophile. L’HEMA se retrouve d’ailleurs dans la majorité des systèmes adhésifs universels de par son extrême solubilité dans l’eau, l’acétone, l’alcool et par sa capacité à infiltrer la dentine et donc à former une couche hybride [9]. L’HEMA, étant hydrophile, a aussi des inconvénients ; en effet, il absorbe l’eau facilement et donc contribue à l’hydrolyse de l’interface adhésive. À de fortes concentrations [10], l’HEMA rend plus difficile l’évaporation de l’eau lors de l’étape de séchage et donc entraîne une couche hybride de moins bonne qualité.

Le pH des adhésifs universels varie entre 2,2 et 3,2, ce qui en fait des adhésifs avec :

• un caractère acide léger si pH > 2 ;

• un caractère acide très léger si pH > 2,5.

Les adhésifs ayant cette valeur de pH ont une très bonne liaison à la dentine mais une faible liaison à l’émail, notamment l’émail [11] non préparé. Le pH est aussi en lien avec la compatibilité ou non avec les composites à durcissement auto ou dual [12] ou les ciments à base de résine [13].

De façon générale, plus l’adhésif à un caractère acide et moins il sera compatible ; ainsi, Scotchbond Universal (avec un pH de 2,7) et Prime&Bond Elect (avec un pH de 2,5) seront moins compatibles, à l’inverse de All-Bond Universal (avec un pH de 3,2). Cela viendrait de la désactivation d’amines tertiaires qui jouent un rôle dans le durcissement chimique de ces matériaux. Pour remédier à ce problème, certains adhésifs universels nécessitent l’utilisation d’activateurs séparés de façon spécifique (Scotchbond Universal) ou de façon systématique (Prime&Bond Elect). Dans le cas des systèmes à deux produits (Optibond XTR), ils ne nécessitent pas d’activateurs du fait qu’il est déjà incorporé dans l’un des composants.

Étude

Pour cette étude sur l’adhésion, nous avons utilisé le Peak Universal Bond® d’Ultradent dont les caractéristiques se trouvent dans le tableau présenté (tab. 1) ; c’est le seul adhésif à contenir de la chlorhexidine, ce qui permet de lutter contre la dégradation de la future couche hybride dans le temps. Nous l’avons comparé à 6 autres adhésifs universels (All-Bond Universal® de Bisco, Adhese Universal® d’Ivoclar-Vivadent, Scotchbond Universal® de 3MEspé, Optibond XTR® de Kerr, G-Premio Bond® de GC et Prime&Bond Elect® de Dentsply Detrey). Nous les avons testés par le macro-test en cisaillement qui est l’une des méthodes les plus employées dans la littérature : grâce à un moule, un matériau composite est collé sur une coupe de dent de sagesse par l’intermédiaire d’un agent adhésif et ensuite testé en cisaillement jusqu’à la rupture. Cinq mesures ont été réalisées par adhésif en mode MR ainsi qu’en mode SAM ; chaque dent utilisée n’a jamais servi pour un autre test ; cela permet d’éviter les erreurs dans les mesures qui seraient dues à la présence de restes d’anciens adhésifs suite à des polissages non conformes ou incomplets. Les moules sont conservés dans de l’eau pour éviter une déshydratation de la dent.

Les valeurs obtenues de cisaillement sont exprimées en MPa. À partir de ces valeurs, nous avons calculé la moyenne, l’écart type ainsi que le coefficient de variation. L’écart type correspond à la racine carrée de la variance. Le coefficient de variation est le rapport de l’écart type à la valeur moyenne (exprimé en %) qui permet de caractériser la dispersion des valeurs enregistrées autour de cette moyenne. Selon Degrange [14], plus le coefficient de variation est faible, plus le système est tolérant (fig. 2).

Nous avons utilisé UltraTester® de l’entreprise Ultradent dans notre étude. C’est une machine utilisée pour tester et comparer différents adhésifs dentaires. Elle est d’utilisation simple, polyvalente et flexible. En plus, elle possède la norme ISO 290022:2013, ce qui valide scientifiquement et réellement les résultats enregistrés lors des tests. Elle est composée de deux parties principales avec, sur le haut de la machine, un capteur de force avec un dispositif d’affichage. Un capteur de force est un transducteur (dispositif convertissant un signal physique en un autre) qui est utilisé pour créer un signal électrique dont l’amplitude est directement proportionnelle à la force à mesurer. La plate-forme de la machine est connectée à un moteur qui peut la soulever et l’abaisser pour appliquer une force de cisaillement sur l’échantillon. Nous avons utilisé pour tous nos tests les mêmes produits dans les mêmes conditions afin d’avoir une uniformisation des résultats (composite Amelogen® d’Ultradent et lampe à polymériser Valo® de la même société).

