Clinic n° 03 du 01/03/2016

 

ODONTOLOGIE RESTAURATRICE

Amandine BOLETTE*   Marcia BELLEFLAMME**   Audrey GUÉDERS***   Professeur Sabine GEERTS****  


*Licenciée en sciences dentaires
Chef de clinique adjoint
Service de dentisterie conservatrice
et de pédodontie
CHU de Liège (Belgique)
amandinebolette@hotmail.com
**Licenciée en sciences dentaires
Assistante
Service de dentisterie conservatrice
et de pédodontie
CHU de Liège (Belgique)
Marcia_belleflamme@hotmail.com
***Docteur en sciences dentaires
Chef de clinique
Service de dentisterie conservatrice
et de pédodontie
CHU de Liège (Belgique)
Audrey.gueders@gmail.com
****Docteur en sciences dentaires
Chef du Service de dentisterie conservatrice
et de pédodontie
CHU de Liège (Belgique)
Sab.geerts@gmail.com

Une patiente consulte pour une incisive centrale inférieure douloureuse et mobile. Au vu des examens radiographique et clinique, la dent 41 est perdue. La décision est prise de sectionner la couronne et de l’utiliser pour restaurer l’espace édenté par le biais d’une attelle en résine méthacrylate renforcée par des fibres de verre. En une seule séance, la dent est donc extraite et la couronne est fixée sur l’attelle. Le but de cet article est de présenter un matériau conçu pour la réalisation des attelles collées et de décrire son utilisation au travers d’une situation clinique.

Selon l’Académie américaine de parodontologie, une attelle de contention est un dispositif destiné à stabiliser des dents mobiles à la suite d’une maladie parodontale ou d’un traitement parodontal [1].

Les attelles de contention sont indiquées dans les cas de mobilités dentaires résiduelles après traitement parodontal. Elles améliorent la répartition des forces occlusales sur les dents ayant un support osseux réduit. Elles permettent aussi de stopper ou de prévenir les migrations dentaires. Enfin, elles peuvent servir d’ancrage à une couronne dentaire naturelle après extrac?tion ou encore se substituer à un pont collé.

Différents matériaux fibrés peuvent être utilisés pour la confection des attelles de contention. Parmi ceux-ci, l’everStick® PERIO (StickTech Ltd, Turku, Finlande) est une attelle constituée de fibres de verre englobées dans une matrice méthacrylate. Ce matériau est caractérisé par sa grande teneur en fibres (70 % du volume de l’attelle) ainsi que par sa résistance mécanique élevée [2]. Par ailleurs, toutes les fibres de verre sont présilanisées (ce qui implique qu’aucune préparation de l’attelle ne soit nécessaire) et unidirectionnelles (fibres longitudinales). En ce qui concerne la partie résineuse del’everStick® PERIO, elle présente également une originalité, à savoir l’IPN (inter-penetrating network) [3]. En fait, la matrice englobant les fibres de verre est constituée de bis-GMA (diméthacrylate glycidique de bisphénol A) prépolymérisé et de PMMA (polyméthacrylate de méthyle). Le tout est entouré par une gaine de PMMA. Le PMMA est un monomère qui présente la particularité d’être dissous par d’autres monomères méthacrylate. Néanmoins, le bis-GMA de la matrice des attelles everStick® PERIO étant prépolymérisé, il n’y a aucune interaction entre les deux composants résineux de ce matériau. En revanche, au moment de la réalisation de l’attelle, les monomères « frais » entrent en contact avec le PMMA de l’attelle, lequel se dissout, permettant ainsi le phénomène d’IPN. De la sorte, après la photopolymérisation, le composite ayant servi à coller l’attelle est intimement lié à celle-ci par le biais d’un réseau IPN et les différents éléments sont alors indissociables [4].

Les attelles de contention parodontales inférieures sont fréquentes et rapides à réaliser. Elles ne nécessitent aucune préparation cavitaire et sont donc collées sur l’émail à l’aide d’un système adhésif et d’un composite fluide. Le choix d’un système adhésif de type mordançage et rinçage (M&R) est donc indiqué [5]. Le collage se faisant exclusivement sur l’émail, l’application d’un primaire dentinaire est inutile. Ainsi, le choix d’un système adhésif de type one-bottle (M&R II) n’est pas justifié. Un système adhésif de type M&R III est donc privilégié en veillant à ne pas appliquer le primaire de ce système adhésif en 3 étapes.

