Clinic n° 03 du 02/03/2016

 

Juridique

Audrey UZEL  

Cabinet Houdart et associés – Avocat au barreau de Paris

Après plus de 1 an de discussion et un long parcours parlementaire, le projet de loi de santé a été définitivement adopté par les députés en décembre 2015. Cette adoption s’est faite sous la grogne des professionnels de santé. Saisi par l’opposition, le Conseil constitutionnel a rendu son avis sur la loi. Le tiers payant obligatoire est partiellement censuré.

Le principe adopté

À partir du 30 novembre 2017, les professionnels de santé, y compris les chirurgiens-dentistes, devront appliquer le tiers payant pour tous les assurés dans le cadre des soins médicaux de ville. Du 1er juillet au 31 décembre 2016, sur la base du volontariat, les professionnels de santé pourront appliquer le tiers payant aux patients en affection de longue durée (ALD). Le tiers payant deviendra obligatoire pour ces patients à partir du 1er janvier 2017. Dès cette date, les professionnels de santé pourront, toujours sur la base du volontariat, appliquer le tiers payant à l’ensemble de la population avant sa généralisation le 30 novembre de la même année. À ce jour, le texte ne prévoit pas de sanction pour les professionnels récalcitrants.

La position du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé, le 21 janvier 2016, le principe : la généralisation progressive du tiers payant d’ici à 2017 pour les organismes d’assurance maladie de base. Dès le 1er juillet, les professionnels de santé en ville pourront dispenser d’avance de frais les patients pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie (ALD, femmes enceintes). Fin 2016, le tiers payant deviendra un droit pour tous ces patients uniquement, soit 15 millions de Français. Pour autant, le Gouvernement subit la censure de l’extension, à compter du 1er janvier 2017, du tiers payant pour les organismes d’assurance maladie complémentaire. Le Conseil constitutionnel a estimé « que le législateur n’a pas suffisamment encadré ce dispositif et a ainsi méconnu l’étendue de sa propre compétence ». En effet, il estime que le dispositif est parfaitement encadré pour la part concernant les organismes de Sécurité sociale. La ministre avait pris soin de faire figurer noir sur blanc dans la loi comment elle entendait astreindre l’Assurance maladie à les payer dans des délais contraints (7 jours maximum). En revanche, aucune mesure équivalente n’a été prévue pour encadrer les dépenses prises en charge par les organismes d’assurance maladie complémentaire (mutuelles).

Les impacts

En conséquence, et du fait de la position du Conseil constitutionnel, l’exonération d’avance de frais n’est plus que partielle. Les patients n’auront plus à débourser la part prise en charge par l’Assurance maladie, mais ils devront s’acquitter de la part des mutuelles. La position du Conseil constitutionnel prive singulièrement d’effet cette mesure phare du projet de santé, dès lors que l’objectif poursuivi était la simplification de l’accès aux soins.

À RETENIR

C’est une victoire fragmentaire pour les professionnels de santé qui ont obtenu la censure partielle de la loi. Ne doutons pas que l’élection présidentielle de 2017 aura une incidence sur ce nouveau mécanisme, surtout en l’absence de sanction contraignante…