Clinic n° 09 du 01/10/2013

 

UNION

Patrimoine

ME LAURENT MAZAURIC  

NOTAIRE

La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de même sexe, et son décret d’application n° 2013-429 du 24 mai 2013 ont été publiés au Journal officiel du 28 mai 2013 et sont donc applicables depuis.

Que dit cette loi ?

Cette loi prévoit expressément, et c’est là la nouvelle rédaction de l’article 143 du Code civil, que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». À bien y réfléchir, cet article paraît inutile. Il suffisait de le supprimer, et le « mariage pour tous » aurait été alors consacré.

Condition d’âge

Précisons au passage que la condition d’âge n’a pas été modifiée par ce texte puisque l’article 144 du Code civil, bien qu’ayant fait l’objet d’un toilettage d’asexualisation, précise que « le mariage ne peut être contracté avant 18 ans révolus ».

Inceste

Les articles 162, 163 et 164 du Code civil, qui sont relatifs à l’inceste, ont été modifiés, là encore pour tenir compte de la réforme, dans le sens où il a fallu prévoir l’interdiction d’un mariage entre tante et nièce ou entre oncle et neveu.

Le mariage est-il ouvert ­à des personnes de nationalité différente ?

La loi précise qu’un Français peut épouser un ressortissant étranger du même sexe que lui et que deux ressortissants étrangers homosexuels peuvent se marier en France, et ce même si les lois de leur pays l’interdisent. En effet, si le principe est que les conditions requises pour se marier sont régies, pour chacun des époux, par la loi de sa nationalité, le mariage entre personnes de même sexe est autorisé lorsque, pour au moins l’une d’elles, la loi de sa nationalité ou celle de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile le permet.

Concernant l’impossibilité pour les Français établis hors de France de célébrer leur mariage à l’étranger, un nouvel article précise que « par dérogation […], lorsque les futurs époux de même sexe, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur domicile ou leur résidence dans un pays qui n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe et dans lequel les autorités diplomatiques et consulaires françaises ne peuvent procéder à sa célébration, le mariage est célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un de leurs parents a son domicile ou sa résidence. À défaut, le mariage est célébré par l’officier de l’état civil de la commune de leur choix ».

Qu’en est-il des mariages contractés par deux Français de même sexe, à l’étranger, antérieurement à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ?

Des mariages homosexuels où un seul des époux était français ont pu être célébrés à l’étranger, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, dans des pays où cette législation était déjà applicable. Ces mariages étaient donc réguliers dans les pays concernés, mais non reconnus en France. La loi a réglé le problème, en considérant que ces mariages pouvaient être transcrits sur les actes d’état civil français, sous réserve qu’ils respectent plusieurs conditions : le respect de l’âge minimum légal (18 ans), le respect des règles françaises concernant le consentement des futurs époux, le respect de la condition figurant à l’article 146-1 du Code civil concernant la présence des futurs époux lors de la célébration du mariage, l’interdiction de la polygamie et le respect des interdictions à mariage prévues par le droit français à l’intérieur de la famille (cas de l’inceste cité ci-dessus).

Il s’agit là, notons-le au passage, d’une validation rétroactive d’une interdiction légale…

Quel nom les époux de même sexe peuvent-ils utiliser ?

Le nouvel article 225-1 du Code civil précise que chacun des époux pourra porter, à titre d’usage, le nom de l’autre par substitution ou adjonction dans l’ordre choisi.

Quel est le lieu de célébration du mariage ?

L’article 74 du Code civil permet désormais aux futurs époux de se marier dans la commune du domicile ou de la résidence soit de l’un d’eux, soit de l’un de leurs parents.

Ce choix doit être fait librement par les époux et ne pas résulter d’un refus du maire de la commune initialement choisie de célébrer un mariage entre personnes de même sexe. Les règles de publication des bans sont inchangées, celle-ci doit toujours être effectuée tant au lieu du mariage qu’au lieu du domicile ou, à défaut, de la résidence de chacun des futurs époux. De même, les règles visant à s’assurer de l’intention matrimoniale des futurs époux, spécialement celles de l’article 63 (pièces exigées pour constituer le dossier de mariage et audition des futurs époux), sont tout autant applicables aux couples de même sexe qu’aux couples de sexe différent.

Que modifie encore cette nouvelle loi ?

L’article 220 du Code civil ne doit désormais plus être lu aux époux lors de la célébration du mariage. La lecture de cet article, qui explique la solidarité des dettes contractées par un époux pour les besoins du ménage et l’entretien des enfants, a été jugée « inappropriée lors de cet événement ». C’est là sans aucun doute une grave erreur car, selon l’adage bien connu « nul n’est censé ignorer la loi », c’était l’unique occasion de rappeler aux époux leurs devoirs et les risques liés à cette union.

Qu’en est-il de l’adoption par un couple de même sexe ?

Le droit à l’adoption découle directement du droit au mariage.

La loi permet ainsi aux couples homosexuels d’accéder à l’adoption simple et à l’adoption plénière. Les mariés peuvent ainsi adopter l’enfant de leur conjoint ou adopter un enfant ensemble, en France ou à l’étranger. Ce dernier cas risque cependant d’être rare pour les couples de même sexe, de nombreux pays refusant l’adoption par des homosexuels.

Quel nom l’enfant va-t-il recevoir ?

En cas de filiation déjà établie, la loi maintient la règle selon laquelle, en cas d’absence de choix des parents, l’enfant prend le nom de son père. En revanche, en cas de désaccord entre les parents, signifié par l’un d’eux à l’officier d’état civil, l’enfant reçoit leurs deux noms, accolés selon l’ordre alphabétique.

En cas d’adoption plénière, le principe est que l’enfant adopté prend le nom de celui qui l’adopte. Ainsi, l’adoptant et son conjoint (ou les adoptants) choisissent, dans une même déclaration, le nom de famille de l’enfant. Ce sera alors soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre qu’ils choisiront. En l’absence de déclaration conjointe, l’adopté portera le nom de l’adoptant et de son conjoint, ou de chacun des deux adoptants, accolés selon l’ordre alphabétique.

En cas d’adoption simple, le nom de l’adoptant s’ajoute à celui de l’adopté. Toutefois, une fois majeur, l’enfant qui a été adopté doit consentir à cette adjonction. Enfin, certaines dispositions de la loi précisent ce qu’il advient en cas de double nom de famille, de désaccord entre les adoptants ou si l’enfant a plus de 13 ans.