Orthodontie/prothèses
Master of science in orthodonticsSpécialiste ODF
Exercice libéral
Boulogne-Billancourt
La multiplication des traitements prothétiques implanto-portés dans les secteurs visibles lors du sourire nous amène à rechercher des solutions de temporisation esthétiques, rapides, confortables pour le patient, pratiques pour le praticien et, si possible, peu onéreuses. Les techniques orthodontiques peuvent apporter dans ce domaine deux solutions intéressantes et faciles à réaliser. Le but de cet article est de présenter et décrire ces procédures cliniques accessibles à tous, omnipraticien ou orthodontiste.
Les édentements, qu’ils soient dus à des extractions ou à la création et au maintien d’un espace par mouvement orthodontique, constituent toujours une doléance lorsqu’ils sont visibles dans le sourire. Les temps de cicatrisation, d’ostéo-intégration et de restauration engagent généralement une durée de quelques semaines, voire de quelques mois, pour atteindre les objectifs de traitement. Une temporisation doit donc être proposée pour accompagner cette phase préprothétique. Ces espaces édentés sont le plus souvent encadrés par des dents saines ou déjà restaurées ce qui, dans un souci de préservation tissulaire, limite les possibilités de rétention fixe.
Les objectifs du traitement provisoire sont multiples : l’espace doit être comblé par une dent anatomiquement et esthétiquement semblable à celle qui est absente. Le système doit maintenir l’espace prothétique pendant toute la durée de la phase préprothétique. Il doit être, le plus facilement possible, démonté et remis en place à chaque séance intermédiaire. Il doit pouvoir être réalisé assez rapidement et retouché aisément par soustraction ou adjonction de résine. Enfin, la notion de confort et de coût est un déterminant important pour le patient.
Plusieurs techniques répondent à ce cahier des charges :
• dans les cas les plus favorables, l’extraction-implantation immédiate et la mise en esthétique immédiate sont les solutions de choix. Cette situation est assez rare ;
• dans d’autres cas, classiquement, une empreinte et son moulage initial peuvent permettre d’anticiper ou de programmer rapidement la réalisation d’une prothèse adjointe partielle en résine avec des crochets façonnés. Cette solution ne répond pas toujours au confort attendu par le patient, en raison soit de son encombrement, soit de son instabilité. La présence des crochets contrarie souvent l’intégration esthétique ;
• parfois, le collage direct d’une dent en résine, au niveau des faces proximales, avec un incrément de composite ou d’une colle 4-META (Super-Bond®-Morita) permet d’atteindre une solution rapide mais des risques de décollement existent et le démontage et le remontage du système compliquent les séances intermédiaires.
Pour pallier ces difficultés, des solutions, empruntées aux moyens de traitement orthodontiques peuvent aussi répondre avantageusement aux objectifs attendus d’un traitement provisoire.
De nombreux traitements pluridisciplinaires impliquent une prise en charge orthodontique préalable. Au cours de ces traitements, il est possible de placer une dent provisoire en extension, en la collant sur l’une des dents voisines (fig. 1 et 2). Il ne faut pas prendre appui sur les deux dents voisines car les mouvements dentaires d’une dent par rapport à l’autre seraient bloqués. Or, il est souvent nécessaire, pour créer des espaces préprothétiques idéaux, tant au niveau radiculaire que coronaire, de déplacer ces dents en parallélisant leur axe ou en agrandissant ou réduisant l’espace coronaire. Ce procédé s’utilise lors des traitements multibagues vestibulaires ou linguaux ou des traitements à l’aide de gouttières. Il est également possible de fixer une facette en résine sur un arc en place pour occuper l’espace de dents extraites au cours du traitement (fig. 3). Ces solutions sont peu onéreuses, rapides, pratiques et confortables pour le patient. Elles demandent cependant des précautions lors de la mastication et une hygiène ciblée. Elles nécessitent d’être adaptées lors des étapes de finalisation du traitement implantaire et prothétique. À ce moment, les facettes ou même l’arc pourront être démontés et remis en place après l’intervention. Cette solution réclame une bonne collaboration entre le praticien et l’orthodontiste.
Très utilisées pour les traitements orthodontiques ou les contentions post-traitement, les gouttières thermoformées offrent une solution intéressante comme support de dent provisoire. Issues d’une empreinte globale à l’alginate, elles peuvent être réalisées au cabinet ou au laboratoire. Les équipements de thermoformage sont très accessibles et faciles d’emploi. Ils servent à confectionner des gouttières transparentes avec différents matériaux en plastique aux rigidités variables (ERKO, réf. ERK524210 par exemple).
