Clinic n° 06 du 01/06/2016

 

IMAGINA Dental 2016

Stéphanie BLÉMONT  

Chirurgien-dentiste

IMAGINA Dental se présente comme le congrès dentaire des technologies digitales et esthétiques. Il s’est déroulé du 7 au 9 Avril 2016 en Principauté de Monaco. Nous avons suivi cet événement intéressant qui a réuni 600 congressistes venus de 37 pays différents !

Les technologies digitales sont dans leur phase exponentielle d’intégration dans les cabinets dentaires. Nous avons pu profiter de l’expérience de l’avant garde représentée par les conférenciers internationaux présents et nous avons rencontré de nombreux industriels présentant leur derniers matériels. Un excellent moyen de se mettre à jour sur les possibilités cliniques et les outils associés que nous vous relatons ici grâce à la synthèse du Dr Stéphanie Blémont.

Collage des facettes de céramique : les mystères de l’isolation

David GERDOLLE

Dans sa présentation, le Dr David Gerdolle nous a évoqué les mystères quant à une bonne isolation au moyen de la digue qui lui semble indispensable lors des procédures adhésives en dentisterie. Il a également parlé de l’importance des matériaux choisis.

Au cours de son exposé, il a insisté sur trois points, à savoir :

• améliorer la sécurité des facettes ;

• isoler et préparer les tissus ;

• isoler et coller pour que le bonding soit le plus efficace.

Préparation des tissus pour optimiser le résultat

Préservation de la jonction émail-dentine

Il est possible et essentiel de préserver l’émail d’une dent atteinte en général mais cela devient plus difficile dans le cas de fracture ou de remplacement d’une restauration précédente. Si la perte tissulaire est importante et que la jonction amélo-dentinaire est touchée, cela favorise la propagation des fissures. Lorsque la dentine est déjà exposée, il est préférable de la couvrir de composite pour protéger la pulpe et améliorer le collage.

Isolation de la dent et des tissus dentaires

Pour des raisons biologiques, mieux vaut isoler chacune des dents pour protéger les tissus (dentine et gencive).

La rétraction de la gencive permet d’assurer le contrôle du collage.

L’utilisation des aides optiques est essentielle au contrôle précis de la procédure.

L’application d’une procédure adhésive immédiatement après le fraisage de la dentine (lorsque celle-ci est exposée) offre une excellente étanchéité du complexe dentino-pulpaire.

Comment faire pour une isolation parfaite ?

Il faut placer la digue en passant par chacune des dents et en la bloquant à l’aide de deux crochets sur les dents postérieures. Des ligatures supplémentaires sur chaque dent permettent un meilleur écartement de la digue au niveau des collets des dents. Les incisives latérales supérieures comportent deux ligatures plus longues que les autres afin de les attacher au cadre de digue pour une meilleure stabilité.

La gencive reviendra-t-elle comme avant ? Oui, mais tout dépend de la précision de notre technique.

En conclusion, il nous faut :

• avoir un bon contrôle visuel en écartant bien la gencive ;

• utiliser des produits hydrophobes tels que le composite donc il est impératif d’avoir une zone sèche ;

• s’assurer du polissage.

Certes, cela représente un coût supplémentaire en terme de temps et donc d’argent mais quel gain en terme de qualité.

La dentisterie adhésive :

• est de plus en plus demandée ;

• nécessite une protection des tissus ;

• une bonne isolation améliore et facilite le collage ;

• soyez déterminé tout en gardant un esprit ouvert ;

• et amusez-vous !

À l’aube de l’intelligence artificielle, comment tirer profit de la technologie pour garder la main sur nos traitements

Luc MANHES et Guillaume FOUGERAIS

Au cours de leur conférence, le Dr Luc Manhes et le Dr Guillaume Fougerais nous ont expliqué l’intérêt et l’importance de l’utilisation d’un guide chirurgical pour la mise en place d’un implant. Aujourd’hui, de plus en plus de praticiens apprécient et optent pour les nouvelles techniques digitales en matière d’implantologie mais, trop souvent, la dernière étape, chirurgicale, est réalisée à mains levées. La question est posée : pourquoi utiliser les technologies qui sont à notre portée pour finalement terminer notre traitement sans guide chirurgical ?

L’utilisation d’un guide chirurgical doit permettre une plus grande facilité ainsi qu’une plus grande sécurité de notre geste chirurgical.

Pourquoi utiliser un guide chirurgical ?

