Clinic n° 06 du 01/06/2013

 

E-RÉPUTATION

Internet

Philippe DE JAEGHER  

ph.de-jaegher@orange.fr

Les chirurgiens-dentistes, comme les organisations professionnelles qui se préoccupent de l’image de la profession, pourraient être inspirés par un petit tour sur la Toile.

Les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important lors des campagnes électorales dans les démocraties, comme dans la contestation des régimes dictatoriaux. On pourrait se demander si la Toile ne contribue pas à l’élaboration démocratique d’une opinion publique. Lors d’un débat organisé en 2010 sur ce thème par Fondapol, un laboratoire d’idées consacré à l’innovation politique, plusieurs intervenants montraient que les réseaux sociaux étaient plutôt un lieu de confortation que de confrontation des opinions, et qu’ils fonctionnaient essentiellement comme des « médias de la recommandation » (1). Ces mécanismes sont ceux utilisés dans la publicité et ils expliquent la capacité de sociétés comme Facebook à générer des revenus dans ce secteur.

Sur la Toile, une minorité d’utilisateurs produisent du contenu, les autres se contentent de faire circuler et donc de recommander des documents glanés ici ou là. Une recherche sur YouTube avec le mot clé « dentiste » offre un véritable florilège. Mais des productions d’amateurs les plus échevelées aux sketchs de plusieurs humoristes, l’image du chirurgien-dentiste qui est véhiculée utilise toujours les mêmes ressorts. Ce sont d’ailleurs ceux mis en œuvre dans la publicité. Sur le site Ina.fr, une recherche dans les archives permet de trouver plus de 30 séquences diffusées sur les chaînes françaises (2). Une constante saute ainsi aux yeux : le contraste entre la toute-puissance du chirurgien-dentiste et la vulnérabilité ou la passivité du patient. La mise en scène de cette relation dissymétrique sert de prétexte à des situations comiques ou absur­des. Le dénouement permet la promotion de produits qui n’ont aucun rapport avec la santé dentaire. Ainsi le couple chirurgien-dentiste-patient est-il un bon vecteur pour vendre aussi bien du saucisson que des automobiles, des jeux de hasard que des cartes téléphoniques. Le site Culture-pub.fr propose, pour chacune des publicités présentées, des mots clés qui permettent de préciser les registres utilisés (3). Or ceux-ci sont récurrents : angoisse, cris, peur, stress, roulette. Le praticien peut avoir du mal à recon­naître son exercice dans cette vision caricaturale. Il peut pour autant ne pas être insensible à cet humour, qui fait d’ailleurs pâle figure à côté de l’esprit carabin de ses années d’études.

Tout n’est pas si sombre et à certaines séquences sont associés les mots « précision » ou « perfectionniste ». Des campagnes sur les dangers de l’alcool ou de l’utilisation du portable au volant ont recours à l’image du chirurgien-dentiste à côté de celle de l’aiguilleur du ciel pour souligner que la confiance accordée à certaines professions implique attention, concentration et tempérance (4).

Face à cette surexploitation à tous crins de notre image, l’ordre des dentistes du Québec fait notre promotion à travers des scènes sans grand rapport avec la profession, mais que seul un éclairage discret au scialytique vient suggérer (5).

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