DENTISTERIE PRÉPROTHÉTIQUE
Professeur assistant en prothèse fixée Faculté de médecine dentaire
Université Mohamed-V Souissi, Rabat, Maroc
L’association tenons en fibres de verre/colle pour reconstituer une dent dépulpée a donné un nouvel élan aux reconstitutions coronoradiculaires foulées. Leur succès clinique dépend en grande partie de la technique de collage qui, jusqu’à récemment, nécessitait un conditionnement des surfaces dentaires compliquant sa mise en œuvre. Introduites en 2002, les résines autoadhésives offrent une nouvelle approche : ne nécessitant aucun prétraitement de surface, elles simplifient les procédures de collage.
Les reconstitutions corono-radiculaires par matériau inséré en phase plastique et utilisant un tenon en fibre de verre font aujourd’hui partie de notre arsenal thérapeutique. Elles nécessitent l’emploi de matériaux composites dont certaines des propriétés physiques et mécaniques se rapprochent de celles de la dentine.
La réalisation simultanée de l’ancrage radiculaire et de la reconstitution coronaire présente l’avantage de former une entité homogène, permettant une meilleure répartition des contraintes fonctionnelles à l’ensemble de l’organe dentaire, favorable à une meilleure résistance à la fracture [1-3].
L’amélioration constante des techniques de collage, tant en ce qui concerne leurs performances mécaniques que de leurs applications cliniques, a permis d’aboutir à des protocoles fiables et reproductibles.
Pour optimiser le succès des reconstitutions corono-radiculaires à tenon fibré, un strict respect de la méthodologie de mise en œuvre et des procédures d’assemblage propres à chaque matériau reste indispensable.
Consciente de ce problème, la recherche industrielle s’oriente, depuis quelques années, vers une simplification tant dans le choix du matériau de reconstitution que dans sa séquence de mise en œuvre. On a ainsi vu apparaître récemment une nouvelle catégorie de colles qualifiés d’« autoadhésives », et dont l’objectif avoué est de se positionner en matériau « universel ». Ces matériaux ont été mis au point pour simplifier les procédures d’assemblage, notamment en supprimant les traitements de surface préalables.
Sur le marché, trois systèmes de collage sont disponibles.
Il s’agit de composites dentaires diméthacrylates, microchargés ou micro-hybrides. L’adhésion est obtenue par l’utilisation de systèmes adhésifs qui contribuent à former un lien adhérent et étanche entre les tissus dentaires et les biomatériaux de restauration ou d’assemblage.
Deux catégories d’adhésifs existent : ceux nécessitant un mordançage préalable suivi d’un rinçage (M & R) et ceux dits automordançants (SAM) [6]. Pour le collage intracanalaire, il est préférable d’utiliser un adhésif qui nécessite un mordançage préalable. Cela permet d’éliminer toute trace d’eugénol pouvant inhiber la polymérisation de la colle. De plus, les adhésifs automordançants réalisent moins de brides de résine au niveau des tubules dentinaires que les M & R.
Cette première famille de colles nécessite donc un traitement de surface spécifique aussi bien des préparations dentaires que des éléments à assembler. Ces colles sont habituellement présentées dans des coffrets qui contiennent tous les produits annexes nécessaires à leur utilisation (conditionneurs, adhésifs, primaires, etc.). Elles sont potentiellement très performantes mais très exigeantes et complexes en matière de mise en œuvre.
Ce sont des résines intrinsèquement adhésives grâce aux groupements réactifs qu’elles contiennent tels les monomères à fonction carboxylique 4-META (Superbond®, Morita ; Chemiace II®, Sun Medical) ou à fonction phosphate (Panavia 21® ou F2.0®, Kuraray).
Quelques rares colles possèdent un pouvoir adhésif propre mais elles réclament quand même systématiquement des traitements de surface préalables assez complexes.
De nouveaux types de colles sont apparus récemment sur le marché. Ces colles sont dites autoadhésives, c’est-à-dire qu’elles ne nécessitent aucun traitement de surface préalable, ni de la dent ni de l’élément à assembler. Elles s’emploient donc comme des ciments conventionnels. Elles contiennent, en un seul matériau, tous les éléments nécessaires à l’adhésion. Leur pouvoir automordançant, leur viscosité et leur taux de charges plus élevé en font leur spécificité.
Le RelyX Unicem™ (3M ESPE) a été le premier produit de cette nouvelle génération qui est appelée à connaître un certain succès commercial eu égard à la simplicité d’emploi. Cette nouvelle famille se compose aujourd’hui de plusieurs matériaux. (Maxcem Elite®, Kerr ; TotalCem®, Itena ; G-Cem®, GC ; SmartCem 2®, Dentsply ; Bifix SE®, Voco ; BisCem®, Bisco ; Breeze®, Pentron Clinical ; Speed Cem®, Ivoclar Vivadent ; Clearfil SA Cement®, Kuraray ; Lamel®, Nordin).