Résultats (tab. 2 et 3, fig. 3)

Comme dans l’étude Muñoz [15], All-Bond Universal présente les plus mauvais résultats en terme de SAM avec une moyenne de 12,12 MPa.

Il expliquerait cela par le mode d’application de All-Bond Universal qui est le seul adhésif à ne pas être appliqué activement sur la dentine, en conformité avec les instructions du fabricant. Pleffken [16] et Loguercio [17] ont démontré l’amélioration des performances des systèmes adhésifs par une application active au niveau de la dentine.

La première place de Peak Universal sur Scotchbond Universal peut s’expliquer par le fait que Peak Universal nécessite l’application de deux produits, et donc deux couches, contre un seul produit pour Scotchbond Universal.

En effet pour les SAM, selon Perdigão [18], les adhésifs présentant une étape ont des performances inférieures aux adhésifs présentant deux étapes. Les adhésifs à une étape ont des couches adhésives minces sujettes à une inhibition de la polymérisation par l’oxygène [19] (fig. 4).

Concernant le coefficient de variation, on remarque que 3 adhésifs se classent en tête : Peak Universal suivi par Prime&Bond Elect et Scotchbond Universal.

Ils ont d’excellentes valeurs, autour des 20 %, sachant que la moyenne pour les SAM est de 39,5 % selon Degrange [14].

Adhese Universal et All-Bond Universal, avec des valeurs supérieures à 40 %, démontrent l’intolérance de leur système, ce qui se retrouve dans la moyenne basse de ces deux adhésifs.

Peak Universal apparaît comme le meilleur adhésif universel en SAM suivi par deux produits aux valeurs proches que sont Scotchbond Universal et Prime&Bond Elect.

Optibond XTR et G-Premio Bond ont des valeurs dans la moyenne avec une valeur d’adhésion autour de 16 MPa, ce qui est la norme, et un coefficient de variation inférieur à 35 %. All-Bond Universal et Adhese Universal ont des résultats décevants et inférieurs à nos attentes qui peuvent être dus à l’intolérance importante de leur système (fig. 5).

La première place de Peak Universal avec une moyenne de 34,04 MPa peut être en partie expliquée par son pH très bas qui est de 2 : c’est l’adhésif universel avec le pH le plus bas.

Cela pourrait en quelque sorte provoquer un mordançage supplémentaire [20] de la dentine avec, comme résultat, une déminéralisation plus importante et donc une augmentation de l’exposition des fibres de collagène.

Peak Universal creuse l’écart sur ScotchBond Universal avec une moyenne à plus de 4 points et un écart-type de 5,94 contre 7,37 pour Scotchbond Universal, ce qui en fait l’écart type le plus élevé de l’étude. Prime&Bond Elect confirme ses bons résultats en étant troisième et en distançant nettement G-Premio Bond. All-Bond Universal et Adhese Universal ferment la marche avec des valeurs limites par rapport à leur écart-type : en effet, par exemple pour All-Bond avec une moyenne de 15 MPa et un écart-type de 5,83, on peut arriver à des valeurs ne répondant pas aux normes standard d’adhésion (fig. 6).

Au niveau des coefficients de variation, Peak Universal finit encore premier suivi par un groupe de 3 avec G-Premio Bond, Prime&Bond Elect et ScotchBond Universal.

Adhese et All-Bond Universal finissent encore une fois derniers avec des valeurs autour des 40 % (fig. 7).

Comme dans l’étude de Christensen [21], Peak Universal Bond a les meilleurs résultats.

Scotchbond Universal peut expliquer ses bons résultats par la présence spécifique de copolymères d’acide polyalkénoïque [22] (copolymère Vitrebond) qui augmentent l’adhésion.

