Juridique
Cabinet Houdart et
associés – Avocat au
barreau de Paris
Par un arrêt du 18 février 2016, la cour d’appel de Paris a estimé qu’un centre de santé dentaire n’est pas soumis au Code de déontologie des chirurgiens-dentistes. Un coup dur pour l’Ordre qui relance le débat sur les centres dits low cost. On enquête.
Addentis est une association qui a vocation à gérer des centres de santé dentaires. Certains de ces centres ont fait l’objet, en 2009, de plusieurs reportages dans différents médias. Le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD) et la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) ont considéré que ces reportages constituaient des publicités, interdites par le Code de déontologie. Si en 2013, le tribunal d’instance de Paris a donné raison au CNOCD et à la CNSD, la cour d’appel de Paris a, quant à elle, estimé que le code de déontologie d’une spécialité ne pouvait s’appliquer à un centre de santé quel qu’il soit. Selon elle, « les textes relatifs aux centres de santé ne prévoient pas expressément que ceux-ci sont tenus de respecter eux-mêmes les règles déontologiques des praticiens qui exercent dans ces centres ». Elle enfonce le clou en précisant qu’« une telle injonction serait en toute hypothèse impossible à mettre en œuvre puisqu’un centre de santé peut avoir vocation à proposer une offre de soins multidisciplinaire ».
Au sens de la loi, « les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours » (article D. 6323-1 du Code de la santé publique). Or, le Code de déontologie s’applique « à tout chirurgien-dentiste inscrit au tableau de l’Ordre, à tout chirurgien-dentiste exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 4112-7 ou par une convention internationale, quelle que soit la forme d’exercice de la profession », ainsi qu’aux étudiants en chirurgie dentaire (article R. 4127-201 du Code de la santé publique). On ne peut donc que constater que le Code de déontologie s’applique aux seuls professionnels, à l’exclusion de la structure, sauf exception. Tel est le cas notamment des sociétés d’exercice libéral (SEL) de professionnels, soumises expressément au Code de déontologie (article R. 4113-18 du Code de la santé publique). En revanche, il n’existe aucune disposition en ce sens pour les centres de santé. C’est pourquoi la cour d’appel a estimé que les pratiques d’un centre de santé ne peuvent s’apprécier au regard du Code de déontologie. Il s’agit d’un raisonnement usité, tout à fait comparable à la pratique des hôpitaux et des cliniques, non soumis au Code de déontologie. Cela ne veut pas dire que les professionnels de santé exerçant dans ces structures sont protégés de toute poursuite disciplinaire. En effet, si la structure réalise des actes de publicité en s’appuyant par exemple sur la notoriété d’un professionnel, ce dernier pourra être condamné disciplinairement car il aura bénéficié indirectement de la publicité. En conséquence, si les centres de santé ne sont pas soumis au Code de déontologie, cette exclusion ne s’applique pas aux professionnels y exerçant.
Le CNOCD a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision afin que les règles soient appliquées de manière identique à toutes les structures de professionnels. Mais, conscient de l’aléa inhérent à une telle bataille, il a également publié sur son site Internet une lettre ouverte visant à alerter la ministre de la Santé sur les pratiques des centres dentaires, parfois peu soucieux de l’intérêt du patient. Il dénonce la volonté de grands groupes de faire du profit et non du soin leur vocation première. La guerre est irrémédiablement déclarée !
Les centres de santé ne sont pas soumis au Code de déontologie, privant le CNOCD d’un levier pour combattre certaines pratiques peu reluisantes. Celui-ci actionne le levier ministériel en espérant que cet appel soit vite reçu, à l’heure où le ministère s’affaire à la rédaction des ordonnances d’application de la loi de santé récemment votée.