C’est mon avis
Chirurgien-dentiste, blogueuse
En ouvrant un blog, mon but était de donner un point de vue de soignant, de montrer le visage qui se cache derrière le masque du chirurgien-dentiste. Je pensais que mes articles généreraient des réactions. En réalité, mis à part un sujet sur l’amalgame d’argent et sur l’alimentation des enfants, peu de discussions suivent les publications.
Étant donné que je ne fais pas de publicité, le principal moyen d’accès à mon blog est une recherche « Google ». Donc,...
En ouvrant un blog, mon but était de donner un point de vue de soignant, de montrer le visage qui se cache derrière le masque du chirurgien-dentiste. Je pensais que mes articles généreraient des réactions. En réalité, mis à part un sujet sur l’amalgame d’argent et sur l’alimentation des enfants, peu de discussions suivent les publications.
Étant donné que je ne fais pas de publicité, le principal moyen d’accès à mon blog est une recherche « Google ». Donc, forcément, les personnes qui interagissent ne viennent pas pour dire que grâce à moi elles ont découvert qu’un dentiste avait une âme mais pour me poser des questions sur leur état dentaire.
J’ai fermé récemment les commentaires de l’article « Légende urbaine : peut-on soigner les femmes enceintes », car j’en avais assez d’avoir à répondre à chaque fois qu’il est impossible de faire un diagnostic sans examiner un patient et que je ne pouvais pas remplacer une visite chez un dentiste. Cette fermeture a été difficile pour moi parce que je ne voulais pas être condescendante et parce que j’avais décrit mon blog comme un moyen d’obtenir des informations documentées. Mon désir n’était pas de concurrencer Doctissimo, mais de susciter d’autres réactions. Malheureusement, ces femmes pensaient qu’elles pourraient faire comme sur un forum, poser des questions sans chercher l’information au préalable. Depuis, certaines posent leurs questions sous un autre sujet ou m’envoient un e-mail. Mais c’est beaucoup plus rare.
L’autre « pôle » générateur de commentaires est un article sur le clou de girofle. On me demande comment soulager la douleur d’un enfant ou d’un adulte. Ma réponse est souvent la même : « Parlez-en à votre dentiste. » Je pensais naïvement là encore que les « lecteurs » feraient confiance à leur soignant plutôt que de chercher des réponses sur la Toile. En fait, on me demande fréquemment s’il est normal d’avoir toujours mal 2 jours après les soins. Qui peut mieux répondre que celui qui a vu le patient ? Ces personnes prennent mon blog pour un manuel pour se soigner seul chez soi alors que mon objectif était d’humaniser une profession.
J’avais créé la boîte mail à la demande d’un lecteur qui ne souhaitait pas me poser de questions sous un article en particulier. La préoccupation de ceux qui m’écrivaient était de savoir où j’étais située et si je pouvais les soigner. Encore une fois, cela montrait que mes lecteurs ne sont pas des lecteurs réguliers. J’ai donc ajouté une note indiquant que pour des raisons évidentes d’anonymat, aucune prise de rendez-vous ne pouvait être faite via le blog. (Ça m’avait fait sourire à l’époque de penser que j’avais le même problème que le blogueur Martin Winckler/Marc Zaffran, à savoir que les gens en me lisant pensaient que j’étais la dentiste rêvée alors qu’il y a plein d’autres soignants bien plus expérimentés que moi.)
Un jour, un patient séropositif m’a écrit qu’il ne trouvait pas de cabinet pour se faire soigner. Ça m’a fait réfléchir. Je ne voulais pas briser mon anonymat mais ce patient habitait une commune proche de la ville où j’exerce. Il m’était impossible de lui répondre : « Débrouillez-vous, j’ai dit que je ne donne pas mon adresse. » Je l’ai reçu au cabinet et je pense que ça a changé un peu mon blog. Au début c’était mon jardin secret, je parlais beaucoup de moi. J’ai dû changer d’optique, être plus générale, parler de mon cabinet comme s’il pouvait être dans n’importe quelle ville, changer des détails de ma vie, choisir de ne pas en évoquer certains. Je l’ai en quelque sorte « anonymisé ». Je sais que je ne pourrai plus écrire sur mon titulaire, ni sur la gestion du cabinet (et pourtant, j’en aurais des choses à dire), ni sur ma vie privée !