Clinic n° 05 du 01/05/2016

 

PARODONTIE

Muriel DUMAY*   Caryl DJABARI**   Brenda MERTENS***  


*Interne en chirurgie dentaire, spécialité
médecine bucco-dentaire 1re année
(Montpellier)
**Interne en chirurgie dentaire, spécialité
médecine bucco-dentaire 2e année
(Montpellier)
***AHU en parodontologie
UFR d’odontologie
(Montpellier)

L’hygiène bucco-dentaire est un élément incontournable et déterminant pour le maintien de la santé parodontale et, par conséquent, la réussite et la pérennité des traitements parodontaux. Le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire est directement influencé par l’implication non seulement du patient mais aussi du praticien. En effet, même si le premier en est l’acteur principal, le second se doit de lui donner les clés de la réussite [

L’hygiène bucco-dentaire est un élément incontournable et déterminant pour le maintien de la santé parodontale et, par conséquent, la réussite et la pérennité des traitements parodontaux. Le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire est directement influencé par l’implication non seulement du patient mais aussi du praticien. En effet, même si le premier en est l’acteur principal, le second se doit de lui donner les clés de la réussite [1]. Il est donc propulsé au premier rang dans le conseil et l’accompagnement de ses patients. Il se doit de prendre le temps nécessaire au fauteuil pour leur expliquer la nécessité d’un contrôle de plaque rigoureux et d’une maintenance quotidienne.

Pour remplir cette tâche, le praticien peut expliquer les conséquences néfastes d’une mauvaise hygiène bucco-dentaire sur la santé parodontale à partir de photos ou de schémas et se servir d’éléments didactiques pour l’apprentissage de la technique tels que l’utilisation d’un révélateur de plaque en bouche, d’un miroir du type face-à-main ou encore d’une démonstration sur des macromodèles. Il doit également utiliser des techniques d’apprentissage reconnues telles que le « dire, montrer, faire » (tell, show, do). Une fois la technique démontrée sur modèle puis appliquée en bouche, les différents gestes feront l’objet d’une répétition devant le miroir. Les objectifs sont de vérifier la compréhension de la part du patient et de corriger certains défauts dans l’exécution si nécessaire (fig. 1 et 2).

Une fois que le patient est conscient de son rôle à jouer et qu’une motivation réelle est acquise, le praticien doit pouvoir lui proposer le matériel qui lui est le plus adapté. Il existe ainsi tout un arsenal thérapeutique afin de maintenir et d’entretenir l’hygiène bucco-dentaire : les brosses à dents souples manuelles et électriques, le fil dentaire, les brossettes interdentaires, le gratte-langue, le jet dentaire et, bien entendu, les dentifrices et les bains de bouche quotidiens.

Pourquoi le brossage interdentaire ?

Le contrôle de plaque interdentaire a pour but d’assurer l’élimination de la plaque bactérienne entre deux dents. La région interdentaire est une zone où l’accumulation de plaque est la plus importante en raison de sa configuration anatomique mais aussi de la difficulté d’accès du matériel de brossage. En effet, les poils de la brosse à dent n’atteignent pas cette zone sous le point de contact. Même si certaines techniques telles que les brosses soni?ques favorisent la désorganisation de plaque en cette zone, la nécessité d’une instrumentation mécanique avec un matériel adapté est indispensable pour prévenir les maladies parodontales bactériennes et la maladie carieuse [2].

De quel type de matériel dispose-t-on ?

Deux types de matériels efficaces existent pour assurer ce nettoyage : le fil dentaire et la brossette interdentaire. Une question se pose souvent : lequel choisir ?

La réponse se trouvera en évaluant la taille de l’espace interdentaire ainsi que la santé gingivale du patient. Dès lors qu’il est possible d’utiliser une brossette interdentaire, aussi fine qu’elle soit, elle sera préférée au fil dentaire qui est complexe d’emploi et moins efficace en termes de nettoyage [2, 3]. Le fil dentaire trouve encore toute son indication chez des patients ayant une bonne santé gingivale avec des espaces interdentaires fermés où seul le fil dentaire peut accéder. L’utilisation de brossettes peut même, dans ces cas-là, s’avérer traumatique pour la gencive car le passage de brossettes ne doit jamais se faire en force. Le fil permet également un bon nettoyage du point de contact et la prévention des caries proximales. L’utilisation détaillée du fil dentaire n’est pas traitée dans cet article qui est consacré à l’utilisation des brossettes interdentaires plus spécifiquement.