Chimiquement, ces colles autoadhésives contiennent tous les éléments d’une colle classique auxquels on a ajouté certains composants fonctionnels des adhésifs automordançants. Elles possèdent un triple mécanisme de prise : une réaction acide-base et une polymérisation de type dual (chémopolymérisation et photopolymérisation). Elles tendent à détrôner les colles sans propriétés adhésives nécessitant l’application d’un adhésif et l’utilisation d’agents de couplage tout autant que les ciments verre ionomère avec adjonction de résine (CVIMAR) [7].
Toutes les colles autoadhésives sont hydrophiles avant leur prise et ne nécessitent donc pas la pose de la digue : en effet, elles se servent de l’humidité ambiante au moment de la prise, sans parler de celle de la dentine qui est, par nature, une éponge saturée d’eau.
Ces matériaux sont trop récents pour que l’on puisse disposer d’études suffisantes à leur sujet en termes de longévité. On sait simplement que le RelyX Unicem™ adhère aux tissus dentaires sans pour autant réellement les hybrider. On sait aussi qu’un mordançage préalable uniquement de l’émail peut contribuer à améliorer leur adhérence mais que, à l’inverse, un mordançage de la dentine peut réduire considérablement la valeur du collage [8].
Ces colles autoadhésives constituent une véritable innovation puisqu’il s’agit d’une nouvelle famille de matériaux d’assemblage. Leurs performances mécaniques sont proches de celles des colles conventionnelles, l’adhésion aux tissus dentaires et aux matériaux de restauration couramment employés étant spontanée et forte. Toutefois, de récentes études ont montré que la colle autoadhésive RelyX Unicem™ pouvait présenter des valeurs de résistance à l’arrachement comparables, voire supérieures, à celles des colles sans potentiel adhésif associées à un système adhésif en trois étapes et bien meilleures que celles associées aux systèmes automordançants, bien que le nombre de brides de résine, paradoxalement, soit plus faible [9, 10].
Ces colles autoadhésives, présentent également l’avantage de simplifier le protocole de mise en œuvre, limitant de ce fait le risque d’erreur opératoire [11].
Elles se positionnent donc comme une intéressante solution de remplacement des CVIMAR dont les performances mécaniques sont moins bonnes mais pour lesquels le recul clinique est meilleur [12, 13].
L’incisive centrale maxillaire droite de ce patient nécessite une reconstitution coronaire par le biais d’une couronne (fig. 1 et 2). Après préparation périphérique, les facteurs cliniques (nombre, hauteur et épaisseur des parois, situation des limites cervicales) permettent de juger que la rétention coronaire intrinsèque est insuffisante et de poser l’indication d’une reconstruction corono-radiculaire foulée (tenon en fibre de verre et composite) (fig. 3).
Lors de la préparation du logement canalaire, la gutta-percha est retirée de la portion coronaire du canal radiculaire à l’aide de forets de Gates et de Largo et de forets calibrés, de façon à laisser un bouchon apical étanche (fig. 4 à 6). Le canal est irrigué avec une solution d’hypochlorite de sodium, rincé et séché. Le tenon est ensuite ajusté au niveau du canal (fig. 7 et 8).
La colle autoadhésive (TotalCem, Itena®) est injectée dans le logement canalaire à l’aide d’un embout adapté (fig. 9 et 10). Le tenon est immédiatement inséré dans le canal et les excès de colle sont éliminés avant photopolymérisation (fig. 11 et 12). Le moignon est enfin restauré à l’aide d’un composite de reconstitution dual (Rebilda®, DC) (fig. 13). L’adhésion de ce matériau aux tissus dentaires coronaires résiduels fait appel à trois processus :
• le mordançage total coronaire qui permet la déminéralisation de la surface amélaire et dentinaire (application d’un gel d’acide phosphorique à 37 %) ;
• l’action d’un agent de couplage, le primaire ;
• l’action de l’agent de collage, la résine adhésive, qui va assurer la liaison entre les tissus dentaires et le composite de reconstitution.
La polymérisation du polymère de collage doit être duale, la photopolymérisation permet d’assurer une stabilité initiale de l’assemblage et potentialise les valeurs d’adhésion ; la polymérisation chimique est néanmoins nécessaire du fait de l’absorption plus ou moins importante des photons ; elle permet également une prise en masse et un taux de conversion constant.
L’empreinte est réalisée dans la même séance pour obtenir la couronne céramique définitive (fig. 14).
Les résines autoadhésives constituent une nouvelle approche prometteuse pour les restaurations corono-radiculaires. Elles offrent aux cliniciens une méthode simple et prévisible d’assemblage. Leur adhérence à la dentine est satisfaisante et comparable à celle d’autres colles plus complexes à mettre en œuvre.
Toutefois, les données disponibles de la littérature médicale sont insuffisantes. Leurs performances cliniques doivent être évaluées à long terme avant de pouvoir recommander leur utilisation générale dans de telles situations.