Clinic n° 02 du 01/02/2016

 

Équipe et Espace

Catherine Faye  

La Clinique du sourire* est un des cabinets dentaires les plus prisés de Dakar. Si le cadre et l’équipement de pointe y constituent l’un des attraits majeurs, c’est surtout la qualité des soins et de l’accueil qui en a fait sa réputation. Une réussite portée par l’idée de mission de Yehya Farhat, diplômé de la faculté d’odontologie de l’université Claude-Bernard à Lyon.

Nichée au fond d’une petite impasse, la Clinique du sourire occupe une place de choix à Dakar. Sa façade ocre, grise et sable s’étire en surplomb de la mer, entre ambassades et résidences installées le long de la corniche. Adossée à la maison du praticien, elle se fond dans une structure architecturale épurée où l’agencement des espaces de vie et de travail a été pensé en termes de fonctionnalité et d’esthétisme. L’atmosphère y est apaisante. Dès l’entrée, l’alliance de plantes vertes et de panneaux en bois apporte une touche cosy aux zones d’accueil et de passage vers les salles de soins. Une ambiance voulue par Yehya Farhat, libano-sénégalo-français, pour qui bien-être rime avec savoir-faire. Plus qu’un sourire parfait, c’est un sourire de quiétude et de satisfaction que prône le chirurgien-dentiste, qui peut se targuer d’avoir été pionnier en matière d’implantologie au Sénégal.

Architecture de la bouche

Un succès qui n’aurait pas été possible sans une volonté de fer. Car le parcours de ce fils de commerçants libanais émigrés sort des sentiers battus. Issu d’une fratrie de 12 enfants, il a 10 ans lorsqu’il atterrit au Sénégal. Il voit en l’école une chance qu’il saisit. « Je voulais devenir architecte mais, à la fin des années 1970, il n’y avait pas ce type d’enseignement à Dakar. » Un jour, sa dentiste, une praticienne française installée dans la capitale sénégalaise, lui propose de venir en observation dans son cabinet pendant les vacances scolaires. Il réalise que la dentisterie s’apparente d’une certaine façon à l’architecture. Sculpter, construire, reconstruire, oui, mais à l’intérieur de la bouche. De nouveaux horizons s’ouvrent à lui. Il décide de s’inscrire à la faculté d’odontologie de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (UCAD). Jusqu’à ce qu’un de ses professeurs lui suggère un jour de profiter du système d’équivalences et de jumelage, encore en vigueur à l’époque, pour aller effectuer ses dernières années à la faculté de Lyon et obtenir un diplôme français. Convaincu de la pertinence de ce consei, il part, mais seul et sans un sou.

Les premiers mois sont durs. « Je n’avais pas d’argent, ma famille ne pouvait pas m’aider et elle me manquait. Mais il fallait que je prouve que j’étais capable de le faire. Et que je l’assume. » Il vit alors dans une cave, suit les cours le jour, travaille la nuit. Pour ce déraciné, dont la valeur du lien familial n’a pas d’égal, l’épisode a laissé un goût amer, vite estompé par l’obtention de son diplôme en 1984 et la soutenance de sa thèse la même année. « Je n’avais pas de temps à perdre. Ni les moyens. » Mais le retour au Sénégal n’est pas à la hauteur de ses espérances professionnelles. Il est obligé de faire du porte-à-porte, finit par trouver un poste dans un cabinet, travaille dur, continue à se former. Un an plus tard, il décide de s’expatrier de nouveau. Au Maroc, cette fois-ci. « Je ne retrouvais pas au Sénégal ce que j’avais vu en France. Mai, j’étais trop jeune pour forcer les choses. J’ai pensé que le Maroc, un pays entre Afrique noire et Europe, serait un tremplin. » Il y travaille pendant 1 an, en milieu rural, à l’Office chérifien des phosphates (OCP) qui lui propose de l’engager en doublant son salaire. Il refuse : « Je ne voulais pas être salarié, je savais ce que je voulais. Mon cabinet actuel, je l’avais déjà en tête. »