• Obstacles anatomiques : dans le cas d’agénésie ou d’incisive latérale supérieure ou inférieure lorsque l’espace implantaire est réduit :

– sécurité afin de ne pas toucher les dents adjacentes (incisives supérieures et inférieures) ;

– position par rapport au nerf dentaire inférieur. Utilisation de fraisage avec un « stop » afin de sécuriser le geste pendant le fraisage ;

– cavités (sinus, cavité nasale) : positionnement idéal de l’implant par rapport à ces cavités.

• Placement immédiat de l’implant : l’environnement muco-gingival est important et dépend en grande partie du positionnement de l’implant.

• Reproductibilité de la chirurgie : le guide chirurgical diminue le stress lié à l’acte autant pour le patient que pour le praticien.

• Respect du projet prothétique : associer les projets prothétiques du digital avec les projets prothétiques dans la bouche du patient. Les deux outils indispensables pour faciliter la réalisation du projet prothétique sont le Cone Beam et une empreinte optique. Grâce à ces deux appareils, il suffit de simplement combiner l’empreinte optique et l’imagerie 3D et d’envoyer ces données au laboratoire.

Il n’y a donc aucune empreinte physique réalisée dans la bouche du patient. Le patient pourra ainsi bénéficier d’une mise en charge immédiate après le placement de l’implant grâce à une empreinte optique de l’implant à l’aide d’un transfert d’empreinte numérique scan post. Toutes les données seront envoyées au laboratoire du cabinet. Pendant le temps d’attente, ne pas hésiter à réaliser des modifications muco-gingivales (en faisant un greffon par exemple) car il y aura à coup sûr une récession de gencive. Grâce à ces avancées et à cette rapidité d’exécution, le patient peut ressortir du cabinet le jour même avec son nouveau sourire.

Dans le futur, nous pourrons certainement usiner la provisoire à l’avance étant donné qu’il est déjà possible de positionner parfaitement l’implant à l’aide de ce logiciel.

En quatre mots :

• efficacité ;

• reproductivité ;

• respect du projet prothétique ;

• fiabilité.

A-PRF et i-PRF. Les dernières innovations avec l’utilisation de cellules souches mésenchymateuses en cabinet médical et dentaire. Démonstrations de cas cliniques en direct

Joseph CHOUKROUN

Les facteurs qui favorisent la guérison des tissus mous et/ou durs dépendent de la vascularisation. L’angiogenèse dépend de l’hormone de croissance (GF), du collagène, de l’élastine. La technique du PRF (fibrine riche en plaquettes) libère à intervalles réguliers et constants les hormones de croissance. C’est bien la fibrine qui joue le rôle principal car elle constitue un réservoir de facteurs de croissance qui sont libérés par les plaquettes et les leucocytes. Les globules blancs (monocytes et granulocytes) jouent un rôle majeur dans la nouvelle vascularisation et dans la croissance osseuse. Les cellules inflammatoires sont la « niche » pour les cellules mésenchymateuses.

Le PRF n’est pas une garantie pour maintenir l’os. Le plus important est un apport sanguin adéquat sinon il y aura résorption.

La force G est responsable de la qualité cellulaire du concentré plaquettaire et entraîne le développement d’une technique de « concentré sanguin intelligent » pour obtenir des plaquettes, des cellules blanches ainsi que des cellules embryonnaires, le tout sous deux formes : injectable ou solide (caillot de fibrine). De nombreux facteurs contrarient la cicatrisation du site implantaire, les deux premiers empêchant le maintien de l’os :

• le cholestérol : il rend le métabolisme osseux moins efficace, le rendant plus gras ;

• la vitamine D : le déficit en vitamine D augmente le risque d’infection car les défenses immunitaires sont diminuées et le métabolisme osseux réduit ;

• les facteurs mécaniques : la pression exercée lors de la pause de l’implant entraîne l’ischémie de l’os :

– implant compressif → perte osseuse même en utilisant la meilleure surface implantaire ;

– compression de la corticale → ischémie osseuse → perte osseuse.

De plus, la partie supérieure de l’implant doit être la plus fine possible afin de diminuer la pression sur la corticale osseuse et assurer la formation osseuse.

Il faut également faire attention au type de suture car la tension de celle-ci peut entraîner une ischémie. La solution est de réaliser une suture très basse dans le vestibule afin de stabiliser le lambeau et éviter la pression sur la gencive et sur la corticale osseuse.