Description du cas

Une patiente de 67 ans consulte pour une incisive centrale inférieure douloureuse et très mobile. L’examen clinique et radiographique révèle que la dent 41 doit être extraite (fig. 1 et 2). Après avoir obtenu le consentement éclairé de la patiente, il est décidé de réaliser une attelle de type pont collé, en se servant de la couronne dentaire naturelle de la 41. Cette procédure permet le comblement immédiat de l’espace édenté.

Clé vestibulaire en silicone

La réalisation d’une clé vestibulaire en silicone facilite la mise en place des attelles de contention parodontales. En effet, elle assure l’obtention d’une épaisseur minimale de l’attelle (les surépaisseurs linguales étant inconfortables). Elle permet aussi un contrôle optimal lors du repositionnement d’une dent extraite. Elle offre également la possibilité de travailler seul. Dans le cas clinique présenté ici, elle est réalisée (fig. 3) avant l’extraction de la 41.

La clé en silicone est d’abord coupée en deux moitiés vestibulaire et linguale. C’est la partie vestibulaire qui sera utilisée et recoupée en incisal et en cervical à l’aide d’une lame de bistouri afin de dégager le bord libre et le collet des dents. Des encoches verticales sont faites sur la face vestibulaire du silicone, en regard des espaces interdentaires. Elles permettront de stabiliser la clé à l’aide de fils dentaires et de maintenir fermement l’attelle contre les dents au moment de sa réalisation. La clé vestibulaire, façonnée de la sorte, est essayée en bouche pour s’assurer de sa bonne tenue sur les dents.

Digue

La pose d’un champ opératoire est indispensable pour optimiser le collage des attelles [6]. Ainsi, après l’extraction de la 41, une digue est placée (fig. 4), s’étendant au-delà des dents concernées par l’attelle. À ce stade, les surfaces dentaires linguales sont nettoyées (pierre ponce et eau stérile) puis sablées à l’aide d’oxyde d’alumine 20 µm (Cojet) afin d’améliorer l’adhésion micromécanique.

Une fois la digue en place, la clé en silicone est réessayée afin de s’assurer que rien ne gêne son positionnement (fig. 5 et 6).

Préparation de la 41

Après l’extraction de la 41, la couronne est sectionnée et sa face cervicale est obturée par un composite (fig. 7) afin de fermer l’orifice canalaire. Une rainure horizontale est taillée sur toute sa face linguale pour y enfouir l’attelle et donc augmenter sa rétention sur celle-ci. Les faces proximales de la 41 sont légèrement dépolies avec une fraise flamme diamantée de fine granulométrie. Aucune préparation cavitaire des autres dents n’est nécessaire.

Solidarisation de la 41

La première étape consiste à solidariser la couronne de la 41 aux dents voisines. Les surfaces proximales des dents jouxtant l’édentation ainsi que les faces mésiale, distale et linguale (rainure) de la 41 sont mordancées pendant 20 secondes à l’aide d’un gel d’acide phosphorique à 37 % (fig. 8).

Le gel est ensuite rincé et les surfaces dentaires sont séchées. En raison de la dentine qui y est exposée, la rainure linguale de la 41 est traitée à l’aide d’un primaire (Optibond™ FL, Kerr). La résine adhésive est ensuite appliquée puis photopolymérisée sur les surfaces dentaires qui viennent d’être préparées (31, 41 et 42). La dent 41 est solidarisée à ses voisines à l’aide d’un composite fluide (les Extra low shrinkage®, Saremco) placé au niveau des aires de contact des dents voisines et polymérisé (fig. 9). Pendant cette procédure, le repositionnement et le maintien en bonne place de la couronne de la 41 sont assurés par la clé vestibulaire.

