Clinic n° 02 du 01/02/2013

 

CHRONIQUE D’EXPERT

Jean-Louis PLAFORET  

M. S., 22 ans, se rend chez le Dr H. pour régler un problème esthétique lié à la présence de nombreux diastèmes.

Ce patient avait auparavant consulté un orthodontiste mais n’avait pas donné suite à sa proposition de plan de traitement dans lequel il demandait au préalable de rééquilibrer l’occlusion en restaurant les secteurs latéraux édentés.

Le Dr H. propose de réaliser un bridge antérieur allant de la 14 à la 24 avec une dent en extension en position de 15. Il omet d’établir un plan de traitement écrit et de faire signer un devis à son patient qui est bénéficiaire de la CMU. Il nous explique qu’il a proposé oralement son plan après avoir pris acte du refus par le patient de faire le traitement orthodontique. Précisons que M. S. est étranger et ne parle pas le français.

Traitement avant

Dans les deux jours qui suivent la première consultation, le Dr H. réalise les traitements endodontiques et les tailles des piliers, prend les empreintes et réalise des couronnes provisoires.

Le patient revient pour l’essayage de l’armature en manifestant son mécontentement pour les douleurs et les descellements des provisoires. L’affaire se complique lors de cette séance lorsque le Dr H. explique que la mise en place d’un élément supplémentaire en extension ne serait pas prise en charge par la CMU. Le Dr H. tente de faire signer un devis pour ce supplément, ce que le plaignant refuse avec véhémence semble-t-il. Une explication très houleuse se tient alors entre la sœur du patient, qui s’exprime pour lui, l’assistante et le praticien, au point que ce dernier dépose une main courante au commissariat.

Le patient ne se présente pas à la séance suivante au cours de laquelle le bridge doit être scellé. Mais par l’intermédiaire de son avocate, il dépose une plainte pour défaut de devis, de consentement éclairé et soins abusifs.

Une expertise à charge

L’assureur en responsabilité professionnelle nous charge d’assister le Dr H. lors de l’expertise judiciaire. Nous faisons remarquer qu’il est difficile d’admettre que le patient ne savait pas ce que le Dr H. allait lui faire, quand le cahier de rendez-vous du praticien montre le temps important pendant lequel le patient est resté sur le fauteuil. Cependant, l’expert judiciaire nommé conclut, entre autres, à l’absence :

• de consentement éclairé signé par le patient ;

• de devis signé par le patient ;

• de délai de réflexion puisque les soins ont été entrepris dès le lendemain de la première consultation.

Il conclut aussi à une perte de chance de réaliser un traitement orthodontique.

EN PRATIQUE

1. N’omettez jamais de faire un devis écrit et de le faire signer à votre patient avant d’entreprendre le moindre travail prothétique, même lorsqu’il s’agit d’un patient CMU. Cette obligation déontologique et conventionnelle évite bien des déboires.

2. Assurez-vous que le patient a compris ce que vous allez faire dans sa bouche, surtout s’il ne parle pas français.

3. N’entreprenez pas un traitement sans que le patient ait eu un temps de réflexion, même si le devis est signé.