Le plus important est :

• de suivre la biologie ;

• le rôle des cellules inflammatoires ;

• d’utiliser des cellules mésenchymateuses ;

• A-PRF+.

Le design du sourire fonctionnel en 3D à partir d’une simple image 2D

Alain METHOT

Au cours de sa conférence, le Dr Alain Methot nous propose une planification différente pour l’élaboration du design du sourire. Contrairement à ses confrères, il utilise comme base de travail une simple image 2D réalisé à l’aide d’un appareil photo, qu’il va combiner avec une radiographie panoramique afin d’élaborer le design du sourire fonctionnel en 3D du patient. Il n’utilise donc qu’un appareil photo et un ordinateur pour débuter son projet esthétique. À l’aide d’une échelle graduée virtuelle, à apposer sur la photo pour évaluer les proportions idéales des dents, qu’il appelle la « règle M », et d’un algorithme qu’il a mis au point, il pourra analyser la position de chacune des dents à intégrer dans le sourire et ce jusqu’à la dernière molaire. Cette « règle M » est variable en longueur mais reste fixe sur chacune des dents, ce qui permet de travailler sur la ligne médiane centrale jusqu’à la dernière dent du sourire. Le calibrage de l’image est réalisé avec les deux incisives centrales.

Son analyse dento-faciale porte sur plusieurs repères qui doivent être pris en compte lorsque le patient est positionné de face :

• les deux lobes d’oreille doivent être à une hauteur égale ;

• le visage du patient doit être positionné dans le plan esthétique, à savoir celui se trouvant entre le plan de Camper et le plan de Frankfurt ;

• croix sur les centrales supérieures formée par leurs bords libres et leurs faces mésiales ;

• analyse avec la « règle M » ;

• analyse des asymétries faciales ;

• il est important de coordonner la croix des incisives supérieures avec la lèvre supérieure en faisant abstraction des yeux car de nombreux patients présentent une différence de hauteur au niveau des orbites.

Selon le Dr Alain Methot, il n’y a pas d’intérêt à utiliser un rétracteur des lèvres en smile design car notre objectif est de travailler l’esthétique du sourire du patient lorsque son visage est le plus naturel possible.

Il est important de se tenir à 2 mètres du patient en respectant les paramètres requis afin de pouvoir capturer une photo de qualité qui sera envoyée au laboratoire. À partir de cette image, un wax-up sera réalisé et transféré sur le modèle en plâtre afin de permettre le montage sur articulateur et de réaliser la suite des procédures pour l’obtention du projet prothétique.

Aesthetic dentistry & minimal invasive treatment

Mauro FRADEANI

Le Dr Mauro Fradeani traite des réhabilitations fonctionnelles et esthétiques de l’occlusion, exclusivement sur dentition naturelle ou, si nécessaire, sur implants. Sa pratique quotidienne mêle la prothèse traditionnelle et les techniques adhésives les plus avancées en dentisterie pour atteindre un objectif : être le moins invasif possible afin de conserver au maximum les tissus dentaires. Les préparations prothétiques importantes pour la réalisation de couronne ont laissé place à des réhabilitations surprenantes, et ce grâce à une préparation a minima de la dent par l’application de facettes ou de restaurations partielles.

Il est possible de prendre en charge des situations cliniques compromises et compliquées, et ce même dans le cas de réhabilitation complète de la bouche, tout en restant le plus conservateur possible. Il nous a présenté un cas clinique intéressant montrant un homme âgé de 30 ans présentant de nombreuses abrasions des collets et une attrition importante. Contrairement à ce qui se faisait auparavant, où l’on avait tendance à opter pour une solution prothétique par soustraction en éliminant le pourtour de la dent pour pouvoir y sceller une couronne par la suite, il tient une attitude conservatrice en ajoutant de la matière aux tissus dentaires préexistants. Ceci permet d’obtenir une augmentation de la dimension verticale d’occlusion en relation centrée.

Un autre cas clinique surprenant est celui d’une jeune femme dont le visage semblait complètement fermé car elle ne supportait pas son sourire. Elle présentait de nombreux encombrements, des colorations disgracieuses et une anatomie dentaire peu esthétique. Dans ce cas, il aurait été nécessaire de commencer par un traitement orthodontique et, ensuite, de travailler sur l’esthétique dentaire mais, devant un refus de l’orthodontie par la patiente, le choix de traitement a été différent. Par un simple ajout de matériau via la réalisation de facettes, la patiente retrouve un alignement et une esthétique dentaire parfaits, très loin de la situation initiale. Cependant, Dr Fradeani ne s’est pas prononcé sur la stabilité de l’occlusion et l’importance de la fonction qui mérite d’être réévaluée et suivie. L’esthétique ne doit pas s’affranchir de la stabilité de l’occlusion et de la fonction.