Attelle

Afin d’éviter le gaspillage d’un matériau onéreux, il est préconisé de réaliser un gabarit pour déterminer la longueur de l’attelle. Celui-ci peut être conçu à l’aide de soie dentaire (fig. 10). Le matériau everStick® PERIO étant sensible à la lumière (en raison de ses composants résineux), il faut le conserver dans son enveloppe de protection en silicone jusqu’à son utilisation. C’est pourquoi la longueur nécessaire estimée (gabarit) est reportée sur l’enveloppe contenant l’attelle, laquelle est ainsi recoupée dans sa protection à l’aide d’une lame de bistouri (fig. 11).

Les surfaces linguales concernées sont mordancées à l’acide phosphorique pendant 20 secondes (fig. 12) puis rincées et séchées. Des morceaux (± 10 cm) de soie dentaire sont insérés dans les espaces interdentaires des canines et des incisives. Ils serviront à maintenir fermement l’attelle sur les dents pendant sa réalisation (fig. 13). La résine adhésive (Optibond™ FL) est appliquée sur les surfaces mordancées puis polymérisée. Une fine couche de composite fluide (els extra low shrinkage®) est déposée sur les surfaces mordancées (fig. 14). Après avoir sorti l’attelle everStick® PERIO de sa protection, elle est déposée, de proche en proche, sur les dents recouvertes de composite fluide non encore polymérisé (fig. 15). Les morceaux de soie dentaire sont noués, un par un, en ramenant le nœud en vestibulaire de la clé, laquelle est crantée à cet effet au niveau des espaces interproximaux (fig. 16). Cette façon de faire assure le plaquage de l’attelle sur les dents, lui permettant d’épouser parfaitement les surfaces surtout en cas d’encombrement. Après cette étape, une photopolymérisation est réalisée au niveau de chaque dent.

Les fils dentaires sont alors coupés et la clé est retirée. Les manques sont comblés par l’ajout de composite fluide. Les embrasures cervicales doivent être dégagées afin de permettre l’hygiène interdentaire. L’attelle est polie à l’aide de gommes et de brossettes (fig. 17 et 18). L’occlusion est contrôlée après dépose de la digue.

Contrairement à d’autres matériaux fibrés, l’avantage de l’everStick® PERIO est qu’il se laisse facilement recouper (si le gabarit avait quelque peu surestimé la longueur de l’attelle, celle-ci, une fois polymérisée, peut être aisément retaillée, ce qui n’est pas le cas de tous les matériaux fibrés).

Conclusion

Les attelles de contention parodontales et celles de type pont collé représentent une alternative de traitement intéressante tant sur le plan mécanique que sur le plan esthétique. De plus, leur mise en place est rapide puisque en une seule séance, la dent est extraite et refixée. Dans ce cas clinique, la patiente est repartie ravie de cette solution rapide, économique et conservatrice. Le traitement a permis d’éviter le port d’une prothèse amovible provisoire et, ainsi, de réduire le coût du traitement. Enfin, le suivi de ce type d’attelle est facile car en cas de fracture ou de décollement, il est possible de réintervenir ponctuellement. Néanmoins, 3 ans après la confection de cette attelle de type pont collé, aucune maintenance n’a encore été nécessaire.

Bibliographie

  • [1] American Academy of Periodontology. Glossary of periodontal terms. 4th edition, Chicago III: American Academy of Periodontology, 1986.
  • [2] Juloski J, Beloica M, Goracci C, Chieffi N, Giovannetti A, Vichi A et al. Shear bond strength to enamel and flexural strength of different fiber-reinforced composites. J Adhes Dent 2013;15:123-130.
  • [3] Wolff D, Geiger S, Ding P, Staehle HJ, Frese C. Analysis of the interdiffusion of resin monomers into pre-polymerized fiber-reinforced composites. Dent Mater 2012;28:541-547.
  • [4] Mannocci F, Sherriff M, Watson T, Vallittu PK. Penetration of bonding resins into fibre-reinforced composite posts : a confocal microscopic study. Int Endod J 2005;38:46-51.
  • [5] Van Meerbeek B, De Munck J, Mattar D, Van Landuyt K, Lambrechts P. Microtensile bond strengths of an etch & AMP : rinse and self-etch adhesive to enamel and dentin as a function of surface treatment. Oper Dent 2003;28: 647-660.
  • [6] Mahn E, Rousson V, Heintze S. Meta-analysis of the influence of bonding parameters on the clinical outcome of tooth-colored cervical restorations. J Adhes Dent 2015;17:391-403.