Clinic n° 10 du 01/11/2015

 

Restauration numérique

Gary FINELLE*   Asselin BONICHON**  


*Post graduate d’implantologie orale,
Harward School of Dental Medicine
Fellow ITI – Attaché hospitalier,
consultation esthétique (Bioteam Paris)
Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine
**Prothésiste dentaire

Les possibilités numériques dans le domaine de l’implantologie ne cessent de s’élargir. L’utilisation des techniques de fabrications additives par conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), telles l’impression 3D, permet désormais de générer des modèles de travail issus de l’empreinte optique de plus en plus fiables, reproductibles et confortables pour les prothésistes.

La notion de « dentisterie numérique » a été introduite, à l’université d’odontologie de Lyon en 1973 par François Duret [1]. Il décrit alors précisément les fondements de la CFAO et du procédé de numérisation intra-orale qu’il définira par les termes « empreinte optique ».

Depuis 30 ans, la CFAO en dentisterie s’est démocratisée dans les cabinets dentaires à travers les évolutions du système CEREC (ceramic reconstruction), premier système de CFAO directe commercialisé en dentisterie. La CFAO directe offre aux cliniciens la possibilité de générer des éléments prothétiques directement modélisés et usinés en interne au cabinet via une usineuse couplée au système d’empreinte.

Au cours des 10 dernières années, les avancées en matière de CFAO ont été considérables dans les laboratoires, en grande partie grâce aux scanners de table qui numérisent quotidiennement les modèles obtenus par les techniques d’empreinte traditionnelle. On parle alors de CFAO indirecte.

En implantologie, la nécessité d’avoir à sa disposition des piliers implantaires personnalisables dont les matériaux répondent à un cahier des charges esthétiques et mécaniques rend la CFAO de plus en plus indispensable (au détriment des techniques conventionnelles de piliers personnalisés coulés). Pour autant, l’utilisation d’un modèle de travail physique demeure indispensable dans les situations esthétiques, de restaurations plurales ou lorsque les laboratoires ne sont pas équipés de CEREC. Le modèle virtuel obtenu à partir de la prise d’empreinte optique exportable sous forme de fichier STL (fichier 3D issu de l’empreinte optique) peut alors être acheminé vers une technique de fabrication additive (par impression 3D) permettant de générer des modèles physiques. Il s’agit de la CFAO semi-directe [2].

Il existe donc une voie d’accès intermédiaire vers la CFAO qui permet de bénéficier des avantages de la prise d’empreinte optique au cabinet dentaire sans pour autant s’affranchir de la fabrication d’un modèle.

Cette technique est particulièrement intéressante dans les cas de reconstructions implanto-portées (et/ou implanto-dento-portées) où la prise d’empreinte optique apporte des avantages non seulement en matière de perception et de confort pour le patient [3, 4] mais également de simplicité pour le praticien [5, 6].

De récentes études in vitro ont montré qu’elle permettait d’obtenir des précisions et une fiabilité au moins aussi satisfaisantes qu’avec les techniques d’empreinte traditionnelles [7]. Contrairement aux méthodes de CFAO indirecte, le processus de numérisation s’effectue dès la première étape d’enregistrement au cabinet dentaire ; ainsi, les risques d’erreurs liés à la fabrication d’un modèle en plâtre en sont réduits (déformation de l’empreinte, expansion du plâtre et procédés de numérisation indirecte par le laboratoire).Le cas clinique ci-dessus (fig. 1 à 20) décrit l’organisation de la chaîne numérique et prothétique dans la restauration implanto-dento-portée du secteur antérieur.

Discussion

La fabrication additive a été introduite dans les années 1980 grâce au procédé de stéréolithographie (SLA). Cette technique a été initialement mise au point pour disposer rapidement d’un prototype avant la production à grande échelle d’un produit ou d’un objet, d’où le nom de prototypage rapide. Aujourd’hui, la fabrication additive, ou impression 3D, est également utilisée pour la fabrication de pièces fonctionnelles.

L’évolution de cette technique et son implantation dans de nombreux secteurs de la société connaissent actuellement un essor sans précédent en raison des bénéfices économiques, écologiques et techniques qu’elle apporte, notamment :

• l’économie de matériaux, la matière qui n’a pas été utilisée étant recyclable ;

• le gain de productivité, plusieurs pièces pouvant être fabriquées simultanément ;

• la précision et la reproduction du détail. À l’inverse du procédé d’usinage (technique soustractive), la fabrication de l’objet n’est pas limitée par le diamètre de l’outillage rotatif ;

• la reproduction de formes et d’objets anatomiques complexes ;

• l’adaptation des matériaux. La densité, la teinte et la combinaison des matériaux sont des paramètres qui peuvent être contrôlés lors d’une fabrication additive.

