Clinic n° 03 du 02/03/2016

 

LIBRE CIRULATION DES DIPLÔMES

ENQUÊTE

La qualité inégale des diplômes de chirurgie dentaire à travers l’Europe a fait l’objet de nombreux échanges. La formation clinique insuffisante voire inexistante de chirurgiens-dentistes dans certaines formations en Europe a été pointée du doigt. Des solutions ont été évoquées lorsque les praticiens veulent exercer en France…

L’an dernier, 400 chirurgiens-dentistes formés à l’étranger se sont inscrits à l’Ordre, soit près de la moitié du numerus clausus en plus. Et l’on prévoit une amplification du mouvement. « L’arrivée massive de praticiens diplômés dans des pays où il est plus facile d’obtenir son diplôme est le défi actuel de la démographie », a affirmé Roland L’Herron, responsable des affaires internationales de l’ADF. S’agissant de la qualité de ces diplômes, au ministère de la Santé, « on ne veut rien savoir. Les diplômes sont équivalents par définition », continue ce responsable. Faut-il donc attendre de recueillir les plaintes de patients qui n’ont pas été soignés correctement pour que l’Ordre fasse état d’un problème de santé publique auprès des autorités de tutelle ?

Pour Gilbert Bouteille, président de l’Ordre, ce problème doit être traité par l’Ordre de la même façon que celui de praticiens qui n’ont pas exercé pendant longtemps. « Cela relève de l’insuffisance professionnelle. » Dans ce cas, des mesures transitoires sont mises en place pour compléter la formation. Mais comment prendre le problème plus en amont ?

Mise à niveau systématique ?

Face à l’afflux de chirurgiens-dentistes ayant obtenu leur diplôme à l’étranger, l’Allemagne impose systématiquement à ces diplômés d’exercer pendant 1 an dans le système public. « Ce passage obligé joue à la fois comme barrière à l’arrivée et comme instrument d’une meilleure intégration dans le système de soin en bénéficiant du tutorat d’un praticien national » remarque Marco Mazevet, ancien président de l’Association européenne des étudiants en dentaire (EDSA, European Dental Students Association).

Un socle de formation clinique ?

Aujourd’hui, les informations sur les études dans les différents pays et les comparaisons entre formations manquent cruellement. Le temps minimum requis pour former un chirurgien-dentiste européen est fixé à 5 000 heures en 5 ans. Mais quid du contenu des heures ? Et en particulier du temps de la formation clinique ? « Des éléments de preuve nous manquent », note Marco Mazevet dont l’association mène actuellement une enquête auprès des étudiants à travers l’Europe pour analyser le contenu et les disparités entre les enseignements. L’objectif est de proposer à la Commission européenne d’instaurer aussi un temps minimum d’apprentissage en clinique pour toutes les formations en Europe.

Vers des standards internationaux ?

À l’avenir, le contenu des diplômes sera sans doute aussi mieux connu grâce à un dispositif entré en application au début de l’année 2016. Désormais, explique Cédric Grolleau, chargé de mission aux Affaires européennes pour l’Ordre national, « tout diplôme qui sera notifié à la Commission européenne pour être reconnu dans tous les pays ouvrira la possibilité à un État de dénoncer la qualité de ce diplôme. On pourra ainsi demander à la Commission de faire une enquête sur la qualité et le contenu de la formation ».

Les Ordres se sont aussi organisés pour créer, il y a 2 ans, la Société internationale des régulateurs dentaires (ISDR, International Society of Dental Regulators) qui a élaboré des standards internationaux de qualité des diplômes. Une sorte de label qui s’appliquera à une université ou un pays qui demandera cette reconnaissance. « Ce sera un encadrement supplémentaire et une reconnaissance officielle de la qualité de la formation », prévoit Cédric Grolleau.

L’évaluation du praticien, incontournable

Ces différentes mesures ne permettront cependant pas de se passer de l’évaluation des professionnels de santé, prévient Jean de Kervasdoué. « La seule manière de savoir si les formations sont bonnes ou moins bonnes dans les différents pays de l’Union est de comparer et d’évaluer tous les chirurgiens-dentistes français quel que soit leur lieu de formation. »