Clinic n° 02 du 01/02/2016

 

Guide pratique de la maintenance péri-implantaire

ENDODONTIE

Guillaume JOUANNY  

Docteur en Chirurgie Dentaire (Paris V)
Certificat d’Endodontie (Université de
Pennsylvanie)
Maîtrise en Sciences Odontologiques
(Université de Pennsylvanie)
Assistant Hospitalo-Universitaire (Paris V)
g.jouanny@gmail.com

La détermination de la longueur de travail intervient après l’exploration initiale et la sécurisation de la trajectoire instrumentale avec une lime manuelle (cathétérisme manuel) ou avec une lime en nickel-titane (NiTi) en rotation continue (cathétérisme mécanisé).

Cette longueur est limitée par le point de repère coronaire, d’une part, et la limite apicale de préparation et d’obturation, d’autre part (

La détermination de la longueur de travail intervient après l’exploration initiale et la sécurisation de la trajectoire instrumentale avec une lime manuelle (cathétérisme manuel) ou avec une lime en nickel-titane (NiTi) en rotation continue (cathétérisme mécanisé).

Cette longueur est limitée par le point de repère coronaire, d’une part, et la limite apicale de préparation et d’obturation, d’autre part (fig. 1).

Le but de tout traitement endodontique est la prévention ou le traitement des lésions inflammatoires périradiculaires d’origine endodontique (LIPOE). Ces lésions sont le résultat d’une inflammation des tissus parodontaux en regard des sorties canalaires (apex ou canaux accessoires).

Cette inflammation est une réponse immunologique face aux bactéries et à leurs produits de dégradation lorsque la pulpe est nécrosée. Il peut également s’agir d’une propagation de l’inflammation pulpaire dans les tissus péri-apicaux dans les cas de pulpite irréversible [1].

Dans tous les cas, le système immunitaire n’est pas capable de prendre en charge l’infection ou l’inflammation à l’intérieur du canal. Le but du traitement endodontique est donc d’éliminer le contenu canalaire et de le rendre le moins septique possible, et ce jusqu’à une zone où le corps est de nouveau capable de prendre en charge l’agression. Cette limite théorique se situe donc entre l’endodonte et les tissus parodontaux.

Même s’il n’existe pas de consensus absolu, il est généralement accepté que la constriction apicale doit être la limite apicale d’instrumentation car celle-ci indique la limite entre les tissus pulpaires et parodontaux [2].

Il existe de nombreuses études qui ont analysé la zone apicale de manière à savoir à quel niveau devraient se terminer l’instrumentation et l’obturation. Pour bien comprendre, il est important de distinguer les études anatomiques des études de taux de succès.

Études anatomiques

La zone apicale est une zone complexe. Les études anatomiques donnent des informations sur les structures en présence et leur morphologie.

En résumé, il existe quatre points de repère distincts au niveau de la zone apicale souvent sources de confusion (fig. 2).

Apex radiologique

C’est la limite apicale de la dent visible radiologiquement. Dans le langage courant, on l’appelle tout simplement l’apex. C’est la seule limite objectivable in vivo sur une radiographie d’un patient et donc sur une dent non extraite. Elle est de fait la plus souvent choisie comme critère d’analyse de l’obturation des traitements endodontiques (fig. 3).

Lorsque l’on regarde une radiographie, il faut toujours garder à l’esprit qu’il s’agit d’une projection en 2 dimensions d’une structure minéralisée en 3 dimensions. Il est intéressant de garder en tête l’image d’une dent extraite de manière à relativiser ce que l’on voit sur la radiographie (fig. 4 et 5).

Foramen apical

C’est l’ouverture principale du canal radiculaire. Ses berges sont constituées de cément. Du fait de la courbure apicale quasiment omniprésente et de l’épaisseur de la couche cémentaire, le foramen apical est situé la plupart du temps en retrait par rapport à l’apex radiologique (fig. 6 et 7). La distance moyenne entre l’apex radiologique et le foramen apical, d’une part, et entre l’apex radiologique et la constriction, d’autre part, est présentée sur la figure 8.

Le cément est un tissu minéralisé qui s’appose tout au long de la vie. La distance entre l’apex radiologique et le foramen apical est donc plus importante sur une dent âgée que sur une dent jeune. Toutes les études s’accordent également sur le fait que cette distance est plus importante pour les dents postérieures que pour les dents antérieures.

Constriction apicale

C’est la portion du canal qui a le plus petit diamètre. Elle varie en forme et en position. Dans une étude classique de 1984, Dummer et al. [2] ont répertorié 4 formes anatomiques différentes (fig. 9).

Cela fait longtemps que la sensation tactile est fréquemment décrite comme permettant de définir la position de la constriction apicale [3]. On comprend, à la lumière de ces différentes anatomies, qu’il soit effectivement possible de « sentir » ce rétrécissement mais il faut rester prudent quant à cette information. En effet, pour une constriction de type C ou D, la sensation de résistance au passage de la lime peut entraîner le praticien à sous-instrumenter.

