JURIDIQUE
Cabinet Houdart et associés – Avocat au barreau de Paris
La proposition de loi dite Le Roux vise à autoriser les mutuelles à pratiquer des tarifs différenciés de remboursement au sein de réseaux de soins conventionnés. Ce texte, largement amendé au cours des premiers débats parlementaires, est-il susceptible d’encourir la censure du Conseil constitutionnel ?
Avec la proposition dite Le Roux, un patient qui choisirait d’avoir recours aux professionnels conventionnés par sa mutuelle sera mieux remboursé.
Par cette proposition, le choix du patient serait dicté non par ses relations avec le professionnel mais par des préoccupations économiques. C’est pourquoi le texte initial a été amendé sur ce point. Il indique désormais que « les conventions ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l’établissement ou du service de santé » laissant au patient le choix de recourir aux professionnels du réseau ou non.
Pour éviter que les professionnels conventionnés auprès d’une mutuelle modulent leur tarif au bon vouloir de cette dernière ou limitent le nombre d’actes, ce qui pourrait porter atteinte à la qualité des soins, le projet initial a été amendé : « les conventions souscrites [… ] ne peuvent comporter de stipulations relatives aux tarifs des actes et prestations médicaux. » Cette disposition laisserait alors toute latitude aux praticiens pour appliquer leur tarif. En outre, l’adhésion des professionnels doit intervenir sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires, et le patient doit être précisément informé de l’origine exacte des produits vendus ou utilisés. Ces précisions tendent à garantir la qualité des soins pratiqués et limitent toute hypothèse de censure.
En droit, l’égalité s’apprécie en fonction d’une catégorie de personnes. Il s’agirait, ici, de l’égalité des adhérents des mutuelles qui doivent tous bénéficier des mêmes prestations, sous réserve du montant de la cotisation versée. Or, tel serait le cas en l’espèce. Qu’en est-il des professionnels ? Le texte amendé concerne aujourd’hui les seuls chirurgiens-dentistes et les opticiens, à l’exclusion des médecins. Or, les stomatologues pratiquent, comme les chirurgiens-dentistes, des actes prothétiques et d’orthopédie dento-faciale. En l’état, le texte serait susceptible de créer une discrimination entre les professionnels. Ce point reste à surveiller au regard de l’évolution du texte à intervenir.
Par cette proposition, les mutuelles seraient placées au même niveau que les assureurs privés et les organismes de prévoyance, aujourd’hui seuls aptes à pratiquer des remboursements différenciés. Les amendements intervenus en cours de discussion viennent encadrer le texte et minimiser les hypothèses de censure par le Conseil constitutionnel. Toutefois, la mobilisation des chirurgiens-dentistes doit rester entière car le texte est in facto susceptible de remettre en cause l’exercice libéral de la profession.