À l’heure où la COP21 a fait du climat une priorité, le syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) invite toute la filière dentaire à travailler à la création du cabinet dentaire éco-responsable du XXIe siècle.
Zéro déchet, le livre de Béa Johnson, a été comme un révélateur pour le SFCD qui s’intéresse depuis plusieurs années à l’impact de l’activité dentaire sur l’environnement. « Nous nous sommes posé la question des déchets du cabinet dentaire », explique Nathalie Ferrand, présidente de la Commission éco-responsabilité du SFCD, qui cosigne avec trois consœurs et un formateur en création et innovation technologiques Le cabinet dentaire du XXIe siècle. Introduction à l’éco-responsabilité par la conception éthique*. « Ce livre n’a pas la prétention d’apporter des réponses. Il n’a pas non plus d’objectif polémique ; il n’est pas question de monter les dentistes contre les industriels. Mais nous pensons que toute la filière dentaire doit engager une réflexion sur un modèle de cabinet dentaire éco-responsable », explique Nathalie Ferrand.
De la gadgétisation à la mécanisation excessive en passant par la « toxicité des produits à l’insu du praticien », la « sur-technologisation », l’intégration des consommables, la « pseudo-obsolescence et la réduction volontaire de la durée de vie » du matériel, l’ouvrage détaille « 7 critères de conception éco-inconsciente » des produits utilisés par la profession. « Le matériel est parfois conçu non en fonction de nos besoins de praticiens mais en fonction des besoins de développement d’un marché. Dans le cas des fauteuils, de nombreux éléments ne nous apportent rien. » La diffusion de matériel jetable est aussi pointée du doigt. « On a perdu la limite entre ce qui est relatif à l’hygiène et ce qui est relatif au marché ou à une façon de montrer au patient que l’on prend toutes les précautions. Avec l’impératif environnemental, ce n’est plus possible. » Attention aussi aux équipements de très haute technologie. « Fragiles, ils coûtent chers, consomment beaucoup d’énergie, mettent l’humain de côté, est-ce qu’ils nous donnent les moyens de mieux soigner ? » interroge Nathalie Ferrand.
Les solutions jusqu’à présent explorées, comme la démarche de développement durable lancée par l’ADF, ne vont pas assez loin. « Nous continuons à vivre avec quelques aménagements mais sur le même mode. Avec l’éco-responsabilité, nous sommes obligés de prendre en compte tous les paramètres. On ne peut plus continuer à soigner comme on le fait », prévient Nathalie Ferrand. Il s’agit déjà pour les praticiens de revoir leur façon d’acheter. Les auteurs proposent d’élaborer un « guide d’achat » qui prend en compte la toxicité des produits, la façon dont ils ont été conçus, la possibilité qu’ils ont d’être réparés… « Les industriels s’intéressent à cette approche », assure Nathalie Ferrand, « c’est une affaire de déplacement de marché. La pression des patients qui souhaitent des soins non toxiques est forte et fera bouger les choses assez vite. Les industriels qui se seront adaptés auront les parts de marché. » Au-delà du guide d’achat, toutes les facettes de l’exercice sont à repenser, les relations avec les patients, le système de prise en charge… « Si nous modifions la conception des matériaux, nos plans de traitement mais aussi notre formation, nos relations avec les patients, on peut enclencher une autre dynamique et prouver qu’il est possible d’organiser toute une filière à partir d’objectifs environnementaux », affirme Nathalie Ferrand qui voit, dans ce « tournant historique » pour la chirurgie dentaire, « une chance » de redonner une nouvelle « dynamique positive » à la profession.
* Le cabinet dentaire au XXIe siècle. Introduction à l’éco-responsabilité par la conception éthique, par Nathalie Ferrand, Marie Brasset, Gundra Doubovetsky, Hélène Pic, avec la collaboration de Laurent Ambroise-Casterot, aux éditions Un autre reg’art (84 pages).