PETIT ÉQUIPEMENT
Bruno PELISSIER* Elsa BRUGEAUD** Jean-Christophe CHAZEL*** Marc APAP****
*UFR d’odontologie de Montpellier I
545, avenue du Professeur Jean-Louis Viala 34193 Montpellier cedex 5
**Ancien AHU Paris Descartes Pratique libérale
46 bis, rue André Bonnenfant 78100 Saint-Germain-en-Laye
Le concept MARC® est un système qui propose différentes réponses aux problèmes cliniques rencontrés par les chirurgiens-dentistes en pratique quotidienne. En effet, une adéquate et bonne polymérisation des matériaux composites par des sources lumineuses joue un rôle important dans la pérennité de nos restaurations directes ou indirectes. Le succès d’une polymérisation des résines composites dépend essentiellement de l’énergie appropriée délivrée au matériau mais aussi du spectre d’émission de nos lampes. Choisir sa lampe en fonction de ces critères est indispensable.
Les dispositifs utilisant des diodes électroluminescentes (LED) ont remplacé les lampes halogène [1 -3] : ces sources lumineuses délivrent un spectre de rendement optimal puisque la totalité de l’énergie produite sera utile à la réaction chimique. Elles sont, de plus, économes en énergie et donc aptes à être alimentées par une source autonome constituée de piles ou de batteries rechargeables. Actuellement, en pratique quotidienne et dans la plupart des cas, le durcissement d’un matériau photopolymérisable est provoqué par l’apport de l’irradiation lumineuse d’une lampe LED (fig. 1) qui permet aux photo-initiateurs présents dans ce matériau d’engendrer des liaisons covalentes.
Le choix de la source lumineuse et les conditions d’illumination sont des variables critiques que le praticien doit considérer lorsqu’il polymérise une résine composite [4]. Pour la polymériser efficacement, il faut surtout bien savoir manipuler la lampe à polymériser ; il faudrait idéalement connaître la nature chimique des photo-initiateurs présents dans la résine ainsi que leur spectre d’absorption de la lumière et utiliser une lampe dont le spectre d’émission correspond à ceux de tous les photo-initiateurs.
L’expérience du praticien est capitale quant au résultat final : Shortall et al. [5] ont affirmé, dans leur étude menée sur la photopolymérisation des résines composites postérieures, que c’était un des facteurs de réussite. Un positionnement stable du guide lumineux pendant toute la durée de l’insolation est nécessaire afin d’optimiser la polymérisation des composites. En raison de la très faible polymérisation latérale de la surface couverte par la sortie du guide lumineux, le positionnement stable du guide lumineux perpendiculaire à la surface est d’autant plus important que le diamètre du guide approche celui de la cavité. Sano et al. [6] ont testé des étudiants et des praticiens sur leurs capacités à réaliser des procédures cliniques. Ils ont démontré que l’expérience des opérateurs pouvait avoir un effet sur leur capacité à obtenir une adhésion dentinaire plus forte lors de la réalisation de restaurations composites collées. Les chirurgiens-dentistes donnaient des résultats plus probants que les étudiants lors de la réalisation d’un collage en plusieurs étapes (fig. 2).
La distance est cependant une préoccupation clinique même si on place la lampe contre la dent. On peut rencontrer cette situation dans la restauration des cavités de classe II quand un incrément gingival doit être polymérisé. La distance, dans ce cas, est suffisamment importante (de l’ordre du centimètre) pour que l’intensité lumineuse soit affectée (réduction de 50 %) [7 -9].
La distance idéale de la source lumineuse de la surface du composite est de 1 mm (elle ne doit surtout pas être au contact du matériau dans sa phase plastique car cela risquerait d’encrasser l’embout lumineux) et la sortie optique doit être positionnée à 90° de la surface [4, 7, 10]. Quand le guide est incliné, l’énergie lumineuse est dispersée sur une plus grande surface. La lumière est également réfléchie de la surface, diminuant ainsi l’intensité lumineuse. Dans les restaurations molaires, la crête marginale des dents adjacentes intercepte la lumière quand celle-ci est inclinée. En plus de l’augmentation de la distance, l’angle selon lequel la fibre est maintenue peut également provoquer la diminution de l’irradiation. Les recherches montrent qu’avec l’augmentation de l’angulation de la fibre, le pourcentage d’irradiation reçu par la restauration diminue. Avec un angle de 30° par rapport à la restauration, l’irradiation est diminuée de 30 %, avec un angle de 45°, elle est diminuée de 70 % et, avec un angle de 60°, elle l’est de 80 %. Cela ne permet pas une photopolymérisation correcte de la restauration (fig. 3).