L’écart entre Scotchbond Universal et Prime&Bond Elect est plus important en MR qu’en SAM, ce qui viendrait du fait que les copolymères d’acide polyalkénoïque amélioreraient la stabilité à l’humidité. Les mauvais résultats de All-Bond Universal peuvent être expliqués par son pourcentage en poids du solvant : 30 à 60 % en poids contre 10 à 15 % pour Scotchbond Universal [23] par exemple. Cet excès entraîne une rétention plus importante de solvant résiduel dans la couche hybride [24], empêchant la formation d’un polymère à forte réticulation [25].

Comme dans les études de Luque-Martinez [26] et de Munoz [27], les adhésifs universels présentent des meilleurs résultats en MR plutôt qu’en SAM (fig. 8).

Selon Degrange [14], les MR s’avèrent plus constants que les SAM, c’est-à-dire que leur coefficient de variation est plus bas. On vérifie l’hypothèse de Degrange pour 4 adhésifs sur 6 : Peak Universal, G-Premio Bond qui présente le plus gros écart, Adhese Universal et All-Bond Universal.

Discussions sur étude

Après ces différents tests, nous pouvons nous questionner sur les chiffres annoncés par les différents fabricants.

Comme le démontre Wellington [28] dans sa revue systématique de 2015, tous les tests sont suivis d’une période de 24 heures avant mesure. Pendant cette période, ils peuvent être plongés dans l’eau ou dans la salive, ce qui renforce la valeur de l’adhésion.

On note aussi que chaque fabricant présente son produit comme étant le meilleur bien que tous les fabricants disent effectuer le même test. On peut aussi se poser la question de possibles conflits d’intérêts entre les fabricants et les équipes réalisant les tests.

Les différentes études s’accordent sur le fait que les valeurs d’adhésion concernent plus un couple [29] composite-adhésif qu’un adhésif seul.

Nous pouvons mettre nos résultats en rapport avec les moyennes de ceux de la bataille des adhésifs. La bataille des adhésifs [30] regroupe le même protocole que l’étude à une plus grande échelle. En effet, elle est aujourd’hui partie intégrante de la formation continue des praticiens. Nous avons des données sur 5 de nos 7 adhésifs testés. Il n’existe aucune étude à l’heure actuelle sur G-Premio Bond et très peu sur Prime&Bond Elect (fig. 9).

Nous retrouvons la même configuration avec Peak Universal Bond en leader, juste devant Scotchbond Universal, et des résultats décevants pour l’adhésif All-Bond Universal.

Les mauvaises valeurs de Adhese Universal et de All-Bond Universal pourraient s’expliquer par la faible tolérance de leur système.

Conclusion

La dentine est un tissu difficile à appréhender du fait de son humidité et de sa morphologie. Au fil des années, les fabricants ont cherché à rendre les systèmes adhésifs plus simples et plus fiables, tout en gardant les mêmes propriétés.

Les macro-tests en cisaillement sont encore aujourd’hui une référence pour les essais cliniques des adhésifs. À la lumière de nos résultats, trois adhésifs universels s’extraient du lot avec Peak Universal, Scotchbond Universal et Prime&Bond Elect. G-Premio Bond et Optibond XTR ont des résultats dans la moyenne attendue tandis que All-Bond Universal et Adhese Universal ont des résultats décevants. La tolérance différente entre les systèmes peut expliquer en partie les différences de valeurs.

Aujourd’hui, les adhésifs universels ont un réel intérêt dans leur polyvalence à être utilisés comme SAM ou MR. Il reste à démontrer encore leur utilité réelle comme amorce adhésive et de futures études seront nécessaires. Une adhésion efficace ne peut avoir lieu qu’après une bonne analyse des matériaux utilisés dans un protocole clinique clair et précis. Une bonne indication et une manipulation rigoureuse s’avèrent donc plus importantes que la nature même de l’adhésif utilisé.

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Remarques :

Il existe toutefois des limites pour cette petite expérience comme dans toutes les études. L’opérateur est important ; il doit bien connaître les produits et leurs caractéristiques pour bien les manipuler, ce qui peut influencer dans certaines limites les résultats. Mais nous avons tout de même obtenu des résultats conformes à de nombreux tests. Les adhésifs et leurs spécificités sont aussi des facteurs à prendre en compte ; les protocoles sont différents et les manipulations qui en découlent sont plus complexes donc plus sujettes à des petites erreurs entraînant des valeurs plus ou moins régulières et correctes. Le nombre d’échantillons et de tests pourrait être plus élevé mais les résultats obtenus sont reproductibles et conformes à de nombreux tests.

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