Monsieur M. déclare à son assureur des travaux dentaires importants suite à un accident. En ratant une marche d’escabeau, son visage a frappé le tronc de l’arbre qu’il taillait.
La victime, interrogée le 26 février sur les circonstances de l’accident survenu le 11 janvier, bafouille, se met à transpirer et finit par se contredire. Son stellite du haut s’est cassé en deux et une de ses dents s’est mise à bouger, puis trois dents se sont cassées. Elle montre un stellite maxillaire de six dents avec une plaque palatine cassée en son milieu, ce qui n’est pas courant. Elle dit avoir eu très mal mais ne parle pas de plaie du visage et ne présente aucun certificat médical. Elle se rend le jour de l’accident dans un centre dentaire mutualiste où le Dr N. rédige un certificat initial le 18 janvier comme suit : « Je, soussigné, Dr N., certifie avoir constaté lors de la consultation de M. M. une mobilité au niveau de la 13 et une fracture de son appareil stellite haut, suite à un choc aux dires du patient. »
La victime nous remet deux devis de prothèses datés du 11 janvier pour :
• la réalisation d’un stellite de six dents ;
• la réalisation de trois couronnes céramo-métalliques sur les 13, 12 et 25, et d’un faux moignon sur la 12.
Elle explique que le travail de restauration prothétique est achevé et en bouche depuis le matin du jour de notre expertise. Avec beaucoup de retard, nous obtenons une radiographie panoramique antérieure à l’accident et les radiographies rétroalvéolaires postopératoires qui ne montrent aucune fracture coronaire ou radiculaire ni aucun signe de traumatisme ligamentaire, mais des 13 et 35 dépulpées présentant des orifices de trépanation manifestement faits pour dépulper des dents.
Devant :
• l’absence de lésions cutanées et de cicatrices deux mois après l’accident ;
• les clichés radiographiques qui montrent des dépulpations intentionnelles de deux dents pour asseoir un stellite sur des ancrages corrects et une 12 déjà dépulpée et qui présentait une importante restauration coronaire ;
• la rapidité avec laquelle la restauration a été faite, ne nous permettant pas d’apprécier l’état des dents dites mobiles, très rapidement couronnées et ne présentant aucune mobilité résiduelle ;
• le doute qui s’est créé lors de notre expertise sur la véracité des faits allégués ;
nous concluons que le patient est probablement malhonnête et que le praticien est complice, en ayant rédigé un certificat imprécis (volontairement ?) et peut-être complaisant.
En effet, le certificat puis les devis réalisés accréditent l’idée que la totalité des restaurations sont imputables à l’accident sans en apporter la preuve radiologique.
Cependant, la présence de ce certificat nous a obligé à accorder le minimum de prise en charge, à savoir un stellite et une couronne céramo-métallique sur la 13 qui apparaissait dans le certificat initial.
1. L’article R. 4127-213 du Code de déontologie dit : « Il est interdit d’établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance. »
2. Nous perdons un peu de notre âme lorsque nous rentrons dans le jeu des patients qui nous sollicitent pour délivrer des certificats douteux et imprécis.
3. Les assureurs ne sont pas dupes de ces complaisances puisque en réponse à notre expertise, l’assureur nous a fait savoir qu’il doutait de la véracité du certificat.
4. L’ensemble de la profession a beaucoup à perdre en se fourvoyant de la sorte, et on donne ainsi du grain à moudre à nos détracteurs.
Enfin, prenons conscience qu’en temps de crise économique, nous sommes de plus en plus confrontés à des demandes abusives de nos patients qui tentent ainsi de pallier les faibles remboursements des prothèses par l’Assurance maladie, en imputant des soins à un accident pour les faire prendre en charge par leur assureur.