Rapidement, la fabrication additive s’est élargie à d’autres domaines d’activité et, en particulier, à l’industrie médicale et dentaire [11]. Les premiers prototypages servaient à produire des modèles en résine d’une situation anatomique pour assister la préparation et le traitement des procédures chirurgicales. Dans le domaine dentaire, des guides chirurgicaux étaient virtuellement conçus sur les logiciels de planification implantaire en fonction du positionnement virtuel des implants puis fabriqués pour assister la mise en place chirurgicale. Cette technique s’est largement démocratisée et est aujourd’hui utilisée de manière routinière en chirurgie implantaire [12].

Dans le domaine de la prothèse, les exigences de précision et de matériaux rendent les applications plus limitées. Mais les nombreux avantages de l’impression 3D associés aux capacités des techniques de fabrication additive les plus récentes ouvrent de nouvelles possibilités dans le domaine de la prothèse et, plus spécifiquement, dans la fabrication de modèles de travail de laboratoire issus d’une empreinte optique prise au cabinet dentaire.

Outre l’apport indéniable dans l’organisation de la chaîne prothétique entre le laboratoire et le cabinet dentaire, la fabrication additive de modèles en prothèse fixe dento-portée et/ou implanto-portée permet de :

• réduire les étapes de laboratoires ;

• fabriquer plusieurs jeux de modèles de manière reproductible ;

• réaliser une fabrication segmentée des éléments prothétiques et anatomiques sur le modèle comme les modèles positifs unitaires ou la gencive individualisés (fig. 11) ;

• s’affranchir du temps et des frais de livraison entre le cabinet dentaire et le laboratoire de prothèses [13, 14].

Conclusion

Indiscutablement, la fabrication additive en matière de dispositifs biomédicaux, techniques, matériaux est en perpétuelle évolution. Nul doute que l’impression 3D est là pour rester et apporter de nouvelles applications dans le monde de la dentisterie. Néanmoins, nous devons être conscients que les machines et logiciels changeront avec les avancées générationnelles et que la validation scientifique est insuffisante au vu de l’afflux des nouveaux progrès continuellement introduits par l’industrie.

Bibliographie

  • [1] Duret F. Dental CAD/CAM. J Am Dent Assoc 1992;123:11-14.
  • [2] Schneider C, Finelle G, Galluci G. L’organisation du flux numérique en dentisterie. Rev Odont Stomatol 2015;44:147-161.
  • [3] Lee S, Macarthur R, Gallucci G. An evaluation of student and clinician perception of digital and conventional implant impressions. J Prosthet Dent 2013;110: 420-423.
  • [4] Van der Meer WJ, Andriessen FS, Wismeijer D, Ren Y. Application of intra-oral dental scanners in the digital workflow of implantology. PLoS ONE 2012;7:e43312.
  • [5] Yuzbasioglu E, Kurt H, Turunc R, Bilir H. Comparison of digital and conventional impression techniques : evaluation of patients’ perception, treatment comfort, effectiveness and clinical outcomes. BMC Oral Health 2014;14:10.
  • [6] Ting-Shu S, Jian S. Intraoral digital impression technique : a review. J Prosthodont 2015;24: 315-321.
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  • [8] Finelle G, Lehmann N, Coachman C. Technique de prévisualisation du sourire dans la réhabilitation du secteur antérieur. Rev Odont Stomatol 2015 ;44:162-174.
  • [9] Buser D, Chappuis V, Bornstein mm, Wittneben JG, Frei M, Belser UC. Long-term stability of early implant placement with contour augmentation. J Dent Res 2013;92 (suppl.):176S-182S.
  • [10] Magne P, Magne M, Jovanovic SA. An esthetic solution for single-implant restorations – type III porcelain veneer bonded to a screw-retained custom abutment: a clinical report. J Prosthet Dent 2008;99:2-7.
  • [11] Sun J, Zhang FQ. The application of rapid prototyping in prosthodontics. J Prosthodont 2012;21:641-644.
  • [12] Torabi K, Farjood E, Hamedani S. Rapid prototyping technologies and their applications in prosthodontics, a review of literature. J Dent (Shiraz) 2015;16:1-9.
  • [13] Van Noort R. The future of dental devices is digital. Dent Mater 2012;28:3-12.
  • [14] Feuerstein P, Adams D. New technologies shape the future of dentistry. Dent Today 2015;34: 88, 90, 92.