Les études d’anatomie classiques qui se fondaient sur les sections de dents extraites et l’observation sous microscope optique avaient conclu que la constriction apicale était une structure anatomique inconsistante. Ces études, bien que très intéressantes, présentent une limitation majeure. En effet, l’interprétation de l’anatomie dépend en partie de l’orientation des coupes réalisées.

L’analyse non destructive en 3 dimensions pallie ces limitations. Une récente étude en micro-CT (computed tomography) (scanner de très haute précision) sur des molaires maxillaires et mandibulaires a démontré que cette constriction était toujours présente et pouvait donc constituer un repère anatomique [4]. Dans cette étude, la distance moyenne entre l’apex radiologique et le foramen apical était de 0,7 mm et la distance moyenne entre l’apex radiologique et la constriction apicale était de 0,9 mm.

Dans seulement 14 % des cas, la constriction correspondait avec le foramen.

Lorsque l’on choisit d’obturer au foramen apical ou à la constriction apicale, le traitement apparaît court à la radiographie de contrôle (fig. 10).

Un détail intéressant concerne le diamètre de la constriction : le diamètre moyen de la constriction des racines avec un seul canal (racines distales, mésio-linguales, mésio-vestibulaires mandibulaires et racines palatines, mésio-vestibulaires maxillaires sans MV2 [second canal dans la racine mésio-vestibulaire], et disto-vestibulaires) correspondait à celui d’un instrument de 35/100 de diamètre. Ces résultats se retrouvent également dans les études concernant les dents antérieures qui, la plupart du temps, présentent des diamètres encore plus importants [5]. Tout instrument de diamètre inférieur à 35/100 nettoierait donc de façon incomplète ce genre de canal. Enfin, les constrictions de patients jeunes (de moins de 30 ans) sont plus larges que celles des patients plus âgés.

Jonction cémento-dentinaire

C’est la jonction entre le cément et la dentine. Le cément s’invagine à l’intérieur du canal sur une distance plus ou moins grande et de façon asymétrique. Une étude [6] analysant cette zone particulière a conclu que les extensions de cément dans le canal au sein d’une même dent ainsi que d’une dent à une autre sont extrêmement variables. De plus, la jonction cémento-dentinaire ne peut être localisée cliniquement de manière reproductible. Ainsi, elle ne peut pas être prise comme point de référence mais doit être uniquement considérée comme une zone où deux structures histologiques distinctes se rencontrent.

Études analysant le taux de succès

Si les études de dents extraites donnent des informations très importantes pour comprendre une zone à laquelle le praticien n’aura jamais accès visuellement lors du traitement endodontique, les études analysant les taux de succès permettent, elles, de l’orienter vers une technique optimale.

Le succès du traitement dépend directement de la longueur de travail. Les canaux ne doivent pas être instrumentés de façon trop courte ni trop longue. En effet, si un canal est instrumenté de façon trop courte (en deçà de la constriction apicale), il existe un risque de laisser du tissu inflammatoire et/ou des tissus infectés et, donc, de ne pas le nettoyer de façon optimale. S’il est instrumenté de façon trop longue (au-delà du foramen apical), il existe un risque de passage de débris infectés dans l’espace péri-apical et, par conséquent, de réactivation postopératoire (flare-up) de l’inflammation .

La surinstrumentation peut aussi mener à une surobturation [7]. La présence d’un matériau étranger dans les tissus péri-apicaux peut être responsable d’une absence de guérison due à une inflammation chronique ou même de l’apparition d’une lésion [8].

On sait que le diagnostic pulpaire et péri-apical préopératoire est un facteur majeur dans le succès des traitements endodontiques. On retrouve de manière générale une différence de 10 % dans les taux de succès d’une dent vivante (pulpe saine ou inflammatoire) et d’une dent nécrosée qui présente une parodontite apicale.

Cette différence de taux de succès se retrouve également dans le choix de la longueur de travail.

Chugal et al. [9] ont analysé le taux de succès de 441 racines et ont fait la distinction entre les dents vivantes au départ et les dents nécrosées présentant une parodontite apicale. Parmi les dents vivantes, celles qui avaient guéri lors du contrôle avaient été obturées à 1,23 mm en moyenne de l’apex radiologique. En revanche, parmi les dents nécrosées, celles qui avaient guéri lors du contrôle avaient été obturées à 0,55 mm en moyenne de l’apex radiographique.

Dans une autre étude, Sjögren et al. [10] ont analysé le taux de succès chez 356 patients au bout de 8 à 10 ans. Parmi les dents nécrosées présentant une LIPOE, celles dont la limite apicale d’obturation était située entre 0 et 2 mm de l’apex avaient le meilleur taux de succès (94 %) alors que celles qui avaient été obturées au-delà de l’apex ou à plus de 2 mm de l’apex présentaient des taux de succès statistiquement inférieurs (respectivement 68 et 76 %) (fig. 11).