Les composites clairs, voire transparents, sont de plus en plus utilisés en dentisterie adhésive pour des raisons esthétiques (collage, stratification…). Ils incorporent des photo-initiateurs multiples – comme la phenylpropanedione (PPD) et/ou la lucirine (TPO) – afin d’améliorer les propriétés de polymérisation de la restauration. Chaque initiateur possède des longueurs d’onde d’activation différentes. Il est donc important que la bande d’émission de l’appareil à photopolymériser inclue les longueurs d’onde d’activation des photo-initiateurs ; il faut qu’il existe un chevauchement spectral des longueurs d’onde de la lampe et des initiateurs pour les activer et leur fournir une énergie lumineuse suffisante, afin de répondre aux besoins cliniques. Les lampes doivent émettre un large spectre lumineux, car il est très difficile, voire impossible, de connaître exactement les photo-amorceurs ou les photoinitiateurs contenus dans les matériaux que nous utilisons pour restaurer les dents (fig. 4). Les lampes LED de dernière génération pallient ce défaut [3]. Certaines lampes modernes à polymériser intègrent actuellement plusieurs diodes qui permettent, au cours de l’irradiation lumineuse, de balayer un large spectre, de 380 à 510 nm, ciblant ainsi toutes les zones d’absorption des différents photo-initiateurs dentaires par différentes techniques pulsées ou globales.
Mais en plus, pour une bonne polymérisation, il est nécessaire d’avoir une énergie adéquate [11, 12] ; elle est exprimée en milliwatts (mW). Elle correspond à l’irradiation du matériau avec une lumière de longueur d’onde spécifique. Plus la distance augmente, plus l’intensité diminue (fig. 2). La puissance de sortie d’une lampe est caractérisée par l’intensité lumineuse, le plus souvent mesurée en mW/cm2. L’intensité sortante dictera la vitesse et l’étendue de la réaction de polymérisation. De nombreuses études ont montré qu’une intensité lumineuse minimale égale ou supérieure à 400 mW/cm2 était nécessaire pour accomplir une polymérisation complète pour une épaisseur de 2 mm. Il est aussi préférable de parler de quantité totale d’énergie délivrée au matériau en mJ/cm2 car la quantité de lumière servant à exciter les photo-initiateurs diminue par son absorption et sa dispersion. On pourrait démontrer qu’en utilisant le même niveau énergétique (intensité × temps), une lampe à polymériser de faible intensité peut donner le même degré de conversion qu’une lampe à haute intensité, jusqu’à une certaine épaisseur de matériau. Par exemple, pour un composite qui nécessite une exposition de 20 secondes avec une intensité de 800 mW/cm2 pour une profondeur de 2 mm, la quantité totale d’énergie impartie au matériau sera le produit de ces deux facteurs : 20 s × 800 mW/cm2, soit 16 000 mJ/cm2 (16 J/cm2). Actuellement, des temps de 10 à 20 secondes sont préconisés et la quantité d’énergie de 16 J/cm2 est nécessaire et validée par la profession dans de nombreuses études et utilisée avec le système MARC® (measurement of accuracy when resin curing).
Pour polymériser efficacement une résine composite, il faut surtout bien savoir manipuler sa lampe à polymériser ; il faudrait idéalement connaître la nature chimique des photo-initiateurs présents dans la résine et leur spectre d’absorption de la lumière, utiliser une lampe dont le spectre d’émission correspond à ceux de tous les photo-initiateurs et contrôler concrètement la quantité d’énergie lumineuse. Le système MARC® offre une solution aux problèmes préalablement énoncés auxquels sont confrontés les praticiens dans leur pratique quotidienne et semble être une réponse efficace [13, 14].
