PROTHÈSE AMOVIBLE
Marion BESSADET* Jean-Marc JENDREJACK** Emmanuel NICOLAS*** Jean-Luc VEYRUNE****
*UFR d’odontologie
Faculté de chirurgie dentaire
11 boulevard Charles de Gaulle
63000 Clermont-Ferrand
**UFR d’odontologie
Faculté de chirurgie dentaire
11 boulevard Charles de Gaulle
63000 Clermont-Ferrand
***UFR d’odontologie
Faculté de chirurgie dentaire
11 boulevard Charles de Gaulle
63000 Clermont-Ferrand
****UFR d’odontologie
Faculté de chirurgie dentaire
11 boulevard Charles de Gaulle
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Le passage à l’état d’édenté total est une expérience stressante pour le patient. Pour l’accompagner, la transformation de sa prothèse amovible partielle en prothèse amovible complète provisoire est une solution. La procédure décrite est rapide et permet une modification de la prothèse amovible partielle d’usage qui est alors transformée en prothèse amovible complète provisoire, ce qui minimise le changement pour le patient.
Le passage de l’état d’édenté partiel à l’état d’édenté total est une étape difficile à franchir [1] et peut être une expérience stressante pour le patient [2]. Cette perte des dernières dents peut entraîner des changements esthétiques et fonctionnels, notamment des difficultés de mastication et de prononciation. La qualité de vie du patient est alors diminuée [3]. Ces désagréments sont exacerbés par l’attente nécessaire à la cicatrisation (environ 6 à 8 semaines), qui est le préalable indispensable à la réalisation de la prothèse amovible complète (PAC). Différentes solutions existent pour accompagner le patient lors de cette période. Ainsi, il peut lui être proposé la réalisation :
• d’une prothèse amovible complète immédiate, c’est-à-dire conçue pour être posée immédiatement après les avulsions dentaires [4] et qui sera réadaptée secondairement ;
• ou d’une prothèse amovible complète provisoire, c’est-à-dire une prothèse conçue pour rétablir l’esthétique et la fonction pendant une période limitée après laquelle elle sera remplacée par une restauration d’usage [4].
Ces deux solutions sont bien décrites dans la littérature médicale [5 -7] et présentent les mêmes inconvénients. Ainsi, l’essai du montage en cire de la future prothèse est souvent impossible, ce qui peut être surprenant pour le patient car il n’y a pas d’essayage lui permettant d’intégrer sa nouvelle apparence [3]. De plus, la procédure de réalisation est longue et complexe. Elle nécessitera de nombreuses séances cliniques et un coût supplémentaire important pour le patient. La prothèse amovible complète immédiate doit, en effet, être réadaptée après la période de cicatrisation osseuse pour une bonne adaptation et la prothèse amovible complète transitoire, souvent mal remboursée par les organismes d’assurance maladie, devra être remplacée par une prothèse d’usage. Cependant, le fait de disposer d’une prothèse transitoire amovible immédiate ou provisoire lors du rendez-vous pour les avulsions dentaires est un avantage : elle permettra non seulement de contrôler le saignement et la cicatrisation tout en protégeant le site chirurgical [8] mais, également, de maintenir la capacité masticatoire et de réduire l’impact de l’édentement sur la vie sociale du patient. Ces avantages peuvent être conservés en transformant la prothèse amovible partielle (PAP) d’usage du patient en prothèse amovible complète provisoire. La procédure décrite permettra aux patients les plus âgés de minimiser le changement lié au passage à l’édentement total [9] et de s’adapter plus facilement à leur prothèse amovible complète après le port de la prothèse provisoire [10].
Quelle que soit la procédure employée pour sa réalisation, la prothèse amovible complète provisoire doit répondre à certains critères de qualité. Elle doit pouvoir être compatible avec l’environnement oral, restaurer la capacité masticatoire, être en harmonie avec les fonctions de phonation, de respiration et de déglutition, rétablir un aspect esthétique acceptable et préserver les tissus de support, aussi bien osseux que muqueux [9]. Ainsi, la prothèse amovible complète provisoire doit répondre à cinq objectifs : mise en condition neuromusculaire et neuroarticulaire, préparation des surfaces d’appui, pérennisation des fonctions, prothèse de diagnostic et mise en condition psychologique [11], afin de pouvoir réaliser la prothèse d’usage dans des conditions optimales. Dans le cas de patients fragiles, en particulier les patients âgés et vivant en institution, la procédure décrite ici peut être considérée comme une simple modification de la prothèse amovible partielle qui est alors transformée en prothèse amovible complète d’usage.
La procédure présentée est inspirée par la technique décrite par Livaditis en 1999 pour la réparation des prothèses amovibles partielles après avulsions dentaires [12]. Cette procédure décrit la transformation d’une prothèse amovible partielle en prothèse amovible complète provisoire, qui sera posée le jour des avulsions, et ne nécessite pas de garder la prothèse amovible partielle lors des étapes de laboratoire, contrairement à la procédure employée en pratique courante [13] (fig. 1).
La procédure clinique est illustrée par le cas d’une patiente de 40 ans. Après un examen clinique et radiographique, l’avulsion des dents restantes au maxillaire (24 et 25) est indiquée ainsi que le remplacement de 23 absente sur la prothèse amovible existante (fig. 2).
Les propositions thérapeutiques incluaient, dans un premier temps, la transformation de la prothèse existante en une prothèse amovible complète provisoire puis, dans un second temps, la réalisation de la prothèse amovible complète définitive ou d’une prothèse amovible complète sur implant (PACSI).