On remarque donc que les meilleurs taux de succès sont obtenus quand les canaux sont instrumentés et obturés en deçà de l’apex radiologique. Cependant, il est impossible de donner une distance à respecter entre l’apex radiographique et la limite apicale de préparation car cette distance varie grandement. C’est pourquoi la détermination de la longueur de travail ne peut pas reposer sur l’analyse radiographique ou la sensation tactile uniquement et l’utilisation d’un localisateur d’apex est indispensable.

Localisateur d’apex

Les localisateurs d’apex actuels de troisième génération, tels que le Root ZX de Morita qui est considéré comme la référence dans le domaine, fonctionnent selon la méthode du « ratio ». Cette méthode consiste à mesurer l’impédance des tissus à deux fréquences différentes simultanément et à calculer un quotient définissant la position de la pointe de l’instrument utilisé dans le canal. Pour être fiable, la mesure du localisateur d’apex doit être stable et ?répétitive. Seule l’information « Apex » doit être prise en compte. Il ne faut pas se fier aux mesures de distance données par l’écran lors de la progression de la lime dans le canal.

Conclusion

Le choix de la longueur de travail est une étape qui va déterminer la qualité de l’instrumentation lors du traitement endodontique et, donc, les chances de guérison de la pathologie traitée. Il existe différentes façons pour la déterminer.

La sensation tactile permet de localiser la constriction apicale. Cependant, selon les anatomies, se fier à cette seule sensation peut conduire à une sous-instrumentation. De plus, lorsque la dent présente une lésion et que la zone apicale est résorbée ou lorsque la dent est immature, cette constriction n’existe pas ou plus et cette sensation disparaît.

La radiographie lime en place peut donner une indication sur les courbures éventuelles du canal ainsi qu’une bonne estimation de la longueur. Cependant, l’apex radiologique est toujours plus apical que le foramen apical et que la constriction. La radiographie lime en place seule ne peut pas suffire.

Le localisateur d’apex, qui donne une mesure stable et répétitive, associé à la radiographie lime en place si besoin et à la sensation tactile permet de déterminer la longueur de travail de façon optimale.

Le foramen apical et la constriction apicale sont deux points de référence qui peuvent être choisis comme limite d’instrumentation et d’obturation. Il n’existe pas d’étude des taux succès montrant qu’un repère est supérieur à un autre. En revanche, que l’on choisisse le foramen apical ou la constriction apicale comme limite d’instrumentation et d’obturation, cette limite est dans la majorité des cas en retrait par rapport à l’apex radiologique.

Lorsqu’une dent est obturée à l’apex radiologique dans le cas d’une dent adulte saine où la zone apicale n’est pas résorbée, alors elle a vraisemblablement été surinstrumentée et surobturée.

Les praticiens que nous sommes ne traitent pas des images mais des dents et il est important de ne pas sacrifier les objectifs biologiques au profit de l’esthétique radiologique.

Bibliographie

  • [1] Khayat BG, Byers MR, Taylor PE, Mecifi KB, Kimberly CL. Responses of nerve fibers to pulpal inflammation and periapical lesions in rat molars demonstrated by calcitonin gene-related peptide immunocytochemistry. J Endod 1988;14: 577-587.
  • [2] Dummer PM, McGinn JH, Rees DG. The position and topography of the apical canal constriction and apical foramen. Int Endod J 1984;17:192-198.
  • [3] Sommer RF, Ostrander FD, Crowley MC. Clinical endodontics. Philadelphie : W.B. Saunders Co., 1966.
  • [4] El Ayouti A, Hülbe-J M, Judenhofer MS, Connert T, Mannheim JG, Löst C et al. Apical constriction: location and dimensions in molars-a micro-computed tomography study. J Endod 2014;40:1095-1099.
  • [5] Wu MK, R’oris A, Barkis D, Wesselink PR. Prevalence and extent of long oval canals in the apical third. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2000;89:739-743.
  • [6] Ponce EH, Vilar Fernández JA. The cemento-dentino-canal junction, the apical foramen, and the apical constriction: evaluation by optical microscopy. J Endod 2003;29:214-219.
  • [7] Ricucci D, Langeland K. Apical limit of root canal instrumentation and obturation, part 2. A histological study. Int Endod J 1998;31:394-409.
  • [8] Yusuf H. The significance of the presence of foreign material periapically as a cause of failure of root treatment. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1982;54:566-574.
  • [9] Chugal NM, Clive A, Spångberg LS. Endodontic infection: some biologic and treatment factors associated with outcome. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2003;96:81-90.
  • [10] Sjögren U, Hagglund B, Sundqvist G, Wing K. Factors affecting the long-term results of endodontic treatment. J Endod 1990;16:498-504.

Au cours du traitement endodontique, la « longueur de travail » définit une zone endodontique comprise entre une limite coronaire et une limite apicale. Cette zone doit être physiquement instrumentée pour permettre la guérison. La détermination de la longueur de travail est donc une étape importante lors du traitement.