À quelle phase du traitement prescrire des brossettes (fig. 3) ?

Lors de la réalisation de la séance d’enseignement à l’hygiène orale, la technique de brossage utilisée par le patient doit être évaluée. S’il utilise correctement la brosse à dents, on pourra rapidement lui prescrire des brossettes, parfois avant même d’entreprendre les soins parodontaux. Dans le cas contraire, il faudra lui laisser le temps de maîtriser la technique de brossage avec une brosse à dents avant de lui enseigner le brossage interproximal. Quoi qu’il en soit, le diamètre des brossettes doit être réajusté au fur et à mesure de l’avancée des soins parodontaux et/ou de la cicatrisation parodontale. Par exemple, après une chirurgie, dans notre pratique, nous attendons 1 semaine avant de recommencer à utiliser des brossettes de petite taille et encore 1 à 2 semaines avant de passer à des brossettes de taille adaptée, afin de ménager les tissus et la douleur postopératoire.

L’ajustement de la taille des brossettes doit également se faire lors de la pose d’éléments prothétiques tels que les couronnes unitaires, les bridges (avec notamment le nettoyage entre le pontic et la gencive) et, bien entendu, les prothèses sur implants pour éviter tout risque de mucosites, voire de péri-implantites (fig. 4). Les brossettes sont également pertinentes pour assurer une bonne hygiène bucco-dentaire lors des traitements orthodontiques (fig. 5 et 6).

Pour qui ?

Les brossettes sont donc indiquées chez tout le monde dès lors que l’espace interdentaire est ouvert. Elles peuvent l’être chez l’enfant que ce soit lors d’un traitement orthodontique ou lorsque l’enfant a acquis une certaine maturité psychologique et une autonomie lui permettant de les utiliser correctement. Cependant, elles demandent une certaine habilité et dextérité de la part des patients. Il en va de même pour le fil dentaire. Le praticien doit en avoir conscience et veiller à ne pas prescrire ce type de matériel chez des patients atteints de pathologie ou de troubles altérant leurs capacités fonctionnelles et qui, donc, ne l’utilisera pas ou pas correctement.

Choix des brossettes

Les brossettes interdentaires existent dans des diamètres et des longueurs très variables (fig. 7 et 8) et sont de forme conique ou cylindrique. Il semblerait que les cylindriques aient de meilleurs résultats en termes de contrôle de plaque côté palatin/lingual que les coniques [4]. Elles peuvent posséder une manche souple, pliable ou rigide, monté sur un support afin de faciliter l’accès postérieur, ou encore un manche bidirectionnel (fig. 9). Il est important de préciser qu’il n’existe pas de possibilités de comparaison des brossettes (notamment pour la taille et la longueur) entre les marques car il n’y a aucune standardisation dans leur nomenclature (fig. 10) ni dans la constitution de la tige et des poils (en ce qui concerne la souplesse ou la résistance).

Le praticien doit être en mesure de conseiller à son patient les diamètres les mieux adaptés à ses différents espaces interdentaires. Nous prescrivons au maximum 3 tailles de brossettes interdentaires différentes pour un même patient. L’objectif est d’avoir une brossette ni trop fine, qui n’éliminera pas complètement la plaque, ni trop large, qui pourrait blesser la gencive [5]. Avec l’habitude, certains praticiens analysent « à vue d’œil » quels sont les diamètres les mieux adaptés à chaque embrasure. Pour les autres, plusieurs méthodes existent : soit proposer au patient d’apporter un kit complet de brossettes de différents diamètres puis de choisir avec lui au fauteuil celles qui sont adaptées (fig. 11 à 13), soit d’utiliser une sonde de mesure des espaces interdentaires (fig. 14 à 17). Compte tenu du grand nombre de marques différentes, nous conseillons de maîtriser une gamme de brossettes.

