Mickael Salama a eu l’idée très originale d’appuyer sa thèse sur la création d’une bande dessinée qui sensibilise au monde dentaire par l’humour. Une création si réussie que le jury du prix de thèse ADF-Dentsply 2015 l’a récompensée en lui offrant la première place de la catégorie « thèse culturelle ».
J’ai toujours aimé rire et faire des blagues. Quand j’étais étudiant à la faculté de chirurgie dentaire de Toulouse, j’ai été durant 3 ans rédacteur en chef d’un journal intitulé L’Amalgame. Je sortais chaque trimestre un numéro avec des photomontages, des dessins et des blagues. C’est l’un de mes professeurs, le Dr Jean-Noël Vergnes, qui a repéré mon humour et m’a suggéré ce sujet.
L’Amalgame m’a permis de révéler des talents pour le dessin et l’infographie que j’ignorais jusqu’alors et ma thèse s’est inscrite dans la continuité. Elle m’a permis de conjuguer avec passion compétences intellectuelles et envies artistiques.
Le dessin a pris un temps fou, surtout au début. Je me souviens avoir passé 1 mois sur ma première planche ! Ensuite, c’était au minimum une journée de travail par planche. Au final, la bande dessinée associée à la publication de ma thèse comptait 50 pages. Son avancement a été très lié à mon inspiration.
D’abord dans ma propre expérience professionnelle puisque j’ai travaillé 3 ans en centre de soins. J’y ai glané différentes situations hors du commun. J’ai aussi trouvé d’autres histoires, faciles à illustrer, via des forums d’échanges sur Internet. Et puis je me suis emparé de blagues connues sur les chirurgiens-dentistes que j’ai légèrement remodelées pour mettre en exergue les aspects les plus intéressants.
Je veux donner aux patients une autre vision de la dentisterie. En Europe, l’image du chirurgien-dentiste véhiculée dans les bandes dessinées et les médias est souvent la même, à savoir une image stéréotypée plutôt négative, celle d’un petit homme hargneux qui arrache les dents de ses patients dans d’atroces souffrances. Beaucoup de gens ont encore peur du chirurgien-dentiste et de l’anesthésie alors que ces craintes ne sont plus de mise. Une peur due en grande partie à l’imaginaire collectif et qu’il faut combattre. J’ai créé cette BD pour amorcer le changement. Je veux montrer que le chirurgien-dentiste est là pour aider les patients et qu’il fait le maximum pour atténuer la douleur.
Certaines planches sont nettement humoristiques et d’autres visent davantage la vulgarisation scientifique. Je profite de l’illustration pour expliquer des traitements au premier abord complexes pour les patients. Ces planches-là ne sont pas nécessairement très drôles mais elles permettent de transmettre des notions utiles.
Elle a été créée pour le grand public. Les blagues comme les notions abordées sont accessibles à tout le monde. Même quand j’évoque la spécificité d’un inlay-core, n’importe quel néophyte peut comprendre le sujet et en rire. J’ai pris soin d’éviter les private jokes réservées aux seuls chirurgiens-dentistes.
Outre l’atténuation de la peur, je crois que ce média peut nettement améliorer le contact entre praticien et patient. Les nombreux schémas humoristiques intégrés à ma BD – expliquant par exemple ce que sont un traitement de racine, une pose d’implant, un composite, une maladie parodontale – font que les patients la distinguent facilement des habituels supports à visée pédagogique, assez rébarbatifs et déjà nombreux.
Quant au praticien, il peut s’appuyer dessus pour mieux expliquer certains traitements. Je l’ai moi-même déjà testée dans ma pratique. La BD autorise un contact privilégié, même si ce n’est pas forcément un contact au fauteuil. Et puis l’humour et le rire allègent les tensions !
J’ai toujours eu une prédisposition mais que je n’avais pas exploitée avant mes études dentaires. C’est en 2e année, lorsque j’ai eu à dessiner et créer des dents en cire, à faire de la sculpture, que l’envie de me mettre sérieusement à la peinture est venue. Le fait d’être chirurgien-dentiste et d’avoir cette fibre artistique m’a poussé à réaliser des toiles en rapport avec mon métier. J’essaie de créer quelque chose qui me ressemble, avec des caractéristiques proches de celles de la BD – beaucoup de couleurs, des traits assez grossiers – tout en jouant avec les dégradés et en faisant un travail beaucoup plus élaboré qu’en BD. La peinture comme la BD ont la vertu de développer les compétences manuelles et la dextérité.
Mon rêve est de parvenir à faire publier ma BD par un éditeur et qu’elle puisse atterrir un jour dans les salles d’attente des cabinets dentaires. Au-delà, j’entends exercer mon métier avec humanité, en considérant mes patients autrement qu’à travers leurs pathologies.
Je viens de faire valider mon diplôme en Israël. Je pense commencer par exercer dans un centre de soins de l’État pour fidéliser une clientèle avant d’ouvrir un cabinet privé d’ici quelques années. Idéalement, à moyen terme, j’espère exercer à 50 % en cabinet et à 50 % à l’université de Tel-Aviv. Sachant que celle-ci est jumelée avec l’université de Toulouse, j’ai mes chances !
Diplômé de la faculté de chirurgie dentaire de Toulouse en 2014, Mickael Salama a exercé pendant 6 mois comme collaborateur dans un cabinet libéral toulousain avant de s’expatrier en Israël. Sa thèse, Bande dessinée et odontologie : création d’un ouvrage humoristique à visée de sensibilisation au milieu dentaire, a obtenu le prix ADF-Dentsply 2015 de la meilleure thèse culturelle.