Malgré tout, nous sommes loin des traitements lourds que l’on pouvait observer chez certains patients montrant des traitements endodontiques et des couronnes multiples. Aujourd’hui, cette attitude plus conservatrice nous permet d’être moins agressif, de ne pas réaliser de dépulpation tout en obtenant un résultat très satisfaisant, seulement par ajout de matériau sur les tissus dentaires initialement présents. Il s’agit là d’une réelle amélioration dans la prise en charge des patients afin de répondre au mieux à leurs besoins.

Conception du sourire avec réhabilitation non invasive

Francesca VAILATI

Lors de sa conférence pleine d’énergie et pleine d’humour, le Dr Francesca Vailati nous a expliqué l’évolution de sa démarche et son changement d’attitude dans la prise en charge de ses patients. Au lieu de toujours se fixer uniquement sur l’esthétique et la restauration anatomique, il faut pouvoir se poser les questions nécessaires et se remettre en question pour répondre au mieux aux besoins du patient tout en tenant compte du côté fonctionnel et de sa stabilité dans le temps. Pourquoi est-ce que ce patient revient plusieurs fois avec une facette cassée ? S’agit-il d’un mauvais collage, d’une erreur du praticien ? Avant de se lancer dans des projets restaurateurs complexes, il est important d’analyser le côté fonctionnel et de pouvoir résoudre le problème existant. Pour un succès durable, il faut rétablir l’esthétique, restaurer l’anatomie des supports postérieurs et répondre à une intégration de la réhabilitation dans l’enveloppe des mouvements de la bouche. Il est important de retenir que la fonction protège l’adhésion.

Sans revenir sur sa technique de réhabilitation dite Three-Step, Francesca Vailati nous rappelle que son point de départ commence toujours par l’analyse du sourire du patient. Certains arrivent au fauteuil en ayant un sourire presque inexistant. Ils n’apprécient pas leur sourire et leurs émotions sont totalement fermées. Par de simples empreintes en alginate, le Dr Vailati pourra obtenir un mock-up reprenant uniquement les parties vestibulaires et les bords libres des dents. La dimension verticale d’occlusion (DVO) n’est pas encore calculée à ce moment, cette étape permettant uniquement de découvrir le « vrai » sourire du patient et de pouvoir enregistrer certains repères. Dans ce cas, il s’agit plutôt d’un mock-up simplifié. Après ce simple essai, le sourire du patient est vraiment modifié et son visage est directement amélioré.

Selon le Dr Vailati, l’esthétique dentaire est indissociable du respect de l’occlusion et de la fonction. Il est primordial de connaître la raison du problème avant d’entamer tout traitement. Dans le cas contraire, le problème se représentera à l’avenir.

Tout comme le Dr Mauro Fradeani, elle opte également pour une attitude la plus conservatrice possible avant de protéger au maximum les tissus dentaires préexistants, et ce par une technique adhésive. Elle nous a montré un cas clinique présentant une érosion très importante dont la dentition a été complètement réhabilitée par apport de matériau sur les structures dentaires en l’état sans préparation soustractive significative. L’esthétique, la fonction et la vitalité des dents sont trois paramètres qui ont été respectés et sont restés parfaits pendant 7 ans. Malheureusement, une facette s’est cassée à plusieurs reprises malgré une augmentation de la dimension verticale d’occlusion. Après une grosse remise en question, le Dr Vailati se rend bien compte qu’il ne s’agit pas d’un manque de capacité ou de force d’adhésion mais que le problème réside dans un défaut persistant de la fonction. Comment se fait-il que le patient se casse à chaque fois les dents du secteur antérieur et non celles du secteur postérieur ? Elle propose une hypothèse en reprenant les concepts élaborés par « Pédros Okana » : les humains ont tendance à acquérir une attitude protrusive avec l’âge. La mandibule migre vers l’avant et ce problème fonctionnel peut détruire les facettes à l’avenir. Voilà pourquoi il est important de ne pas créer des deep bites chez nos patients car, au fur et à mesure des années, ils tendent vers une propulsion de la mandibule.