Le chirurgien-dentiste choisit la teinte et réalise une empreinte, à l’alginate, au maxillaire (fig. 3) pour la réalisation de la réparation et, à la mandibule, pour la réalisation du modèle antagoniste. La prothèse amovible partielle n’est pas conservée par le chirurgien-dentiste. La patiente repart avec sa prothèse, selon son souhait.
L’empreinte est coulée en plâtre de type IV. Des encoches de repositionnement sont créées dans le socle du modèle maxillaire. Les dents destinées à être avulsées sont meulées sur le modèle en plâtre (fig. 4), puis les dents prothétiques 23, 24 et 25 sont montées sur le modèle à l’aide de « cire école*, » après isolation du modèle. L’occlusion est facilement retrouvée, les modèles sont montés en articulateur (fig. 5).
Une clé de repositionnement vestibulaire et occlusale est réalisée en silicone par condensation (Zetalabor, Zhermack®). Ce silicone présente une dureté de 80 Shore. La cire utilisée pour le montage des dents est ensuite évacuée. Les dents sont placées dans la clé de repositionnement (fig. 6) et collées grâce à de la cire collante (Sticky Wax, Kemdent®). Les encoches de repositionnement permettent de replacer fidèlement l’ensemble clé de repositionnement-dents prothétiques sur le modèle en plâtre (fig. 7). De la résine autopolymérisable (Palapress® vario, Heraeus) est coulée grâce à l’accès palatin puis la polymérisation est accélérée dans une eau à 45 °C, sous 2,5 bars de pression dans un autocuiseur, pour éviter toute porosité de la résine.
Des biseaux sont ensuite réalisés sur la pièce prothétique obtenue, afin d’augmenter la surface de collage entre cette pièce prothétique et la prothèse amovible partielle. Une clé de repositionnement des tables occlusales (fig. 8) de l’ensemble modèle en plâtre-pièce prothétique est réalisée en silicone Zetalabor. Les étapes de laboratoire sont alors terminées. Le prothésiste fournit la pièce prothétique et la clé de repositionnement occlusale.
La prothèse amovible partielle de la patiente est replacée dans la clé de repositionnement occlusale (fig. 9), ainsi que la pièce prothétique fournie par le laboratoire (fig. 10).
Une nouvelle clé de positionnement de l’intrados de l’ensemble prothèse amovible partielle-pièce prothétique est réalisée en silicone de type Zetalabor (fig. 11 et 12).
Sur la prothèse amovible partielle, la résine est désépaissie en biseau sur une longueur de 7 à 8 mm en palatin et sur une largeur d’au moins 1 dent aussi bien du côté palatin que vestibulaire. L’ensemble prothèse amovible partielle-pièce prothétique est alors prêt à être solidarisé et est placé sur la clé de positionnement de l’intrados (fig. 13). La résine utilisée pour la solidarisation est la même que celle utilisée au laboratoire (Palapress® vario). Au cabinet, la polymérisation peut également être accélérée en plaçant l’ensemble prothèse amovible partielle-pièce prothétique-clé de positionnement dans un autocuiseur. Après polissage soigneux, la prothèse amovible partielle transformée en prothèse amovible complète provisoire peut être insérée en bouche (fig. 14) et l’occlusion est vérifiée. Il est à noter que l’ajout de résine en vélo-palatin aurait été également possible.
La procédure décrite répond aux objectifs d’une prothèse amovible complète provisoire : pérennisation des fonctions, prothèse de diagnostic, mise en condition psychologique, préparation des surfaces d’appui et mise en condition neuromusculaire et neuroarticulaire. Ces deux derniers objectifs peuvent être réalisés dans un second temps. Ainsi, la préparation des surfaces d’appui peut être améliorée grâce à l’utilisation d’une résine à prise retard de type Fitt® de Kerr. Le plan d’occlusion et éventuellement la dimension verticale peuvent être modifiés secondairement grâce à l’adjonction de résine de type Unifast (GC). Les modifications nécessaires pour atteindre ces deux objectifs peuvent être réalisées directement au fauteuil. Le patient ne sera pas privé de sa prothèse.
Un autre avantage de cette technique de transformation est que, contrairement à la technique proposée par Livaditis en 1999, elle ne nécessite pas de polymérisation de la résine en bouche. La procédure présentée ici permet d’améliorer la qualité de la résine et d’éviter le contact de celle-ci avec les sites d’avulsion.
Le passage de l’état d’édenté partiel à l’état d’édenté total est une étape difficile aussi bien pour le patient que pour le praticien, et ce d’autant plus que le patient accorde, a priori, une grande confiance au praticien. Il est donc très important que le passage de la prothèse amovible partielle à la prothèse amovible complète soit une réussite pour que le patient continue à accorder sa confiance. Cette technique de transformation de la prothèse amovible partielle d’usage en une prothèse amovible complète provisoire implique peu de changements pour le patient. La procédure décrite facilite la transition vers la prothèse amovible complète. En outre, cette technique peut également être considérée comme une procédure palliative permettant la transformation d’une prothèse amovible partielle en prothèse amovible complète d’usage, voire la modification d’une prothèse amovible partielle. Les patients âgés, dépendants et en institution ont en effet perdu leur capacité d’adaptation à une nouvelle prothèse et ne peuvent pas tolérer le nombre important de séances nécessaires à la réalisation d’une nouvelle prothèse [14].
Ainsi, la technique présentée peut permettre soit une solution temporaire, soit une prothèse d’usage « palliative » chez des patients ayant des besoins spécifiques.
* Cire rose classique de laboratoire