La quantité d’énergie lumineuse totale qui est appliquée sur le matériau en bouche est mesurée avec exactitude, et ce en tenant compte de l’emplacement de la lésion carieuse, du type de lampe à polymériser et du type de résine utilisé ; en effet, dans les cavités peuvent être insérés des composites directs et indirects, des céramiques usinées de différentes épaisseurs et teintes. À l’UFR d’odontologie de Montpellier, des tests en cours montrent bien que ces facteurs limitent réellement la pénétration du flux lumineux : ils diminuent donc considérablement la quantité d’énergie lumineuse reçue par le matériau en profondeur, ce qui entraîne une absence de polymérisation. Il faudra utiliser des techniques compensatoires (stratification) ou certains matériaux à prise duale ou chimique en postérieur (techniques « sandwich »).
Il existe aujourd’hui deux versions de ce système : le RC (resin calibrator) et le PS (patient simulator). Nous vous présentons ici le second, très intéressant pour son approche pédagogique, universitaire et clinique (fig. 5 à 8).
Le système PS utilise une tête de mannequin avec deux cavités standard (une classe I et une classe IV pour restauration composite). Un capteur se trouve dans chaque cavité. C’est un appareil scientifique et clinique de mesure de l’énergie émise en bouche. L’objectif est de mieux comprendre la quantité et le type d’énergie reçue dans la cavité, de gérer et de contrôler différents paramètres comme la lampe, la technique, le facteur opérateur et les caractéristiques de la restauration. L’intérêt de ce système, fondé sur ses deux applications de recherche et d’enseignement, est de simuler et d’évaluer les lampes et, surtout, la façon de les manipuler.
Avec le système MARC®, 3 lampes LED de 4e génération, dont les caractéristiques sont décrites dans le tableau 1 , ont été étudiées ; les résultats obtenus en postérieur sont présentés.
Pour la lampe Valo® Cordless (Ultradent), un large spectre de longueurs d’onde de 380 à 500 nm est couvert. Il y a une très belle régularité du spectre avec tous les photo-initiateurs concernés au niveau postérieur ; cela a été aussi le cas au niveau antérieur. Cela permet donc de polymériser sereinement tous les matériaux dentaires. La lampe Valo® Cordless assure une polymérisation puissante et uniforme (= 1 100 mW/cm2 en mode haute intensité pendant 10 secondes). Nous avions obtenu une intensité de puissance de 1 400 mW/cm2 au niveau antérieur ; la perte a été de 20 %, ce qui est peu car la cavité postérieure fait 4 mm et l’antérieure 1 mm (fig. 9 à 11). Pour obtenir la quantité d’énergie suffisante de 16 J/cm2, le temps devrait être augmenté de 5 secondes environ pour ce mode choisi de haute intensité. Ce mode semble être adapté pour la stratification postérieure même si le mode progressif est à privilégier en postérieur.
Pour la lampe ScanWave® (Acteon), nous remarquons bien le phénomène de balayage pulsé par les différentes diodes lors de l’irradiation sur les diagrammes (fig. 12 à 14). En revanche, le spectre d’émission est plus marqué pour les spectres d’excitation des photo-initiateurs PPD et TPO que pour celui de la camphoroquinone, et ce pour toutes les mesures qui ont été réalisées pendant les tests avec le mode full scan 9 secondes. Cela était encore plus marqué au niveau antérieur. Mais nous remarquons bien les deux pics qui couvrent tous les photo-? initiateurs, ce qui valide un spectre d’émission large nécessaire à la polymérisation de tous les matériaux. Ce phénomène est-il dû au balayage ? Il faudra faire d’autres tests avec d’autres modes et d’autres systèmes pour valider ou non ce spectre d’émission obtenu (fig. 12 et 13). La lampe ScanWave® assure une polymérisation uniforme (de 750 à 1 100 mW/cm2 en mode full scan pendant 9 secondes). Nous avions obtenu une intensité de puissance de 850 à 1 400 mW/cm2 au niveau antérieur avec des écarts difficilement explicables ; la perte a été de 10 à 50 %, selon les mesures obtenues. Le temps doit être multiplié par 3 pour avoir la bonne quantité d’énergie délivrée ; ce mode en postérieur semble donc inadapté sauf si on fait de la stratification classique par apports successifs de composite qui va entraîner, à chaque couche de matériau, une nouvelle irradiation des couches inférieures avec une nouvelle quantité d’énergie apportée.