Protocole d’utilisation

L’hygiène bucco-dentaire démarre toujours par le brossage suivi par le nettoyage des espaces interdentaires. Les étapes pour une utilisation adéquate des brossettes interdentaires sont les suivantes :

• humidifier la brossette – avec de l’eau, un antiseptique du type bain de bouche ou eau oxygénée – et prendre un point d’appui ;

• insérer délicatement et perpendiculairement à l’espace la brossette en exerçant une très légère pression. En cas de résistance, faire un petit mouvement circulaire pour faciliter l’insertion mais ne jamais forcer la brossette à pénétrer dans les espaces étroits. Dans les régions postérieures, on peut courber la tige de la brossette interdentaire afin de faciliter son passage ;

• effectuer un mouvement horizontal de va-et-vient (fig. 18 à 21) en déplaçant la brossette doucement, d’avant en arrière, une ou deux fois afin d’éliminer la plaque dentaire et les débris. L’attention du patient sera attirée sur le fait que l’espace interdentaire concerne à chaque fois deux dents adjacentes. De ce fait, au premier passage, la brossette pourra être légèrement appuyée sur la face d’une dent puis, au passage suivant, un peu plus sur l’autre ;

• rincer à l’eau claire ou avec un antiseptique après le passage de la brossette dans chaque espace interdentaire.

Après les avoir utilisées, il est important de laisser les brossettes interdentaires à l’air libre comme pour la brosse à dents afin qu’elles sèchent et que les bactéries sur les poils meurent. La brossette interdentaire s’utilise deux fois par jour au minimum, après chaque brossage. Elle doit être changée dès que les poils sont usés, tous les 7 à 15 jours environ, usure qui dépend du nombre d’espaces nettoyés avec une même brossette.

Suivi [6]

L’acquisition d’une bonne hygiène bucco-dentaire est une phase précoce du traitement. Cependant, cet apprentissage prend du temps pour le patient et il faut donc l’accompagner dans cette démarche. L’objectif est de s’accorder, à chaque séance de soins, 2 minutes pour contrôler l’amélioration de l’hygiène bucco-dentaire et corriger le patient ou le motiver de nouveau. Pour un aspect didactique de ce suivi, le praticien peut prendre des photos à chaque séance pour montrer au patient l’évolution de son hygiène bucco-dentaire parallèlement à l’amélioration de sa santé gingivale. De même, à chaque séance de traitement de maintenance (parodontale, dentaire, prothétique), il sera important de réadapter la taille des brossettes interdentaires et de remotiver le patient.

Conclusion

L’hygiène bucco-dentaire est donc la condition sine qua non pour la santé orale des patients. Le rôle du chirurgien-dentiste est donc primordial dans le cadre d’une prévention primaire et secondaire. La brossette interdentaire est un matériel indispensable pour bon nombre des patients afin d’assurer un bon contrôle de plaque.

Pour bien traiter les maladies parodontales mais aussi les maladies carieuses, le chirurgien-dentiste se doit de réaliser systématiquement dans son traitement et lors du suivi du patient un enseignement et un entretien de motivation personnalisés à l’hygiène bucco-dentaire. Cette éducation inclut l’apprentissage du nettoyage interdentaire par l’utilisation de brossettes.

Souvent oublié, il est pourtant indispensable dans le maintien de la santé orale des patients. Quelles brossettes prescrire ? Quand les prescrire ? Comment savoir si elles sont adaptées ? Voici des réponses à toutes ces questions.

Bibliographie

  • [1] Newton TJ, Asimakopoulou K. Managing oral hygiene as a risk factor for periodontal disease : a systematic review of psychological approaches to behaviour change for improved plaque control in periodontal management. J Clin Periodontol 2015;42 (suppl. 16):S36-S46.
  • [2] Lang NP, Attström R, Löe H. Proceedings of the European Workshop on Mechanical Plaque Control. Berlin : Quintessence Books, 1998.
  • [3] Slot DE, Dörfer CE, Van der Weijden GA. The efficacy of interdental brushes on plaque and parameters of periodontal inflammation : a systematic review. Int J Dent Hyg 2008;6:253-264.
  • [4] Larsen HC, Slot DE, Van Zoelen C, Barendregt DS, Van der Weijden GA. The effectiveness of conically shaped compared with cylindrically shaped interdental brushes a randomized controlled clinical trial. Int J Dent Hyg 2016 (accepté pour publication).
  • [5] Sälzer S, Slot DE, Van der Weijden FA, Dörfer CE. Efficacy of inter-dental mechanical plaque control in managing gingivitis - a meta-review. J Clin Periodontol 2015;42 (suppl. 16):S92-S105.
  • [6] Tonetti MS, Eickholz P, Loos BG, Papapanou P, van der Velden U, Armitage G et al. Principles in prevention of periodontal diseases - Consensus report of group 1 of the 11th European Workshop on Periodontology on effective prevention of periodontal and peri-implant diseases. J Clin Periodontol 2015;42 (suppl. 16):S5-S11.