Route ascendante

Pour réaliser son rêve, il sait qu’il va encore falloir besogner. Il pense d’abord aller à Perpignan, se dit qu’au fond, « il n’y a qu’à Paris que l’on peut se noyer dans la foule, surtout quand on est libanais et musulman ». Il a 23 ans, repère un local dans une petite rue du 15e arrondissement, prend rendez-vous dans une banque, avec pour seule garantie son diplôme, décroche un prêt grâce à sa force de conviction, à l’aune de son ambition. Une nouvelle aventure commence. « J’aime le genre humain et ma pratique est vite devenue une passion », confie Yehya Farhat. L’expérience parisienne dure 8 ans. « J’ai commencé par soigner mes voisins, puis le bouche à oreille a fait son œuvre et j’ai fini par attirer une patientèle multiculturelle, notamment les employés de l’UNESCO qui était proche de mon cabinet. » Il rembourse peu à peu ses dettes, fonde une famille, se forme à l’implantologie. En quelques années, son cabinet ne suffit plus pour répondre à la forte demande ni pour lui permettre d’installer les équipements high-tech que sa spécialisation requiert. On est en 1992. Le praticien voit grand et commence « par chercher un cabinet vers la Madeleine ou les Champs-Élysées ». Ce n’est pourtant pas dans cette direction que son choix va se porter. Il cède à la demande de sa famille qui souhaite être réunie à nouveau : c’est à Dakar qu’il poursuivra désormais sa carrière.

Qu’à cela ne tienne, il trouve un premier local en plein centre de la capitale, près du célèbre marché Kermel, puis un second, 3 ans plus tard, plus spacieux, de 200 m2, près de la cathédrale du Souvenir africain. Et il se donne les moyens de ses ambitions : CEREC 3D, système Kodak 9000… Il y accueille une collaboratrice orthodontiste, libanaise comme lui,et se perfectionne : DU en biomatériaux et systèmes implantables, certificat d’anatomie de chirurgie implantaire et des techniques avancées, formation en sédation consciente. En 2003, alors qu’il fait son jogging, il tombe par hasard sur un terrain de 800 m2 à vendre : le terrain qu’il avait toujours espéré trouver. « Pour moi, tout était tracé. » En un tournemain, et grâce à son réseau relationnel, il parvient à l’acquérir.

Mission accomplie

Il faudra 6 années pour que cabinet dentaire (360 m2 sur 2 niveaux) et maison attenante voient le jour. Yehya Farhat confie cette mission à l’architecte dakarois Zeyd Ayad, à la société française spécialisée dans la fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire Airel et au technicien pour fauteuils et équipement dentaire Adec. Au rez-de-chaussée, accueil, salle d’attente et large couloir précéderont un bureau, deux salles de soins, une salle de radiographie et le laboratoire de prothèses dentaires. Au sous-sol, pharmacie, salle à plâtre, stérilisation, salle de repos et bloc chirurgical occuperont un espace à part, préservé. Écrans plasma Sharp Zenium, radiographie panoramique en 3D, cone beam – le cabinet étant la seule structure dentaire à en posséder un en Afrique de l’Ouest –, matières nobles, baies vitrées, circulation facilitée par l’agencement des espaces, lumière naturelle et éclairages indirects viennent compléter le tableau. En 2009, le cabinet ouvre ses portes.

Dès lors, trois assistantes, dont une stagiaire, une secrétaire et un technicien de surface, le rejoignent. Puis, c’est le tour de Badaoui Rouda, chirurgien-dentiste spécialisé en endodontie, diplômé en 2009 de la faculté d’odontologie de l’UCAD. Une équipe soudée qu’Imane, son épouse, directrice administrative, et Christophe Mouchel, prothésiste, vont rallier. Cette palette d’intervenants facilite des prises en charge complètes et de qualité. « Ici, tout est très personnalisé. Nous faisons du sur-mesure », assurent les praticiens. Aujourd’hui, malgré quelque 120 cabinets dentaires à Dakar, la Clinique du sourire attire invariablement une patientèle exigeante.

* www.cliniquedusouriresenegal.com

On aime

Le laboratoire de prothèses tout en baies vitrées qui, comme certaines cuisines de grands chefs, donne à voir. Rien n’est occulté et toutes les prothèses sont faites sur place en concertation avec le patient et le praticien.