L’empreinte doit être prise avant l’extraction de la dent, tant que la forme anatomique est présente. Dans le cas où la dent n’existe pas ou est détruite, l’espace à combler est aménagé sur le modèle obtenu avec des dents en résine ajustées et maintenues à leur place au moment du thermoformage. Ensuite, le site de la dent manquante ou à supprimer est comblé directement dans la gouttière par du composite ou de la résine adapté en teinte (fig. 4 à 6). Les patients sont généralement très satisfaits par cette solution. Rapide et pratique pour le praticien, elle est très confortable pour le patient qui ne ressent que les surfaces lisses de la gouttière et une très bonne stabilité. Cependant, la gouttière devant être retirée lors de la mastication, l’esthétique n’est pas préservée lors des repas. Il est donc préférable d’avoir recours à une technique plus classique pour les dents très antérieures.
Des systèmes d’attaches orthodontiques peuvent être utilisés de manière astucieuse pour assurer le remplacement d’une dent absente à l’aide d’un dispositif fixe, facile à retirer et à remettre en place au cours des étapes de la réalisation implantaire et prothétique. Il consiste à coller des attaches linguales sur les dents adjacentes à l’édentement puis à confectionner in situ un mini-arc inclus dans la dent provisoire.
La réalisation de ce système est une procédure assez simple. Elle nécessite le matériel suivant :
• deux attaches linguales autoligaturantes (GAC Innovation par exemple) (fig. 7) ;
• un adhésif et du composite photopolymérisable (Transbond Plus Self Etching Primer/3M et Transbond XT/3M) (fig. 8) ;
• un segment de fil rectangulaire en acier ou en TMA (section 16.22 par exemple) ;
• une précelle automatique (fig. 9) ;
• une pince orthodontique permettant de plier le fil (type 139) (fig. 10).
La procédure opératoire est la suivante :
• coller les deux attaches linguales sur les dents adjacentes à l’édentement (à l’arcade supérieure, tenir compte de l’occlusion et effectuer les ajustements nécessaires à l’aide de papier à articuler) ;
• plier deux segments de fil différents, prenant appui dans les attaches et ayant une extension sur la partie linguale de la future dent prothétique provisoire ;
• placer les deux segments dans les attaches et les refermer ;
• ajuster et placer la couronne provisoire et la solidariser aux deux segments de fil par du composite ou un ajout de résine ;
• ouvrir les attaches et dégager l’ensemble pour effectuer les finitions et le polissage ;
• replacer le bridge provisoire amovible et son mini-arc dans les attaches et refermer.
Cette procédure est illustrée par les deux cas cliniques ci-après (fig. 11 à 20).
Cette technique est très avantageuse. Sa réalisation demande de connaître les techniques de collage de bracket et de pliage de fil. Assez peu onéreuse, elle peut être réalisée au fauteuil, en direct, à tout moment. Les patients s’adaptent assez vite au relief des bagues linguales et comprennent l’intérêt de ce montage. L’intégration esthétique est facile à obtenir. Le système est facile à démonter et replacer dans la séance. Grâce aux attaches linguales autoligaturantes, il suffit d’ouvrir les clips pour retirer le bridge. Les actes chirurgicaux ou préprothétiques peuvent alors être réalisés.
Ce système, très pratique et intéressant, peut être facilement réalisé par le praticien traitant, nécessite peu de matériel et peut être rapidement mis en œuvre. Il peut également être préparé par l’orthodontiste selon le mode de coopération de l’équipe soignante.
Les actes peu invasifs sont aujourd’hui la référence dans nos choix de traitement. Lors des procédures de temporisation, ce principe doit également et surtout être respecté. Les édentements de faible étendue sont préférentiellement traités par des prothèses implanto-portées. C’est en particulier le cas quand les dents adjacentes sont saines ou assimilées comme telles. Les solutions apportées par les traitements orthodontiques permettent de suivre au plus près la notion de préservation tissulaire. Il est logique que ces systèmes trouvent une application dans le domaine de la temporisation pré-implantaire. Les propositions exposées ci-dessus associent les besoins techniques du praticien pour aborder facilement les différentes étapes du traitement et les besoins d’esthétisme et de confort réclamés par le patient.
Ces protocoles nécessitent un apprentissage rapide, accessible à tout omnipraticien, à condition de préparer et d’organiser le plateau technique adapté.
Scuzzo G, Takemoto K. Invisible orthodontics. Current concept and solutions in lingual orthodontics. Quintessence International, 2013.