Juridique
Cabinet Houdart et associés - Avocat au barreau de Paris
L’Ordre des médecins a infligé une sanction disciplinaire à l’un de ses pairs en raison du caractère illisible de ses feuilles de soins. Une telle affaire peut-elle être transposée à l’odontologie ?
À l’occasion d’un contrôle de l’activité d’un médecin généraliste portant sur les feuilles de soins allant de juillet 2011 à janvier 2012, l’Assurance maladie a reproché au médecin de les avoir rédigées de façon illisible, provoquant ainsi des difficultés dans la lecture des différentes mentions nécessaires au remboursement des soins. Notamment étaient reprochés le caractère illisible des noms et prénoms de certains assurés empêchant leur identification, du montant des honoraires, de la date de réalisation des soins, de l’absence de mention du numéro d’identification de l’assuré et de l’adjonction de mentions inutiles rendant difficile l’identification du professionnel. Selon l’Assurance maladie, « ces graves négligences ont engendré des risques d’erreurs de traitement des documents et des retards dans les remboursements ». Elle a donc porté plainte auprès du Conseil départemental de l’Ordre. En défense, le médecin excipait du fait qu’une écriture illisible ne constituait pas une faute en soi. Il demandait à l’Assurance maladie de prouver que des erreurs auraient été commises en raison de son écriture. Il soulignait qu’en 30 ans d’exercice, il n’avait rencontré aucun problème à cause de son écriture et que le faible nombre de documents litigieux sur la période considérée présumait d’une absence de faute. Reprenant chaque dossier, le Conseil départemental a constaté que l’écriture du médecin rendait délicate l’identification d’informations nécessaires au remboursement. Il lui a donc affligé une sanction d’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de 6 mois dont 5 mois avec le bénéfice du sursis. Le médecin a alors fait appel de la décision devant le Conseil national de l’Ordre, qui a cependant confirmé pleinement la peine infligée.
Le Code de déontologie impose au médecin, en son article 76, de rédiger de manière lisible tout certificat, ordonnance, attestation ou document qu’il délivre. Il doit permettre l’identification du professionnel prescripteur. Il existe donc une obligation déontologique contraignant le professionnel à assurer la lisibilité de ses écrits. La peine infligée au professionnel est particulièrement sévère car il avait déjà fait l’objet de sanctions pour des comportements similaires, les mêmes griefs lui ayant été reprochés, et il a maintenu son comportement malgré les mises en garde dont il a fait l’objet.
On doit s’interroger sur le fait de savoir si cette sanction pourrait être prononcée à l’encontre d’un chirurgien-dentiste, ès qualités de professionnel de santé. En d’autres termes, s’agit-il d’une obligation déontologique applicable à tout professionnel de santé ? On pourrait répondre par la négative. En effet, force est de constater que le Code de déontologie applicable aux chirurgiens-dentistes pose deux obligations : tout certificat ou document émanant d’un chirurgien-dentiste doit être signé et rédigé en français. À aucun moment le chirurgien-dentiste n’est soumis à une obligation de lisibilité de ses écrits, à l’instar du médecin. Si un tel fait venait à être reproché à un professionnel de l’odontologie, il ne s’agirait donc pas d’une faute déontologique mais d’une faute civile, en ce qu’elle placerait l’Assurance maladie ou les patients dans l’incapacité d’analyser la demande de remboursement ou de se faire rembourser.
La lisibilité des écrits d’un chirurgien-dentiste est une simple obligation morale sous-tendue par la responsabilité professionnelle. Il ne faudrait effectivement pas qu’une erreur de lecture entraîne une erreur de soins ou de prescription de médicaments. En conséquence, si aucune obligation déontologique ne pèse sur le chirurgien-dentiste en la matière, il doit apporter un soin à ses écrits sous peine d’engager sa responsabilité personnelle.