Clinic n° 03 du 01/03/2013

 

L’ENTRETIEN

Anne-Chantal de Divonne  

Parce que la FSDL était « le seul syndicat à lutter avec une détermination constante contre la dégradation de l’exercice dentaire », Patrick Solera (Toulouse, 31) s’inscrit à la Fédération en 2008. Il en est élu président en décembre dernier. Revalorisation des honoraires, rôle des mutuelles, CCAM…, Patrick Solera explique la position de la FSDL.

PATRICK SOLERA Président de la FSDL1

Quels sont les combats de la FSDL ?

Tout d’abord, il est indispensable de revaloriser de manière significative les actes de chirurgie dentaire. Le fossé se creuse entre ce que prônent les sociétés scientifiques, les techniques mises à notre disposition pour une dentisterie innovante et conservatrice des organes dentaires et ce que nous impose la nomenclature. Nous avons demandé un triplement de ces tarifs. À défaut et compte tenu des conditions économiques, nous demandons la création d’un secteur optionnel conventionné à honoraires libres. Comme pour les actes à entente directe, ce système autoriserait les praticiens à fixer leurs honoraires avec tact et mesure pour les soins conservateurs ou chirurgicaux en fonction du plateau technique qu’ils mettent à la disposition des patients. Ceux-ci continueraient néanmoins à être remboursés sur la base du tarif de convention.

Le second dossier concerne la CCAM2. Avec la signature de l’avenant 3, la CCAM sera déclinée dans les mois à venir par simple transposition de notre ancienne nomenclature. Mis à part un chan­gement des codes et un saupoudrage de petites revalorisations, il n’y a aucune avancée notable dans cet avenant ! Les patients continueront de choisir la couronne céramo-métallique plutôt que l’onlay pour des raisons purement économiques. La profession ne sortira pas de cette impasse et nos confrères, dans l’attente d’une nomenclature en adéquation avec leur pratique quotidienne, seront forcément déçus.

Mais la FSDL a participé à toutes les négociations…

Oui, car nous considérons qu’avec notre représentativité – 30 % des voix aux URPS3 –, la politique de la chaise vide est inconcevable. Nous devons participer aux négo­ciations pour essayer de tirer le maximum d’éléments bénéfiques pour la profession, même si nous savons très bien que le compromis ne sera pas acceptable. Nous avons obtenu certaines avancées que la CNSD4 n’aurait peut-être pas acquises seule, notamment sur les cotations actuelles illégales des couronnes sur implants. Mais au final, ce fut un marché de dupes.

Quelle position défendez-vous concernant les réseaux mutualistes ?

Notre système de santé est fondé depuis des lustres sur l’égalité d’accès aux meilleurs soins pour tous. Nous luttons contre la mainmise des assureurs et des mutuelles sur la santé. Leurs réseaux, qu’ils soient ouverts ou fermés, sont une entrave au libre choix du praticien par le patient. La proposition de loi votée au Parlement en décembre va orienter les patients adhérents à une mutuelle vers un chirurgien-dentiste partenaire du réseau ou un centre mutualiste, et cela au détriment de leur liberté individuelle. Cette dérive commerciale, con­traire à l’esprit mutualiste initial, aura obligatoirement des répercussions sur la qualité des soins prodigués au sein même des réseaux.

Quel doit être pour vous le rôle des mutuelles ?

Les mutuelles expliquent qu’elles ne veulent plus financer de manière aveugle la médecine bucco-dentaire. Elles veulent s’immiscer dans les rapports entre les praticiens et les patients et même, si cela était possible, se substituer directement à l’Assurance maladie. Dernièrement, la mutuelle Humanis expliquait à ses adhérents que si leur chirurgien-dentiste refusait de négocier au téléphone avec un conseiller une baisse de ses honoraires de prothèse par rapport à une soi-disant moyenne régionale, le patient ne bénéficierait plus du tiers payant !

Pour nous, les complémentaires ne financent pas les dépenses de soins bucco-dentaires, elles gèrent les cotisations de leurs adhérents qu’elles reversent sous forme de remboursement pour des soins médicaux. La santé n’est pas un commerce et nous ne sommes pas des marchands de tapis.

Pourquoi, après une concertation tripartite, ne pouvons-nous toujours pas mettre en place une politique de prévention bucco-dentaire digne de ce nom qui responsabilise enfin le patient ? La maîtrise des dépenses de santé passe par une politique innovante et courageuse et nous en sommes encore très loin. ?

1. Fédération des syndicats dentaires libéraux.

2. Classification commune des actes médicaux.

3. Unions régionales de professions de santé.

4. Confédération nationale des syndicats dentaires.