Pour la lampe Bluephase 20i® (Ivoclar Vivadent), nous avons obtenu un spectre d’émission large, légèrement plus marqué au niveau de la camphoroquinone. Mais ce spectre d’émission permet de cibler tous les photo-initiateurs. Le diagramme montre bien des intensités respectives tout à fait régulières et superposables (fig. 15 à 17). Tous les photo-initiateurs ont été concernés au niveau postérieur, comme pour le niveau antérieur. La lampe Bluephase 20i®, assure une polymérisation uniforme avec une intensité de puissance d’environ 600 mW/cm2 en mode haute intensité pendant 10 secondes. Nous avions obtenu une intensité de puissance de 700 mW/cm2 au niveau antérieur lors de nos tests ; la perte a été juste de 15 %, ce qui est peu en fonction de la profondeur des cavités. Pour obtenir la quantité d’énergie suffisante de 16 J/cm2, le temps devra être multiplié par 3 environ pour ce mode choisi de haute intensité. Il vaudra mieux utiliser le mode progressif plus long en postérieur pour cette lampe.
Nous voyons bien qu’une bonne manipulation des lampes est très importante pour durcir efficacement une résine composite ; elles doivent avoir un spectre d’émission large correspondant aux longueurs d’onde d’activation de tous les photo-initiateurs inclus dans la composition des matériaux. Ces lampes LED de 4e génération semblent donc être adaptées à la dentisterie adhésive moderne.
Pour contrôler concrètement la quantité d’énergie lumineuse, c’est plus difficile ; des temps de 20 secondes en postérieur sont plus adaptés car la quantité d’énergie délivrée est plus importante. La lampe Valo® d’Ultradent obtient les meilleurs résultats au niveau de l’intensité de puissance, du spectre d’émission de la lampe ainsi qu’à celui du temps qu’il faudrait appliquer pour avoir les 16 J/cm2 nécessaires, quantité d’énergie validée par la profession dans de nombreuses études et utilisée avec le système MARC®. La manipulation de cette lampe est plus facile car l’embout lumineux, sous forme de lentille, facilite son positionnement en postérieur. Les deux autres lampes présentent des résultats corrects et sont adaptées à la pratique quotidienne pour la photopolymérisation des matériaux ; mais, les embouts lumineux sont moins adaptés aux accès postérieurs selon l’ouverture de la bouche.
Les résultats obtenus avec les lampes Valo Cordless® d’Ultradent, ScanWave® d’Acteon et Bluephase 20i® d’Ivoclar Vivadent sont résumés dans les figures 9 à 17 .
Le concept MARC® est un système qui permet de répondre aux problèmes cliniques rencontrés par les chirurgiens-dentistes en pratique quotidienne, surtout au niveau des restaurations postérieures (profondeur des cavités, accès limités, angulation des embouts…) (fig. 18 à 20). Le succès d’une polymérisation des résines composites dépend essentiellement de l’énergie adéquate délivrée au matériau mais aussi du spectre d’émission des lampes utilisées. Choisir sa lampe en fonction des critères présentés est indispensable.
Lors des tests réalisés avec le système MARC®, les meilleurs résultats au niveau de l’intensité de puissance, du spectre d’émission ainsi que du niveau du temps sont obtenus avec la lampe Valo® d’Ultradent. Son ergonomie et son embout lumineux permettent un bon positionnement en postérieur et facilitent son utilisation clinique. Il faudra faire d’autres tests avec d’autres modes et d’autres systèmes pour confirmer et comparer les résultats obtenus et valider ou non les valeurs d’intensité, les temps et les spectres d’émission obtenus. Mais, déjà nous pouvons vraiment voir que le concept MARC® permet de prendre conscience de tous ces problèmes.