Le monde du silence

L’anesthésie locale est un geste pluriquotidien, quasi automatique dans notre métier. J’utilise la même molécule depuis une bonne trentaine d’années, de l’articaïne à 4 %, sous différentes marques qui m’ont toujours donné satisfaction. Mon exercice étant limité aux soins courants, à la prothèse et aux extractions simples, je ne pratique que des injections para-apicales ou intraligamentaires. Dans ces conditions, l’emploi d’une solution adrénalinée s’impose pour une bonne efficacité et une durée d’anesthésie suffisamment longue, notamment en endodontie. La formule à 1/200 000 d’adrénaline est la solution de choix, préconisée par la majorité des auteurs.

Parfait pour les pulpites

En présence d’une forte pulpite ou de patients particulièrement réfractaires (15 % de la population selon la littérature médicale), ce produit se révèle malheureusement assez peu efficace. Sur des conseils d’amis, j’ai testé l’Alphacaïne® SP, une solution à 4 % d’articaïne mais avec une concentration en adrénaline deux fois plus élevée (1/100 000). Son efficacité m’a semblé tout à fait convaincante dans les situations particulièrement compliquées. Sur les molaires inférieures en cas de pulpite aiguë, la sédation est presque toujours acquise. Je n’ai eu qu’un seul patient pour lequel l’anesthésie a été incomplète mais suffisante pour effectuer un curetage carieux proche de la pulpe dans des conditions supportables pour lui. L’adrénaline en plus grande quantité permet d’obtenir une anesthésie non pas plus rapide mais plus durable. On peut ainsi employer moins de produit en première intention. Même si les accidents liés à cette molécule sont rares dans les conditions normales d’utilisation, il faut respecter les recommandations du fabricant : éviter d’employer cette formule chez les personnes âgées présentant des pathologies cardio-vasculaires, les femmes enceintes et les enfants de moins de 4 ans. Les autres contre-indications concernent des situations plus rares sur lesquelles il n’est pas indispensable de s’étendre ici.

Attention aux nécroses

Je n’ai jamais injecté plus de 1 carpule par intervention, ce qui écarte tout risque toxique ou accident potentiel dû à une forte quantité d’adrénaline introduite dans le sang. De toute manière, l’anesthésie est extrêmement localisée, très à distance des gros vaisseaux contrairement à ce qui se passe lors des tronculaires à l’épine de Spix. Même si la tranquillité d’esprit est vraiment totale avec l’Alphacaïne® SP, il faut veiller à respecter certaines règles : bien détartrer les dents dans la zone d’injection avant d’introduire l’aiguille dans le sulcus pour réduire les risques de nécrose de la papille ou, tout simplement, les douleurs postopératoires liées à une forte inflammation de la gencive qui tarde à se revasculariser ; éviter les injections dans le septum pour les mêmes raisons, en particulier chez les patients à la santé fragile, aux défenses immunitaires affaiblies, et chez les gros fumeurs. En dehors de ces situations à risque, l’usage de la solution SP a été pour moi une vraie révélation qui, désormais, va me conduire à commander ce produit pour en avoir toujours sous la main en cas de besoin.